
« Amaia sentait dans cette forêt des présences si tangibles qu’il était facile d’y accepter l’existence d’un monde merveilleux, un pouvoir de l’arbre supérieur à l’homme, et d’évoquer le temps ou, en ces lieux et dans toute la vallée, êtres magiques et humains vivaient en harmonie. »
Avant d’évoquer les personnages ou l’investigation policière, il convient de parler des lieux : la vallée du Baztán, dans les Pyrénées espagnoles, environnée de forêts et au milieu de laquelle se trouve le bourg d’Elizondo. L’endroit semble idyllique, mais l’atmosphère devient plus trouble lorsqu’une jeune fille, puis deux, sont retrouvées mortes, leur corps à chaque fois soigneusement déposé au bord de la rivière, en pleine forêt. La présence de poils d’animaux font imaginer à tous, même à Amaia Salazar, policière chevronnée revenue de Pampelune dans son village natal, qu’un basajaun, créature mythique, pourrait être passé sur les lieux…
« L’architecture d’un village ou d’une ville témoigne des existences et préférences de ses habitants autant que les habitudes d’un homme révèlent sa personnalité. Les lieux reflètent un aspect du caractère, et ce lieu parlait d’orgueil, de courage et de lutte, d’honneur et de gloire. »
Dès les premières lignes, j’ai adopté sans difficulté cette nouvelle série policière venue d’Espagne. Tout d’abord, on n’y retrouve pas les clichés habituels. L’enquêtrice travaille au sein d’une équipe sans gros problèmes, a une vie de couple assez harmonieuse, ça change des policiers divorcés et alcooliques. Elle vient ensuite d’une famille unie, qui vit au cœur de la vallée du Baztán, mais là, je ne vous en dévoile pas trop, volontairement. On comprend qu’Amaia ne souhaite pas vraiment enquêter dans son village d’enfance, et qu’elle souffre d’un vieux traumatisme.
Si j’ai ressenti quelques petites baisses de rythme au cours du roman, qui est tout de même raisonnablement long, d’autres les trouveront sans doute négligeables. L’ensemble tient bien la route, est relevé d’une écriture tout à fait agréable, et comme c’est le début d’une trilogie, je ne demande qu’à lire la suite !
Le gardien invisible de Dolores Redondo, (El guardian invisibile, 2012), éditions Stock, 2013, traduction de Marianne Millon, 520 pages en poche.