« Les cheveux des bilakorow, des jeunes garçons, sont teints par le sol argileux couleur Roland-Garros. Au-dessus de leur trogne vole un essaim d’insectes formant un cerf-volant sans ficelle. »
Balla n’a que six ans lorsque son père fuit leur village malien, abandonnant sa femme et ses fils. Wassa, sa mère, est une forte femme, qui ne regrette qu’une chose, avoir dû quitter l’école à huit ans. Elle décide de partir pour la France, avec une étape à Bamako, où l’un des enfants va rester, puis c’est l’arrivée dans la banlieue parisienne, chez des cousins qui se serrent pour leur faire de la place, et enfin, dans un appartement à eux.
« Un coup, c’est le Cyclope, un coup c’est l’Ortofonisse. Si aucun des deux n’est disponible, un assistant pose son sourire cactus sur mon visage assombri par l’incompréhension. »
Balla commence aussitôt l’école, mais peine à comprendre les règles, toutes nouvelles pour lui, ne serait que manger avec une fourchette. Le petit garçon parle seulement avec le psychologue, qu’il nomme le Cyclope, et fréquente aussi l’orthophoniste, puis est dirigé vers ce qu’on appelait alors une classe de perfectionnement (dénomination qui a changé deux ou trois fois depuis, remplacée par des sigles dont le ministère de l’Éducation nationale a le secret).
Il lui faudra du temps, et le regard bienveillant et perspicace de quelques enseignants pour enfin revenir dans le cursus traditionnel et pouvoir exercer son talent à raconter des histoires. Mais il faudra aussi qu’il combatte les moqueries, jusqu’au sein de sa famille, et qu’il parvienne à toucher du doigt la prophétie formulée à son sujet.
« La gloire de mon père me fait comprendre le rôle de la lecture. Lire, c’est faire entrer dans ton cœur des personnages qui n’ont rien à voir avec toi mais qui finissent par être toi, par te changer, par te faire grandir. »
Le style de Balla Fofana donne immanquablement le sourire, par son réjouissant mélange d’innocence enfantine, de sagesse ancestrale et d’appropriation des codes occidentaux. Les comparaisons toutes personnelles, le style frais, vif, et un soupçon impertinent, conviennent bien à la narration par un jeune garçon que sa double culture empêche en quelque sorte d’avancer. J’ai repéré cette jolie lecture sur le blog d’Alex (Mot à mots) qui a très bien fait de mettre en lumière ce roman. Je n’ai parlé que de Balla, mais le texte laisse aussi une belle place au superbe personnage de la mère du petit garçon.
La prophétie de Dali, de Balla Fofana, éditions Grasset, mai 2023, 208 pages.
Le mois africain, c’est Sur la route de Jostein.