Juhani Karila, La pêche au petit brochet

« Un malheureux concours de circonstances avait eu pour conséquence qu’Elina devait sortir le brochet de l’étang chaque année avant le 18 juin. 
Sa vie en dépendait. »

Elina, jeune chercheuse en biologie, revient chaque année dans sa Laponie natale, au-delà du cercle polaire, pour accomplir un rituel. Une pêche au brochet dans un petit étang marécageux, infesté de moustiques, taons et autres insectes suceurs, et défendu par un ondin ergoteur. La raison de cette inlassable pêche au brochet, il va falloir bien des pages et des péripéties pour la connaître. Parallèlement, Janatuinen, une jeune policière, arrivée du sud elle aussi, est à la poursuite d’Elina, et va se trouver confrontée à des phénomènes pour elle totalement inexplicables et irrationnels. D’autres personnages haut en couleurs vont venir se mêler à leurs deux quêtes, avec plus ou moins de bonheur.

« L’être tenait un grand faitout à deux mains et buvait. Janatuinen recula jusqu’au mur du fond, sans jamais cesser de viser le monstre. Celui-ci avait une fourrure rêche comme si la nuit même s’était matérialisée sous forme de crins flexibles et frisés. »

Attention, lecture atypique ! Je connaissais un peu la littérature finlandaise, avec Arto Paasilinna ou Johanna Sinisalo, et j’avais déjà rencontré dans leurs romans, dans un contexte par ailleurs tout ce qu’il y a de plus contemporain, des créatures issues de la mythologie nordique. Je n’ai donc pas été étonnée de voir apparaître un ondin dans les eaux d’un paisible étang, mais un peu plus ensuite lorsque un grabuge a été évoqué, puis lors de l’apparition d’un teignon.
Et ce n’est pas tout ! C’est tout un bestiaire fantastique, suscité peut-être par les longues nuits d’hiver ou par des imaginations très fertiles, qui se plaît à mettre des bâtons dans les roues des deux héroïnes. Je laisse aux futurs lecteurs la surprise de les découvrir…
C’est pour le moins décoiffant, et un peu déstabilisant. Attirée vers ce livre dès sa sortie, puis de nouveau intriguée par l’argumentaire du responsable du stand de La Peuplade du festival Étonnants voyageurs, je me suis laissé tenter, mais ai mis un peu de temps à être convaincue. Légèrement débordée par le nombre de créatures étranges, j’ai trouvé que l’histoire aurait gagné à être un soupçon moins loufoque.
Toutefois j’ai fini par me laisser faire, et en retire au final une impression de lecture plaisante, souvent très drôle, avec des personnages entraînants, et qui s’avère recommandable tant comme lecture d’été que pour découvrir la jeune littérature finnoise.

La pêche au petit brochet de Juhani Karila, (Pienen hauen pyydystys, 2019), éditions La Peuplade, 2021, traduit du finnois par Claire Saint-Germain, 434 pages.

Maria Adolfsson, Faux pas Doggerland 1

fauxpas« Karen contemple ces hommes usés. Ces histoires remontent à près de quarante ans. Ils devaient avoir autour de trente ans lorsque les Lindgren et les autres membres de la communauté sont arrivés. Ils avaient le même âge qu’eux, mais venaient de mondes diamétralement opposés. »
Voici un polar oublié dans mon dernier billet, et qui mérite bien une petite chronique à lui tout seul.
Imaginez tout d’abord le décor, l’archipel de Doggerland, entre Écosse et Danemark. Vous ne connaissez pas ? Normal, ces îles n’existent pas, ou plutôt ont disparu depuis dix-huit mille ans, ne laissant qu’un plateau sous l’océan. Sorte d’Atlantide du nord, elles ont inspiré à une auteure suédoise une série de polars, dont voici le premier. Le faux pas du titre arrive dès les premières pages lorsque Karen, inspecteur d’une petite cinquantaine d’années, se réveille aux côtés de Jounas, son chef, après un lendemain de fête. Ils ne sont pourtant pas vraiment en bons termes, et elle aimerait que cette soirée n’aie jamais eu lieu. D’autant que le jour-même, une femme est trouvée morte dans le petit village portuaire de Langevik, et qu’il s’agit de l’ex-femme de Jounas. L’enquête confiée à Karen démarre lentement, les indices manquent, et les mobiles également.

« Elle ne gratifie ces discours d’aucun commentaire. Elle sait que, dans ce cas, le silence a plus de poids que les mots ; que les bâillements d’ennui sont plus provocateurs que les objections. »
Dans un environnement de travail sexiste et peu ouvert, Karen a bien du mal à se faire une place, et pourtant là, elle se retrouve à diriger une enquête pour meurtre, avec son chef de service parmi les suspects, et peu de soutien de la part du reste de sa hiérarchie. De plus, Karen n’est pas forcément une personne aimable et souriante, et on apprend petit à petit les raison de ses traits de caractère peu amènes.
Je me suis immergée facilement dans ce polar qui n’avait pourtant pas l’atout de faire partie d’une série déjà connue. Les descriptions de paysages permettent de bien s’imaginer les lieux, les personnages ne manquent pas d’intérêt, les retours en arrière sont bien menés pour expliciter les motifs qui les animent.
Les pistes à exploiter se ferment les unes après les autres pour laisser Karen dans l’impasse, jusqu’au moment où tout semble s’éclairer, mais en même temps la mettre en grand danger. La fin est donc plus spectaculaire et haletante.
J’ai eu la satisfaction de découvrir un polar du nord aussi solide par son intrigue qu’original par son décor, et je ne manquerai pas de lire la deuxième enquête, pas encore traduite.

Faux pas Doggerland 1 de Maria Adolfsson, (Felsteg, 2018) éditions Denoël, 2019, traduction d’Anna Postel, 528 pages.

Audur Ava Olafsdottir, Ör

orRentrée littéraire 2017 (9)
« – Depuis que tu es sorti du ventre de ta mère, 568 guerres ont été menées dans le monde, dit la voix depuis le fauteuil. »

Cela commence dans un salon de tatouage. Jonas, qui vit seul depuis huit ans et cinq mois, depuis que sa femme l’a quitté, choisit un nymphéa blanc sur le cœur. Après avoir rendu visite à sa mère, en maison de retraite, et l’avoir écouté disserter sur son sujet favori, les guerres, Jonas s’interroge sur la manière d’emprunter un fusil à son voisin Svanur, sans éveiller sa méfiance. Car Jonas ne voit plus rien qui le retient dans la vie…


« Une fois dehors, j’appelle les secours pour signaler qu’il y a une oie à l’aile brisée près de la maison de retraite.
– Un mâle, dis-je. Tout seul. Sans femelle. »
Mais Jonas a des scrupules à imposer à sa famille la vision de son corps, aussi décide-t-il de partir pour un pays étranger pour s’y donner la mort. Muni d’une perceuse et d’une caisse à outils, il débarque dans un pays qui sort à peine de la guerre, et s’installe dans un hôtel tout juste rouvert.
Audur Ava Olafsdottir fait partie des auteurs, pas si nombreux, dont j’achète les livres sans trop chercher à savoir de quoi ils parlent, ni si les avis sont bons. J’ai confiance, je sais qu’elle va créer de beaux personnages et une douce atmosphère, que je me vais me sentir bien entre ses mots. Et cela s’est vérifié une fois de plus. Le talent de l’auteure pour imaginer des caractères et cerner des personnalités, un peu hors du commun mais attachantes, est toujours présent et m’a enchantée d’un bout à l’autre du roman.
C’est une lecture douce sans être mièvre, teintée d’humour sans être loufoque, qui aborde des sujets difficiles sans jamais larmoyer. Aussi réussi que Rosa Candida, ce roman convient tout aussi bien pour une première découverte que pour entrer une fois de plus en connivence avec l’humanité irrésistible qui se dégage de toute l’œuvre de l’auteure islandaise.

 

Ör de Audur Ava Olafsdottir, éditions Zulma (octobre 2017) traduit par Catherine Eyjolfssson, 239 pages.


Les avis de Cathulu et Cuné.

Challenge littérature nordique chez Margotte.
LitNord

Jo Nesbø, Soleil de nuit

soleildenuit« Mon plan jusqu’à présent avait été de ne pas en avoir, puisqu’il anticiperait toute stratégie logique que je pourrais élaborer. Ma seule chance était l’arbitraire. »
Avec Soleil de nuit, je retrouve Jo Nesbø, auteur déjà lu et aimé avec son héros récurrent Harry Hole. Ici, le roman est plus court et différent des autres, mais c’est toujours un plaisir de retrouver la Norvège, et l’écriture de l’auteur.
Jon Hansen est en fuite, on le comprend dès le début, lorsque, un peu au hasard, il descend d’un autocar dans une petite localité du Finnmark, à près de deux mille kilomètres d’Oslo, au nord du pays. Il y rencontre un jeune garçon et sa mère, leur dit se nommer Ulf et se réfugie dans une cabane de chasse, à l’écart du bourg. La communauté essentiellement composée de laestadiens, protestants particulièrement rigoristes, ne l’accueille pas forcément à bras ouverts, mais là n’est pas le problème.

 

« Vous disposez d’un temps donné, vous brûlez jusqu’au filtre, et puis, inexorablement, c’est la fin. Mais l’idée, c’est brûler jusqu’au filtre, ce n’est pas de s’éteindre avant. »
Jon fuit en effet des tueurs commandités par un gros mafieux de la capitale auquel il doit de l’argent, et il est persuadé qu’ils finiront par le trouver, quel que soit le soin qu’il mette à dissimuler ses traces. Au pays des Sames et du soleil de minuit, Jo Nesbø écrit une jolie variation sur un thème classique, celui de la fuite, sur un ton mêlant l’humour, les sentiments, et les situations noires. Le personnage se découvre lui-même petit à petit autant que le lecteur apprend à le connaître, il ne sait plus s’il doit fuir plus loin, se préparer à attendre avec philosophie ses tueurs ou garder une lueur d’espoir. J’en dis volontairement moins que la quatrième de couverture, car une partie de l’intérêt du livre vient de la divulgation progressive du passé de Jon. On en vient ainsi à se faire du souci pour un personnage qui au départ n’inspire pas forcément la bienveillance.
L’auteur fait monter l’angoisse habilement, mais ne néglige pas la découverte d’une région et d’une communauté, rencontrées lors d’un séjour dans les années 70 et 80. Une lecture prenante, rapide et des retrouvailles réussies avec l’auteur !

Soleil de nuit de Jo Nesbø (Mere blod, 2015) Gallimard (2016) traduit du norvégien par Céline Romand-Monnier, 224 pages


Lu pour le Challenge littérature nordique
LitNord

Lectures du mois (14) août 2017

Pour un mois d’été torride, et des neurones qui craignent la surchauffe, rien ne vaut un mélange de romans scandinaves et de polars !

demainsanstoiBaird Harper, Demain sans toi, Grasset, août 2017
La littérature américaine réserve souvent de bonnes surprises, ce roman ne me laissera aucun souvenir si ce n’est celui d’un malaise et d’une sensation générale de superflu. Des auteurs comme T.C. Boyle ou Russell Banks excellent à décrire la « white trash », la classe pauvre américaine des campagnes et des petites villes, tout en la rendant attachante. Dans ce roman, je n’ai eu l’impression que d’une succession de situations sordides alignées les unes derrière les autres. Je n’ai vu aucun bon côté aux personnages, ni à leurs actions. Certains aimeront sans doute cette noirceur poussée à l’extrême, je n’y ai pas vu d’intérêt, et l’écriture n’a pas réussi à me retenir non plus. Par contre, la construction, sous forme de nouvelles qui semblent indépendantes, est judicieuse, et aurait pu être le moteur central de ma lecture, si la médiocrité des personnages n’avait pas été aussi exagérée.

touslesdemonssonticiCraig Johnson, Tous les démons sont ici, Gallmeister, 2015.
Cela commence par un transfert pénitentiaire, qui pourrait être simple, mais il se trouve que Walter Longmire ne sent pas trop bien, avec une tempête qui approche sur les Appalaches. Le détenu principal est un personnage des plus dangereux, ce qui donne une scène déjà digne d’un dénouement de thriller dès les premiers chapitres. Le roman va monter crescendo, transformant ce transport en véritable odyssée avec quelques scènes d’anthologie et toujours un mélange réjouissant de nature, d’humour et de vieux mythes indiens. Un plaisir à ne pas bouder !

La lecture d’Athalie

septiemerencontreHerbjorg Wassmo, La septième rencontre, éditions 10/18, 2009
Retour à une auteure déjà lue, et aimée, avec Cent ans ou Le livre de Dina. Ici, deux personnages principaux : Rut, une fillette sur son île du nord, puis une jeune étudiante, puis une femme artiste peintre et Gorm, fils de bourgeois et commerçant. Les deux se rencontrent plusieurs fois, d’où le titre, semblent avoir tout pour se plaire… mais à chaque fois, quelque chose les empêche d’aller plus loin. Le style très reconnaissable d’Herbjorg Wassmo m’a tenue en haleine, les personnages sont attachants, les faits souvent durs à encaisser. Rarement un chapitre de roman m’aura mise en colère comme celle que j’ai ressentie au moment où les habitants de l’île reprochent des faits imaginaires au malheureux frère de Rut.
Pourquoi pas le titre à conseiller pour découvrir cette grande dame norvégienne, surtout si le thème de l’art vous intéresse ?

Le billet de Cécile.

bottessuedoisesHenning Mankell, Les bottes suédoises, éditions du Seuil, août 2016
Frank Wellin vit une retraite solitaire sur une île de la Baltique, lorsqu’une nuit, il échappe de justesse à l’incendie de sa maison. Il a tout perdu, seules lui restent une unique botte et la caravane de sa fille, et de plus, il est soupçonné d’avoir lui-même incendié son domicile. Mais Frank n’est pas du genre à se laisser accuser sans réagir. J’ai retrouvé avec plaisir les personnages et les paysages des « Chaussures italiennes ». Une écriture fluide et de la sympathie pour personnage principal, malgré son côté « ours du nord », voilà une lecture des plus agréables, mais un peu trop rapide !

L’avis d’Antigone.

quandsortlarecluseFred Vargas, Quand sort la recluse, Flammarion, mai 2017
Encore une valeur sûre, et des retrouvailles, cette fois avec le commissaire Adamsberg. À peine revenu d’Islande, où l’avait conduit sa dernière enquête, il débrouille très rapidement l’affaire pour laquelle on l’avait rappelé grâce à son intuition phénoménale ! L’occasion pour l’auteur de refaire prendre connaissance de l’équipe au complet. Un des adjoints d’Adamsberg se passionne pour des morts accidentelles dans le sud de la France, où deux hommes âgés ont été piqués par des araignées recluses. De recherches tous azimuts en consultations de spécialistes ou en rencontre bien opportunes, l’enquête devient une enquête pour meurtre. On la croit débrouillée au milieu du roman, mais il n’est pas facile d’affirmer une quelconque culpabilité, de plus un membre de l’équipe se comporte bizarrement. Bref, impossible à résumer, reposant sur des ficelles un peu grosses et des invraisemblances qui le sont encore plus, et pourtant, c’est toujours une parfaite lecture d’été, et un régal !

Le billet de Papillon.

Enregistrer

Enregistrer

Tommi Kinnunen, Là où se croisent quatre chemins

laouquatrecheminsQu’est-ce qui m’a fait choisir d’acheter ce roman de la rentrée de janvier plutôt qu’un autre ?
La littérature finlandaise, tout d’abord, dont je ne connais pas les auteurs et les productions actuelles, alors que j’ai des souvenirs de lectures éblouissantes en Norvège ou en Islande. Le nord de la Finlande, ensuite, et une histoire familiale sur plusieurs générations, me rappelant des romans islandais tels Karitas ou norvégiens comme ceux d’Herbjorg Wassmo.


« Dans les douleurs de l’enfantement, elles l’écoutent, il faut bien croire à quelque chose. »
Le roman court de 1896 à 1995, sans respecter la chronologie, mais en composant un puzzle où des pans de l’histoire familiale peuvent se trouver racontés du point de vue de l’un ou l’autre des quatre personnages principaux : d’abord Maria qui est sage-femme à la fin du XIXème siècle, puis Lahja sa fille, ensuite Kaarina, la belle-fille de Lahja et enfin Onni, le mari de Lahja. Le roman porte bien son titre, puisque les quatre récits ne se nouent réellement qu’au terme du roman, après des allers et retours dans le temps, entre constructions de maisons, naissances, guerres, deuils et relations familiales compliquées.

« Souvent une personne qui n’a aucun talent pour jouer avec un bébé trouvera de quoi discuter avec un enfant plus âgé ou saura donner les bonnes réponses à un jeune. Lahja, elle, ne se faisait à la compagnie d’aucun enfant. Elle ne savait pas ou ne voulait pas. »
Lahja occupe une place centrale dans le roman, elle a une mère sage-femme et pourtant aucune aptitude visible à s’occuper d’enfants. Son but de jeune fille et de jeune femme est de se marier, mais quand elle y parvient, elle ne semble pas heureuse, et l’on comprendra progressivement pourquoi elle est si amère.

« Lahja laissait quelques pas d’avance à son mari, que les bigots n’aillent pas prétendre qu’elle essayait de marcher à son côté comme son égale. »
La Finlande qui nous est montrée en modèle de société actuellement a dû être le lieu d’une évolution particulièrement rapide des mentalités, c’est ce qui frappe en lisant cette histoire. En 1938, une femme ne pouvait pas marcher à côté de son mari, plus tard, dans les années 60 ou 70, le rôle de l’église était encore particulièrement fort, régissant jusqu’à l’intimité et la vie quotidienne. C’est la clef du roman, mais je ne vous en dirai pas plus.

Pour qui, ce roman ?
Clairement pour les adeptes de sagas familiales nordiques, comme Le livre de Dina ou Karitas, mais qui ne craignent pas d’être un peu bousculés par la chronologie. Quoique si on tient bien compte de la date présente à chaque début de chapitre, on se repère assez vite. Les personnages sont plutôt sombres et du genre taiseux, mais les dialogues ne sont pas absents et n’en ont que plus de force. Là où se croisent quatre chemins, grâce à des personnages rudes mais attachants, fera sans nul doute partie des romans qui ne se laissent pas oublier facilement !

Là où se croisent quatre chemins (Neljäntienristeys, 2014) éditions Albin Michel (janvier 2017) 351 pages, traduit par Claire Saint-Germain.

La lecture de Jérôme ou La Rousse bouquine.

Photographe du samedi (39) Jonas Bendiksen

Dans le dossier photo de mon ordinateur, je viens de retrouver ce magnifique travail de photographie que je ne vous ai jamais montré. Cet album ne correspond donc pas à une actualité culturelle du moment, mais c’est tout ce que j’aime, des reportages sur le monde tel qu’il est, qui en montrent la beauté sans rien occulter des problèmes climatiques ou humains qui le guettent.

Jonas_Bendiksen2jonas_bendiksen12jonas_bendiksen15
Reporter photographe pour l’agence Magnum, Jonas Bendiksen, contrairement à nombre de ses collègues, ne parcourt pas les zones de guerre. Pas par choix, mais parce que ça s’est trouve comme ça, explique-t-il en interview. Ses sujets de prédilection sont, du coup, outre sa Norvège natale, des pays peu connus, qui, bien que ne faisant pas parler d’eux, n’en sont pas moins intéressants, ainsi les ex-républiques soviétiques comme l’Abkhasie ou la Transnistrie. Mais aussi le Bangladesh ou la Moldavie. Après le livre appelé Satellites, il a fait paraître Places we live, photos des villes où il est passé, partant du constat que dorénavant, plus d’êtres humains vivent en ville que dans les zones rurales.

BANGLADESH
BANGLADESH

Jonas_bendiksen11
BANGLADESH

VENEZUELA. Caracas. 2005. Man sitting on the stoop in Barrio 23 de Enero.
VENEZUELA

Jonas Bendiksen est né en Norvège en 1977. Il a commencé chez Magnum à Londres à 19 ans comme garçon de courses. A la suite de ce stage, il a commencé à photographier lui-même, notamment dans l’ex-URSS. Depuis 2004, il travaille pour National Geographic et a rejoint l’équipe de l’agence Magnum.

Jonas_Bendiksen7Jonas_Bendiksen8

Photographe (28) Ciril Jazbek

Je continue la série de photographes qui méritent d’être connus !
J’ai eu l’occasion de voir une exposition de ces photos l’année dernière aux Rencontres Photographiques d’Arles. La série était intitulée « On thin ice » et j’avais été subjuguée par cette lumière froide, et aussi par le fait que l’esthétique des photos ne fasse pas oublier le travail documentaire qui se trouve derrière.
ciril_jazbek1ciril_jazbek2ciril_jazbek3ciril_jazbek4ciril_jazbek6
C’est une série de photos qui a été prise au Groenland, et qui a pour but de montrer les changements climatiques au point de vue de leurs répercussions sur l’activité humaine : « on thin ice » la glace devient de plus en plus mince, les températures montent, le temps est imprévisible, menaçant le mode de vie des chasseurs inuits.
ciril_jazbek8ciril_jazbek9ciril_jazbek10
Ciril Jazbek est tout jeune, il est né en Slovénie en 1987. Il a étudié le photojournalisme et la photographie documentaire à Londres. Il travaille comme photographe indépendant. Ses clichés apparaissent dans de nombreux magazines comme Géo ou National Geographic.
Son métier est pour lui, dit-il « Travail, passion et amour. Et nature, si possible. »
Le site du photographe.
ciril_jazbek12 ciril_jazbek13 ciril_jazbek14

William Giraldi, Aucun homme ni dieu

aucunhommenidieuL’auteur : William Giraldi est un romancier américain du Connecticut, collaborateur de la New York Book Review. Paru en 2011, son premier roman, titré Busy Monsters, a remporté un beau succès. Aucun homme ni dieu est son premier roman traduit en français.
311 pages
Éditions Autrement (janvier 2015)
Traduction : Mathilde Bach
Titre original : Hold the dark

Je crois que j’ai enfin trouvé ma première pépite de l’année en cours ! Quand un auteur réussit à mélanger à la perfection une histoire qui nous attrape et ne nous lâche plus, des personnages peu communs, une écriture pleine de sensibilité et de force, que demander de plus ? Un paysage à la rudesse extrême ? On l’a aussi !
Dans ce roman, William Giraldi, dont c’est le premier roman traduit en France, nous démontre à quel point est ténue la frontière entre l’humain et l’animal.
Cela commence en Alaska, dans un village éloigné de tout, où trois enfants disparaissent enlevés par des loups. Les villageois se lamentent, la police ne peut rien faire, seule une mère, Medora Slone, fait appel à Russell Core. Il n’est ni policier, ni enquêteur, ni dresseur de loups, il est simplement un romancier qui a écrit à propos des loups. Comme plus rien ne le retient chez lui, il se rend à Keelut. Ce qui l’incitera à y rester plus longtemps que prévu, ne croyez pas que je vais vous le raconter !
Le jeune auteur réussit à merveille à créer un village que l’on sent, viscéralement, hors du monde. Plus on avance dans la lecture, plus cette impression grandit. Peut-être parce que j’avais envie qu’il soit purement imaginaire, et que dans aucun endroit sur terre, il ne soit aussi peu envisageable de vivre. Pas à cause de la nature inhospitalière, des loups qui rôdent, mais à cause des êtres humains. Le personnage de Vernon Slone, le père du petit garçon disparu, lancé dans une quête sanglante, suffirait à cristalliser toutes les angoisses liées à ce que l’homme est capable de faire.
C’est rude, angoissant, glaçant, et ça ne ressemble à aucun autre roman déjà lu, sauf peut-être Au nord du monde de Marcel Theroux… ceux qui l’ont lu sauront que c’est la meilleure référence qui soit ! J’ajoute que la traductrice mérite qu’on applaudisse son travail !

Les premières lignes : Les loups descendirent des collines et prirent les enfants de Keelut. Le premier enfant disparut alors qu’il tirait sa luge sur les hauteurs du village. La semaine suivante, une autre fut enlevée tandis qu’elle longeait les cabanes près de l’étang gelé. Et voilà qu’au milieu des volutes blanches de l’hiver, un troisième était arraché à leur village, celui-ci sur le seuil même de sa maison. Sans un bruit – nul cri, d’homme ou de loup, pour témoin.
Toutes les femmes étaient affolées, celles qui avaient perdu leurs enfants, inconsolables. La police arriva de la ville un après-midi. Ils griffonnèrent des lignes sur des blocs-notes. Semblèrent désireux d’aider, mais ne revinrent jamais. Hommes et femmes se mirent alors à patrouiller dans les collines, à la lisière du village, fusils à la main. Les aînés eux-mêmes escortèrent les enfants, pistolets au poing, jusqu’à l’école ou l’église.

Elles admirent aussi : Aifelle, Ariane, Clara, Dominique, Sandrine, Val  et Véronique .

Non-challenge des pépites de Galéa.

Photographe du samedi (26) Marja Pirilä

Découverte dans le dernier numéro de Causette feuilleté en bibliothèque, cette photographe finlandaise qui utilise le principe de la camera oscura pour faire de magnifiques clichés qu’on croirait sortis tout droits d’un rêve… Je rappelle ce qu’est la camera oscura ? C’est ce qui se passe lorsqu’une image pénètre dans une pièce ou une boîte sombre par une petite ouverture, et que l’image se trouve projetée à l’envers sur le mur. C’est comme cela que les premières photographies ont été réalisées. J’ai déjà remarqué ce phénomène, mais je n’aurais pas pensé qu’il était possible de le photographier de manière aussi claire, il doit falloir une image de grande sensibilité…

Marja-Pirilä-1

Marja-Pirilä-2Camera obscura/Tiina´s Room 2002,Tampere, FinlandMarja-Pirilä4
Marja Pirilä est fascinée par ce phénomène et travaille dessus depuis 1996. Elle en aime, et nous aussi, l’aspect magique, la lenteur et le silence, tel l’espace d’un rêve.

Marja-Pirilä5Marja-Pirilä6Camera obscura/ Anu 2004, Tampere, FinlandMarja-Pirilä8????????????????????????????????????????????Le  site de Marja Pirilä.
Tous les photographes du samedi sont chez Choco ou ici… Un clic permet d’agrandir les photos…