Je ne sais plus ce qui m’a donné envie de lire ce livre : un avis, la couverture, la découverte d’une nouvelle voix ou d’une nouvelle maison d’éditions, le titre ? Si comme moi, vous ignorez ce qu’est une varangue, sachez qu’il peut s’agir d’une pièce courbe de la quille d’un navire, ou d’une véranda dans les pays de l’océan Indien. C’est cette deuxième définition qui a cours ici.
« Dans les moments de désespoir relatif tels que celui qu’il vivait en cette fin d’après-midi, une seule chose pouvait soulager Andréa. Il ne s’agissait pas de se servir un verre, ni plusieurs, encore moins de fumer un joint, mais simplement de se plonger dans la contemplation d’un tableau. Ou, plus précisément, dans le tableau lui-même. »
Andréa vit seul à Paris, dans un petit appartement, et sort rarement, hormis pour un travail peu gratifiant dans un ministère. Grâce à un tableau reproduit par sa mère, décédée lorsqu’il était encore tout enfant, il trouve des moments de sérénité et d’évasion, au sens propre, puisqu’il réussit à pénétrer dans le paysage de l’océan Indien qui y est représenté et à s’y promener, dans le jardin, ou sous la varangue.
Loin de là, Yoko, une lycéenne observe aussi ce tableau, l’original cette fois, dans la maison qu’elle partage avec son père à la Réunion.
« A Paris, à peu près au moment où l’océan se répandait dans le jardin et la maison de Liotay, Yumi comprenait que pour elle désormais tout espoir serait vain, et cette pensée l’envahit comme une vague à la fois très douce et trop salée. »
J’ai beaucoup aimé la trame, qui peut paraître simple, de cette histoire, mais qui recèle des points de vue variés, et plus de fond qu’il ne semble a priori. L’aspect légèrement fantastique du texte et les ellipses laissant de la place au lecteur provoquent l’intérêt, ainsi que les thèmes du deuil et de l’éco-anxiété qui sont traités avec délicatesse. L’attention portée à la relation entre nature et culture rejoint bien le projet de cet éditeur spécialisé en sciences humaines et sciences de la Terre, qui publie aussi des textes plus purement littéraires.
C’est joliment écrit, peut-être un peu court, mais de temps en temps, c’est agréable de lire un roman aussi concis que sensible, qui ne cherche pas à se faire remarquer par des scènes choc ou des révélations intimes détaillées.
La varangue de Virginie Bouyx, éditions le Pommier, août 2023, 120 pages.