Océane Perona, Celles qui peuvent encore marcher et sourire

En préparant une petite journée aux Quais du Polar, j’ai eu l’attention attirée par quelques autrices que je ne connaissais pas, notamment celles qui situaient leurs écrits entre la fiction et le reportage, comme Océane Perona dont c’est le premier roman.
Elle y raconte le quotidien de la brigade criminelle d’une ville qui n’est pas nommée. Trois narrations alternent, mais, je vous rassure, on s’y fait vite, et cela n’a rien d’artificiel : d’abord la deuxième personne du singulier s’adresse à Héloïse, la policière du service Violence, confrontée à des témoignages éprouvants. Puis, le « je » est celui d’Ophélie, la sociologue en stage d’observation, qui a du mal à trouver sa place. Enfin, un « vous » s’adresse à une femme dont on ne découvrira l’identité qu’à la fin du roman, et remonte dans son enfance, et même celle de sa mère.

J’ai aimé cette manière de rendre compte du quotidien d’un service de police judiciaire dédié aux victimes de viols, très réaliste tout en étant de la fiction. Dans la lignée de Sambre, on peut « apprécier » l’accueil fait aux victimes, l’arrogance des prévenus lors de leurs auditions, l’ambiance parfois lourde entre collègues hommes et femmes. Des cas particuliers se présentent, qui vont de différentes formes d’agression au viol aggravé et au viol conjugal, de (beaucoup trop nombreuses) plaintes classées sans suite aux plaintes déposées longtemps après les faits. Mais cela n’a rien d’un catalogue de cas d’école, les personnages bien incarnés des policières et policiers et des victimes, donnent de l’épaisseur à la narration.
La fin du livre peut sembler arriver de manière un peu abrupte, mais pour un premier roman, c’est le seul mince reproche à lui faire. Océane Perona, maîtresse de conférences en sociologie, a consacré sa thèse à la place du consentement dans les enquêtes policières pour violences sexuelles.

Celles qui peuvent encore marcher et sourire d’Océane Perona, Julliard, mars 2024, 240 pages.
#Cellesquipeuventencoremarcheretsourire #NetGalleyFrance

36 commentaires sur « Océane Perona, Celles qui peuvent encore marcher et sourire »

  1. Ta référence à Sambre me fait noter ce titre. Et voir les choses du côté d’un service de police apporte sûrement un autre regard.

    J’aime

  2. Mais ça m’a l’air très bien!!! Merci ‘en parler. Il est à la bibli, en premiers romans, donc la durée d’emprunt est réduit.

    J’aime

    1. Tu as bien fait, je trouve aussi qu’il vaut mieux avoir lu le livre avant… On apprécie d’autant plus à quel point la série est bien faite.
      Avec ce roman, on a le point de vue des policiers spécialisés.

      Aimé par 1 personne

  3. Et bien c’est un sujet intéressant en effet traité du point de vue des policiers ce qui permet de porter un autre regard…en plus l’autrice est spécialiste en quelque sorte et doit savoir de quoi elle parle en nous livrant ces témoignages féminins qui doivent être poignants et révoltants. Je vais le noter car ma médiathèque ne l’a pas. Merci pour cette suggestion de lecture

    J’aime

  4. Merci de le porter à notre attention, cela a l’air passionnant. j’ai vu Sambre cet hiver et j’avais noté de lire le livre de Géraud. Je note celui.

    J’aime

  5. je pense que pour entendre la voix des personnes violées il faut à la fois de la délicatesse et du respect, et que ces deux qualités ont longtemps manqué aux policiers

    J’aime

  6. Décidément il y a de belles découvertes à faire aux quais du Polar ! Le titre accroche tout de suite mais pas dans le mauvais sens. On comprend immédiatement de quoi il retourne.

    J’aime

  7. J’ai lu Know my Name de Chanel Miller qui racontait son agression et puis tout ce qui suit : l’hôpital, les prélèvements, les policiers, les interrogatoires sans fin, le juge qui voulait sauver le futur de ce jeune étudiant (l’agresseur) .. c’était tellement effrayant et effarant. Oui, à charge et décharge et leurs questions sont tellement violentes (comment était-elle habillée? que faisait-elle la nuit dehors?)

    je suis ravie de voir qu’on prend dorénavant un peu plus leurs témoignages au sérieux même si ça va demander encore des années…Je n’ai pas vu Sambre mais ma mère et mon beau-père l’ont vu et ont été très marqués

    J’aime

    1. Je pense que ça commence à avancer dans le bon sens, mais comme tu dis, pas très rapidement. Ce roman le montre très bien aussi.
      Know my name revient dans les commentaires, je ne l’ai pas lu, mais si l’occasion s’en présente, peut-être, même s’il doit mettre en rage aussi.

      J’aime

  8. Après Sambre, il va me falloir un peu de temps avant de revenir sur le sujet des viols, mais ça m’a l’air là encore d’un très bon livre éclairant en plus le sujet sous l’angle de vue des policiers.

    J’aime

    1. J’ai hésité, j’avais lu Sambre il y a quelques mois, mais finalement, c’est un bon complément. Le point de vue des policiers est multiple, c’est très intéressant.

      J’aime

  9. Comme beaucoup de commentaires auparavant, je vais moi aussi noter ce titre. Après avoir lu Sambre et vu la série, il est vrai que la colère nous prend. Mais c’est une colère juste.

    J’aime

  10. J’ai plutôt tendance à fuir ce sujet, mais la façon dont tu présentes ce livres (et notamment les 3 « narratrices », ) je me dis pourquoi pas. Récemment j’ai été amenée à lire, sur ce sujet « De mon plein gré » de Mathilde Forget, pour mon club de lecture.

    J’aime

    1. La forme de ce roman est un « plus » non négligeable. Mais je comprends qu’on n’ai pas envie d’enchaîner plusieurs romans sur ce thème.

      J’aime

Et vous, qu'en pensez-vous ?