Rentrée littéraire 2014
L’auteure : Herbjørg Wassmo est née en 1942, dans l’extrême Nord de la Norvège. Elle fut d’abord institutrice, puis fit paraître de la poésie, puis des romans et des nouvelles. Les lecteurs français la découvrent surtout avec Le Livre de Dina, une fresque qui se déroule dans la région natale de l’auteur, au milieu du XIXe siècle. Traduite en 24 langues, l’œuvre de Herbjørg Wassmo a reçu de nombreux prix littéraires.
399 pages
Editeur : Gaïa (août 2014)
Traduction : Céline Romand-Monnnier
Titre original : Disse øyeblikk
Ces instants-là sont tous les moments qui reviennent en mémoire à l’auteure lorsqu’elle se retourne sur sa vie, en commençant par l’entrée au collège. Elle fait des études, devient institutrice, se marie, commence à écrire, cherche à diriger sa vie. Cela pourrait être monotone, cette suite de courts chapitres de la vie d’une femme, c’est tout simplement passionnant, en partie parce qu’elle est norvégienne, et que le léger décalage de quotidienneté avec des épisodes de vie d’une femme française apporte quelque chose à la lectrice, mais aussi parce qu’elle raconte particulièrement bien, formidablement bien, sans entrer dans les détails, en éludant avec élégance certains moments, qu’ils soient trop douloureux ou trop communs… Elle exprime avec intensité, mais pudeur, comment elle était littéralement poussée par son enfance difficile, à avancer dans la vie, à devenir écrivain, comment ce drame de l’enfance lui a laissé à jamais une méfiance immense envers les hommes. Admiratrice de Simone de Beauvoir, et du deuxième sexe, elle est pourtant mal à l’aise lorsqu’elle se retrouve seule à Paris, pour quelques jours, c’est toujours ce sentiment d’inquiétude qui la poursuit.
La langue utilisée par Herbjørg Wassmo n’est pas commune, on ne rencontre pas un tel style tous les jours, avec ses phrases courtes et percutantes, et la traduction en rend très bien la musicalité, me semble-t-il… Je ne dis pas que ce récit plaira à tout le monde, mais si vous aimez les romans de cette auteure, par lesquels il est sans doute plus facile de l’aborder, vous pouvez pousser sans crainte la porte de ses souvenirs.
Extraits : Elle a la honte au ventre. Si elle n’arrive pas à trouver de solution, il ne lui restera qu’à mourir. Tout est urgent, mais elle ne voit pas ce qu’elle pourrait faire. La vie est désormais divisée en mois. Plus que sept et demi. Elle rit haut et fort avec tout le monde et n’importe qui et se prépare. Parfois elle se promène jusqu’au haut pont, au-dessus du torrent. Dans les profondeurs, il y a des pierres et de l’eau sombre. C’est l’affaire de quelque secondes. Elle le sait bien.
Un samedi, elle ne parvient pas à traverser le fjord. Il y a une tempête et le bateau ne navigue pas. Elle reste dans sa chambre à écrire quelque chose qui ne trouve pas de place dans un carnet de notes. Une histoire de quelqu’un de plus âgé qui n’a jamais été elle. Elle écrit dans son cahier de brouillon de rédaction.
Tout le samedi soir, elle reste avec l’histoire de cette femme adulte. Elle ne sait pas d’où elle la tire. L’histoire est dans la pièce sans qu’elle l’ait envoyé chercher. Pluie et pluie mêlée de neige ferment toutes les fenêtres à l’environnement.
L’avis de Cuné.
D’autres livres de l’auteur : Le livre de Dina, Cent ans…