Juan Rulfo, Le Llano en flammes

« Après tant d’heures passées à marcher sans même rencontrer l’ombre d’un arbre, ni une pousse d’arbre ni une racine de quoi que ce soit, on entend l’aboiement des chiens. »

« On nous a donné la terre », voici le titre de la première nouvelle de Juan Rulfo, auteur mexicain qui a acquis une stature de classique reconnu partout, avec seulement deux livres, ce recueil de nouvelles paru en 1953, et un roman, Pedro Paramo, en 1959. Né en 1918, il est enfant durant la « guerre des cristeros », révolte paysanne contre le pouvoir central qui dans les années 20, donna lieu à de nombreux combats et exactions diverses. Ces souvenirs, ou plutôt impressions d’enfance, imprègnent les nouvelles. Pour moi qui ne connais pas l’histoire mexicaine, et comme les textes montrent des événements isolés sans plus d’explications, cela paraît parfois obscur. Enfin, cela n’a rien de gênant ni d’insurmontable, car c’est surtout l’écriture et l’atmosphère qui priment dans ces textes. La vie y est rude, la pauvreté extrême, la bonté rare et la mort omniprésente.

« C’est moi qui ai tué Remigio Torrico.
A cette époque-là, il ne restait plus grand monde dans les fermes. Les premiers temps, ils étaient partis un par un ; mais les derniers sont partis en troupeau, pour ainsi dire. »

Les nouvelles sont courtes, dix-sept textes sur 170 pages, mais intenses, et surtout vibrantes d’une écriture formidable. Je pourrais presque prendre une phrase au hasard pour vous la copier en citation et cela sonnerait forcément original et percutant. C’est avant tout ce qui fait l’attrait de cet auteur, je pense. Les personnages, nouvelles obligent, sont nombreux, et un peu interchangeables, paysans ou pauvres diables emportés par le cours des choses. Tous racontent à la première personne, souvent dans un long monologue entrecoupé pourtant de dialogues, sans prendre parti, sans expliquer ou interpréter les faits. C’est donc une sorte de brutalité qui ressort de tout cela, les gens aussi durs que la terre, les habitants aussi inhospitaliers que le climat. Avec un style inoubliable !

Le Llano en flammes, de Juan Rulfo (El Llano en llamas, 1953) éditions Gallimard, 2001, traduction de Gabriel Iaculli, préface de J.M.G. Le Clezio, 170 pages.

Le book-trip mexicain, c’est chez A girl from earth.

16 commentaires sur « Juan Rulfo, Le Llano en flammes »

    1. Je ne suis pas du tout hispanophone… Peut-être quelqu’un ou une pourra nous le dire ? 😉
      Alors, oui, ce n’est pas gai, et j’ai du fractionner ma lecture…

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      1. Les 2 « ll » se prononcent /lj/ ici on dirait « liano »
        un recueil de nouvelles en plus, je le note pour notre challenge du mois de mai sur les nouvelles

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  1. A l’inverse de Comète, je ne suis pas très nouvelles car ça fait trop d’histoires à assimiler d’un coup, et les chutes me laissent souvent sur ma faim, mais si le style est au rendez-vous et qu’il y a une sorte d’unité tout de même, ça peut me plaire. Je vais tenter de le caser en mai.:)

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    1. J’ai vu ton billet, et je comprends, je ne suis pas sûre d’avoir saisi l’intégralité de ces nouvelles, mais le style était tellement frappant que je ne pouvais pas m’empêcher de continuer !

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