« Il se dirige vers la partie en pente où l’eau s’est accumulée, inspecte le système d’écoulement. La surface argentée de la flaque réfléchit si fidèlement le monde qu’on dirait un lambeau de ciel arraché. S’y reflètent le satin blanc du ciel et les branches des arbres, stérile beauté qui évoque un appel des morts déployant leurs ossements. »
Barnabas Kane est un émigrant de retour dans son Irlande natale après avoir bâti des gratte-ciels aux Etats-Unis. Avec son épouse et son fils, il s’est installé dans une ferme qu’il a fait prospérer, sans pourtant s’intégrer vraiment à la population locale. Un incendie dans son étable marque la fin de cette période d’aisance. Ce drame cause la mort de son employé et il perd toutes ses bêtes en une soirée cauchemardesque. Barnabas sombre alors dans des phases de colère et de dépression, se coupant autant de sa famille que de ses quelques voisins serviables.
« Le problème avec vous tous, c’est que vous accordez trop de place aux souvenirs. Vous vivez uniquement dans le passé. C’est la règle, par ici. Vous vivez en compagnie de fantômes, en vous apitoyant sur votre sort. Le regard constamment tourné en arrière. Incapables d’envisager l’avenir, de faire progresser le pays. »
Voici un roman noir d’encre comme j’en lis rarement, vraiment très sombre, qu’aucune lueur ne vient éclaircir. L’amertume de Barnabas, les réactions plutôt saines de sa femme Eskra, les errements de son fils Billy tout comme les ressentiments des habitants du village, tout est plombé par les cieux irlandais hostiles et les paysages aussi superbes que maussades, sous la plume de l’auteur. Il excelle autant à peindre les collines et les prairies qu’à faire sentir le poids des traditions et des superstitions. J’ai parfois trouvé l’abondance d’images et de métaphores un peu pénible, mais dans l’ensemble, l’écriture m’a plu et permis de supporter la noirceur du propos.
Ce roman était dans ma pile à lire depuis une éternité, depuis sa sortie en grand format, probablement. Une tentative pour commencer Un ciel rouge, le matin, tout aussi dramatiquement sombre, m’avait découragée de le lire. Je ne regrette pas la découverte, toutefois, et le recommande aux amateurs de romans noirs et de campagne irlandaise.
Avez-vous lu ce roman ou un autre de l’auteur ?
La neige noire de Paul Lynch (The black snow, 2014), éditions Albin Miche, 2015, traduction de Marina Boraso, 304 pages, existe en poche.
Livre lu pour l’Objectif PAL (chez Antigone) et le mois irlandais (chez Maeve)