Rentrée littéraire 2019 (9)
« Et cela donnait dans la classe des silences parfois pénibles, entre fatigue et résignation, comme si l’Histoire n’était qu’une chose ancienne, une boîte fermée à double tour, dont les scénarios les plus monstrueux et les zones de mystères ne les excitaient pas. »
Cours d’histoire dans une classe de Terminale ES d’un lycée de banlieue : aujourd’hui, c’est Livio qui va faire l’exposé sur les autodafés perpétrés par les Nazis. Il a choisi le personnage de Magnus Hirschfeld, médecin et chercheur juif, qui avait créé un institut sur la sexualité, doté d’une bibliothèque imposante, et lutté pour les droits des homosexuels. Si Livio a choisi de parler de ce personnage pourtant peu connu, c’est qu’il se reconnaît en lui, et d’ailleurs cela devient de plus en plus clair au fur et à mesure de son exposé.
« Imaginez qu’il vous est impossible de rentrer chez vous, que vous êtes devenu indésirable dans votre propre pays. Ou dans votre propre famille. Livio ajouta cela in extremis, ça lui avait échappé. Et il se rendit compte en le disant que l’homosexualité était la seule minorité qui ne trouve pas forcément de réconfort auprès des siens. »
Dans cet extrait, Livio pense à ses parents qui ne le comprennent pas… L’auteure observe et dissèque les réactions des camarades de classe de Livio, du désintéressement au rejet de ce coming out. Parmi eux, Camille, la confidente et amie de Livio qui pourtant découvre comme les autres cet aspect du jeune homme discret.
Sur un sujet délicat, grâce au parallèle historique et au regard adolescent de Livio, Brigitte Giraud a écrit un livre ramassé, mais plein de tension. C’est fort bien fait, et pour un livre lu il y a trois semaines, le sentiment qu’il m’a laissé n’a fait que grandir, me conforter dans une appréciation positive, qui tient autant à l’écriture qu’au sujet.
J’ai une petite remarque concernant le point de vue. Le style fluide mais parfois digressif, parfois aussi proche du langage parlé, laisse imaginer que le narrateur est l’un des élèves de la classe, mais une phrase comme : « Personne n’avait jamais parlé de sexualité à ces adolescents. » infirme cette hypothèse. Simple remarque de ma part, ce n’est pas gênant, et ce point de vue décentré accentue même l’intérêt porté à l’exposé de Livio et au devenir de l’adolescent au sortir de cette séance.
J’ai retrouvé avec curiosité, et plaisir, l’univers de Brigitte Giraud, après Nous serons des héros et L’amour est très surestimé.
Jour de courage de Brigitte Giraud, Flammarion, août 2019, 156 pages.
Coup de cœur pour Antigone, un roman intense pour Cathulu, un roman empli de justesse pour Clara.