« Le boxeur ne portait pas une mais deux montres, l’une à l’heure de Paris, l’autre, une Reflet de la marque Boucheron, réglée d’avance sur le fuseau de New York. C’était un cadeau d’Edith Piaf, un porte-bonheur. »
Je dois avouer une chose en préambule, contrairement à beaucoup de personnes, alors que je ne raffole pas des téléphériques et autres moyens de transport suspendus ou se balançant dans le vide, j’aime voyager en avion, je me sens complètement rassurée et d’ailleurs le nombre d’accidents rapporté au nombre de vols effectués chaque année me donne tout à fait raison. Je suis tellement en confiance que je peux même lire un roman évoquant du début à la fin une catastrophe aérienne très médiatisée, quoique ancienne, deux jours avant de voyager dans les airs, sans que cela me dérange le moins du monde, au contraire.
« Quel diable s’est ingénié à faire concorder autant d’erreurs jusqu’à un impact aux probabilités nulles ou presque.
Ce presque au centre de toutes les attentions, ce hasard dont il faut dénouer les ramifications pour l’extraire de la fatalité. »
Adrien Bosc a choisi de s’intéresser à un drame qui a fait couler beaucoup d’encre, en particulier parce qu’à son bord se trouvait Marcel Cerdan. Le boxeur avait pris ce vol à la place d’une autre personne, plus chanceuse rétrospectivement, pour pouvoir retrouver plus vite Edith Piaf l’attendant à New York. Parmi les passagers du vol F-BAZN parti d’Orly le 27 octobre 1949, se trouvaient aussi Ginette Neveu, jeune violoniste virtuose, des bergers basques qu’un contrat de travail attendait dans les grandes plaines de l’Ouest, une ouvrière alsacienne, un homme qui partait retrouver sa femme, au total 37 passagers et 11 membres d’équipage dont les destins brisés forment sous la plume de l’auteur une galaxie, une constellation, tel le nom de l’appareil conçu par Howard Hughes. Adrien Bosc les évoque tous, leur redonne une place, après une enquête minutieuse. Il alterne aussi avec le récit de la catastrophe, vu de l’intérieur, et l’enquête de l’organisme chargé de reconstituer le vol pour comprendre la tragédie.
« À l’issue de plusieurs heures de marche, ils atteignent l’appareil et rejoignent les secours dépêchés la veille sur l’île. Ils y découvrent sur près de vingt-cinq hectares un lieu de désolation enveloppé dans une chape de brouillard épais aux nappes humides et laiteuses. »
Une heureuse surprise que ce roman, dont le principal atout lorsque je l’ai choisi était qu’il ne semblait pas trop long. Tout de suite, son écriture m’a séduite, sa précision lorsqu’il s’agissait de décrire un enchaînement fatal de circonstances, sa poésie lors des évocations de paysages, son humanité pour dire les vies des quarante-huit personnes qui ont fini toutes au même moment, sur les flancs du mont Redondo, sur une île des Açores, mais pas celle où se trouvait l’aéroport… tout cela forme un ensemble qui fonctionne bien à mon avis, à la fois sans pathos et sans voyeurisme.
Constellation, d’Adrien Bosc, éditions Stock (2014), Grand Prix du roman de l’Académie Française, 198 pages, existe en Livre de Poche.
Autist Reading a pris plaisir à lire ce roman, Eva a aimé malgré quelques bémols, c’est un sans-faute pour Sev...