Comme bien souvent, je lis plus vite que je n’écris mes chroniques, ce qui m’oblige à regrouper quelques lectures de février, plutôt intéressantes, et très variées, pour lesquelles je ne me sens pas d’écrire de longs développements.
Raymond Carver, Qu’est-ce que vous voulez voir ?
« Nous n’avions que trop souvent quitté des maisons à la hâte en les laissant en piteux état, pour ne pas dire en ruine, ou déménagé en pleine nuit pour ne pas avoir à acquitter nos loyer en retard. Mais cette fois, nous nous étions fait un point d’honneur de laisser la maison dans un état de propreté immaculée, plus propre encore que nous ne l’avions trouvée en arrivant, […] »
Depuis qu’elles ont été retraduites, j’ai l’envie de lire ou relire les nouvelles de Raymond Carver, dont le souvenir s’est effacé. Tranquillement et pas dans l’ordre, puisque je commence par le sixième et dernier tome des œuvres complètes. Sa compagne Tess Gallagher a publié ces nouvelles après sa mort, elles lui ont semblé terminées puisque que, comme ils disaient entre eux : « Quand on se met à rayer des mots qu’on vient d’ajouter, la nouvelle est finie. » À chaque nouvelle que j’ai achevée, il m’a fallu marquer un temps pour les digérer, pour me repaître de leur harmonie… Et pourtant, leurs sujets ne sont pas de grandes aventures, mais des tranches de vies quotidiennes. Les hommes et les femmes y sont souvent en cours de séparation, se cherchant un espace différent où vivre leur nouvelle solitude ou faisant malgré tout une tentative pour rester ensemble. Les relations de voisinage ou d’amitié y sont bien présentes aussi.
Des textes intimes mais puissants !
éditions de l’Olivier, 2011, traduction de François Lasquin, 122 pages.
Keigo Higashino, Les miracles du bazar Namiya
« Celui qui est en train de se noyer voit son salut dans un brin de paille. »
Quand un auteur de romans policiers japonais se met au fantastique « léger », mêlé d’un soupçon de « feel good », cela donne Les miracles du bazar Namiya, et c’est très réussi.
Trois jeunes gens se réfugient après un cambriolage dans une échoppe abandonnée, mais où bizarrement du courrier arrive, contenant des demandes de conseils. Intrigués, ils y répondent, et se rendent compte que les lettres émanent d’une époque passée, trente-deux ans auparavant. Pourtant, des échanges ont lieu. Entrer dans ce roman, c’est accepter les coïncidences extraordinaires, les glissements temporels, mais aussi pénétrer dans l’intimité de Japonais pris au piège de cas de conscience, et appelant à leur secours le vieux propriétaire du bazar Namiya.
J’ai dévoré en quelques jours ce roman aussi délicatement bienveillant que soigneusement agencé !
éditions Actes Sud, 2020, traduction de Sophie Refle, 371 pages.
David Grann, The white darkness
« Shackleton, qui avait été témoin au cours de l’expédition Scott de tensions dévastatrices entre les membres de l’équipage, chercha des recrues possédant ces qualités essentielles à ses yeux dans le cadre d’une exploration polaire : « Un, l’optimisme ; deux, la patience ; trois, l’endurance physique ; quatre, l’idéalisme ; et enfin, cinq, le courage. »
Le journalisme littéraire est dans l’air du temps, et La note américaine de David Grann représente ce que j’ai lu de meilleur dans le genre ces dernières années. Je me suis donc laissé tenter par son dernier ouvrage. Il y raconte une épopée passionnante, celle de Henry Worsley. Fasciné par la traversée du Pôle Sud presque réussie par Shackleton, et surtout fasciné par le personnage hors du commun, il décide, un siècle plus tard, de rééditer cette traversée à pied, sans assistance. Il part d’abord avec deux comparses, descendants comme lui de membres de l’expédition d’origine, et ensuite seul. Cet exploit confine à l’inutile, si ce n’est le désir de se dépasser et de rendre hommage à Shackleton, c’est la limite de l’intérêt que je lui ai porté. L’auteur s’est parfaitement documenté, et a bien su rendre vivants ses personnages.
Le livre ne manque ni de photos, ni de cartes, et passionnera les amateurs d’expéditions polaires.
éditions du Sous-sol, 2021, traduction de Johan-Frederick Hel Guedj, 160 pages.
Keith McCafferty, Meurtres sur la Madison
« Le crépuscule ressemblait à une traînée couleur ambre à l’horizon ; la rivière scintillait dans la lumière déclinante. Dans quelques minutes, le brillant de la surface s’estomperait, la mélodie changeante du courant glisserait vers des notes graves et la nuit sauvage protesterait contre de nouvelles intrusions humaines. »
Meurtres sur la Madison se situe au croisement du « nature writing » à l’américaine avec ses évocations de paysages qui donnent envie de partir séance tenante pour le Montana et un homicide mystérieux. Deux enquêtes parallèles se nouent, l’une sur le crime proprement dit, menée par la shérif Martha Ettinger, l’autre sur une disparition, conduite par Sean Stranahan, à la fois guide de pêche, artiste peintre et détective privé. De nombreux personnages gravitent autour des lieux de pêche, et les enquêteurs se demandent jusqu’où le business de la pêche peut conduire.
Un polar divertissant, où ne manquent ni la femme fatale, ni les détails instructifs sur l’environnement.
éditions Gallmeister, 2018, (poche, 2019) traduction de Janique Jouin-de Laurens, 395 pages.
Connaissez-vous certains de ces livres ?