« Comment expliquer aux victimes qu’on doit enquêter à charge et à décharge, qu’en tant que policier, on a le soupçon chevillé au corps, c’est ce qu’on appelle une disposition professionnelle, le flic est un être disposé à se montrer soupçonneux. Elles ne le comprennent pas toujours, les victimes, elles sont trop occupées à se fuir, à se couper d’elles-mêmes, à faire comme si le viol n’était jamais arrivé, mais c’est arrivé, et elles doivent vivre avec leur peur, avec leur honte, avec le sentiment d’avoir été dépossédées de leur corps… »
En préparant une petite journée aux Quais du Polar, j’ai eu l’attention attirée par quelques autrices que je ne connaissais pas, notamment celles qui situaient leurs écrits entre la fiction et le reportage, comme Océane Perona dont c’est le premier roman.
Elle y raconte le quotidien de la brigade criminelle d’une ville qui n’est pas nommée. Trois narrations alternent, mais, je vous rassure, on s’y fait vite, et cela n’a rien d’artificiel : d’abord la deuxième personne du singulier s’adresse à Héloïse, la policière du service Violence, confrontée à des témoignages éprouvants. Puis, le « je » est celui d’Ophélie, la sociologue en stage d’observation, qui a du mal à trouver sa place. Enfin, un « vous » s’adresse à une femme dont on ne découvrira l’identité qu’à la fin du roman, et remonte dans son enfance, et même celle de sa mère.
« Elle convoquait le chant du merle, la plainte du chat-huant, le glapissement du renard, les stridulations des grillons ; tous les bruit, les odeurs et les images du monde sauvage derrière la fenêtre de sa chambre, des plus majestueuses des créatures vivantes aux plus infimes. elle a lutté pour trouver de la beauté jusque dans le monde à l’envers, puisqu’elle ne pouvait pas y trouver de l’amour. c’est ce qui l’a empêchée de devenir folle. »
J’ai aimé cette manière de rendre compte du quotidien d’un service de police judiciaire dédié aux victimes de viols, très réaliste tout en étant de la fiction. Dans la lignée de Sambre, on peut « apprécier » l’accueil fait aux victimes, l’arrogance des prévenus lors de leurs auditions, l’ambiance parfois lourde entre collègues hommes et femmes. Des cas particuliers se présentent, qui vont de différentes formes d’agression au viol aggravé et au viol conjugal, de (beaucoup trop nombreuses) plaintes classées sans suite aux plaintes déposées longtemps après les faits. Mais cela n’a rien d’un catalogue de cas d’école, les personnages bien incarnés des policières et policiers et des victimes, donnent de l’épaisseur à la narration.
La fin du livre peut sembler arriver de manière un peu abrupte, mais pour un premier roman, c’est le seul mince reproche à lui faire. Océane Perona, maîtresse de conférences en sociologie, a consacré sa thèse à la place du consentement dans les enquêtes policières pour violences sexuelles.
Celles qui peuvent encore marcher et sourire d’Océane Perona, Julliard, mars 2024, 240 pages.
#Cellesquipeuventencoremarcheretsourire #NetGalleyFrance
Ta référence à Sambre me fait noter ce titre. Et voir les choses du côté d’un service de police apporte sûrement un autre regard.
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Tout à fait, le point de vue est différent, et c’est très intéressant.
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Mais ça m’a l’air très bien!!! Merci ‘en parler. Il est à la bibli, en premiers romans, donc la durée d’emprunt est réduit.
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Il n’est pas long à lire, donc ça devrait coller avec la durée d’emprunt… 😉
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Je viens justement de regarder la série Sambre (après avoir le livre l’année passée). ça pourrait donc m’intéresser !
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Tu as bien fait, je trouve aussi qu’il vaut mieux avoir lu le livre avant… On apprécie d’autant plus à quel point la série est bien faite.
Avec ce roman, on a le point de vue des policiers spécialisés.
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Et bien c’est un sujet intéressant en effet traité du point de vue des policiers ce qui permet de porter un autre regard…en plus l’autrice est spécialiste en quelque sorte et doit savoir de quoi elle parle en nous livrant ces témoignages féminins qui doivent être poignants et révoltants. Je vais le noter car ma médiathèque ne l’a pas. Merci pour cette suggestion de lecture
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Je pense que l’autrice s’est inspirée de faits auxquels elle a assisté, il y a des accents de vérité dans tout ces faits.
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Merci de le porter à notre attention, cela a l’air passionnant. j’ai vu Sambre cet hiver et j’avais noté de lire le livre de Géraud. Je note celui.
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Les deux valent le détour, peut-être pas à lire coup sur coup, car les faits rapportés mettent en colère.
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Un titre choc. Merci pour ce conseil de lecture.
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Oui, le titre en dit long sur les violences faites aux femmes…
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je pense que pour entendre la voix des personnes violées il faut à la fois de la délicatesse et du respect, et que ces deux qualités ont longtemps manqué aux policiers
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Tu as tout à fait raison, et je ne suis pas sûre que tous en fasse preuve maintenant…
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Décidément il y a de belles découvertes à faire aux quais du Polar ! Le titre accroche tout de suite mais pas dans le mauvais sens. On comprend immédiatement de quoi il retourne.
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Je n’ai pas pu entendre l’autrice, c’est dommage, mais les rencontres étaient prises d’assaut !
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Voilà qui m’intéresse beaucoup aussi ! Merci pour cette tentation 😉
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Je ne sais pas si tu dois me remercier d’allonger tes listes. 😉
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J’ai lu Know my Name de Chanel Miller qui racontait son agression et puis tout ce qui suit : l’hôpital, les prélèvements, les policiers, les interrogatoires sans fin, le juge qui voulait sauver le futur de ce jeune étudiant (l’agresseur) .. c’était tellement effrayant et effarant. Oui, à charge et décharge et leurs questions sont tellement violentes (comment était-elle habillée? que faisait-elle la nuit dehors?)
je suis ravie de voir qu’on prend dorénavant un peu plus leurs témoignages au sérieux même si ça va demander encore des années…Je n’ai pas vu Sambre mais ma mère et mon beau-père l’ont vu et ont été très marqués
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Ayant lu récemment le récit de Channel Miller, et Sambre l’an dernier, je vais pour le moment faire une pause…
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Oui, je comprends, mieux vaut laisser passer un peu de temps.
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Je pense que ça commence à avancer dans le bon sens, mais comme tu dis, pas très rapidement. Ce roman le montre très bien aussi.
Know my name revient dans les commentaires, je ne l’ai pas lu, mais si l’occasion s’en présente, peut-être, même s’il doit mettre en rage aussi.
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Une immersion qui m’a l’air intéressante en effet et sur un sujet particulièrement important.
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C’est bien fait, et permet de « voir » le quotidien d’un service dédié aux violences faites aux femmes.
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La triple narration, avec un regard de « chercheuse » en plus des victimes et des policiers, est sûrement un atout important. Je le note!
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C’est immédiatement intrigant, grâce à cette construction, et il est impossible de rester indifférente aux victimes, bien sûr.
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Ça semble intéressant…
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Très intéressant, dur, mais pas insoutenable…
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Après Sambre, il va me falloir un peu de temps avant de revenir sur le sujet des viols, mais ça m’a l’air là encore d’un très bon livre éclairant en plus le sujet sous l’angle de vue des policiers.
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J’ai hésité, j’avais lu Sambre il y a quelques mois, mais finalement, c’est un bon complément. Le point de vue des policiers est multiple, c’est très intéressant.
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Comme beaucoup de commentaires auparavant, je vais moi aussi noter ce titre. Après avoir lu Sambre et vu la série, il est vrai que la colère nous prend. Mais c’est une colère juste.
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Tout à fait, une colère juste et utile.
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Une immersion intéressante. Je retiens ce titre.
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C’est intéressant et fort à la fois.
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J’ai plutôt tendance à fuir ce sujet, mais la façon dont tu présentes ce livres (et notamment les 3 « narratrices », ) je me dis pourquoi pas. Récemment j’ai été amenée à lire, sur ce sujet « De mon plein gré » de Mathilde Forget, pour mon club de lecture.
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La forme de ce roman est un « plus » non négligeable. Mais je comprends qu’on n’ai pas envie d’enchaîner plusieurs romans sur ce thème.
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