Kazuo Ishiguro, Les vestiges du jour

vestiges du jourL’auteur : Kazuo Ishiguro est un écrivain et romancier britannique d’origine japonaise. Il est né à Nagasaki en 1954 et vit en Angleterre depuis 1960. Il a suivi des études de littérature dans les universités du Kent et d’East Anglia. Il est l’auteur entre autres de Lumière pâle sur les collines, Un artiste du monde flottant, Les Vestiges du jour (Booker Prize, 1989), L’Inconsolé, Quand nous étions orphelins, Auprès de moi toujours. Ses livres sont traduits en plus de trente langues.
266 pages
Éditeur : Calmann Lévy (2001)
Première parution en 1989 
Traduction : Sophie Mayoux
Titre original : The remains of the day

Je continue mes lectures anglaises avec ce roman déniché à la bibliothèque. Le dernier-né de Kazuo Ishiguro, Le géant enfoui, m’a assez intriguée pour avoir envie de lire les romans plus anciens de cet auteur.
L’univers est totalement différent, c’est celui des majordomes (« butlers ») du début du XXème siècle. Ces coordonnateurs sans lesquels rien ne tournaient rond dans les grandes maisons nanties d’une armée de cuisinières, femmes de chambres, jardiniers, sont incarnés ici en la personne de Stevens, majordome à Darlington Hall. Dans une langue recherchée, voire compassée, celui-ci raconte quelques jours sur les routes au volant de la voiture de son maître, un américain qui la lui a élégamment prêtée. Stevens va en profiter pour revoir Miss Kenton, gouvernante avec laquelle il a gardé une correspondance épisodique, et qui vit à quelque distance. Au détour de la campagne anglaise, des haltes dans les petites auberges ou même chez l’habitant, il revient sur des épisodes de sa vie, toujours liés à celle de Lord Darlington, pour lequel il a travaillé de longues années.
Stevens est un homme des plus sobres et, selon lui-même, plein de dignité. On pourrait même le dire sévère et dépourvu d’empathie. Ses relations avec son père, et avec Miss Kenton, le démontrent bien. Son manque d’humour lui donne le sentiment de ne pas savoir comment réagir face aux plaisanteries de son maître, qui est américain, et d’avoir mieux compris le très britannique Lord Darlington. Lors de son voyage, il n’hésite pas à disserter mentalement, mais longuement, sur la question « qu’est-ce qu’un grand majordome ?», ou « qu’est-ce que la dignité ? ».
Si j’ai pu alors trouver quelques infimes longueurs, lorsque Stevens passe par de nombreux exemples pour tenter de définir son point de vue, j’ai trouvé passionnant le thème du mensonge, ou plutôt de la manière dont on se raconte à soi-même les choses et comment on finit par révérer ces faits comme LA vérité. Stevens a notamment une vision bien personnelle de ses rapports passés avec Miss Kenton et aussi des activités de Lord Darlington entre les deux guerres. Cet arrière-plan sur le mensonge et la vérité est lié ici au thème de la mémoire dont j’ai l’impression qu’il est cher à Kazuo Ishiguro. J’ai beaucoup aimé la manière fine et nuancée de percer à jour la psychologie de Stevens.
Je n’ai pas vu le film qui a été tiré de ce roman, mais avec Anthony Hopkins et Emma Thompson, je l’imagine on ne peut mieux, et je pense que ce doit être un très bon film, d’autant plus les errements et réflexions du rigide majordome ne doivent pas être faciles à mettre en images.

Citations : Un majordome d’une certaine qualité doit, aux yeux du monde, habiter son rôle, pleinement, absolument; on ne peut le voir s’en dépouiller à un moment donné pour le revêtir à nouveau l’instant d’après, comme si ce n’était qu’un costume d’opérette.

Nous étions une génération idéaliste : chacun de nous nourrissait le désir de contribuer à la création d’un monde meilleur. Le chemin le plus sûr pour y parvenir était de servir les grands personnages de notre époque, entre les mains de qui se trouvait le sort de la civilisation.

Les avis d’Arabella, Karine, Lewerentz ou Papillon (un billet de 2006 !)
Mois anglais organisé par Titine Cryssilda et Lou

moisanglais2015

28 commentaires sur « Kazuo Ishiguro, Les vestiges du jour »

  1. Je viens de l’achever et j’en déplore les longueurs et les digressions.
    Néanmoins, tu as parfaitement raison : j’ai également été fascinée par la compréhension progressive de Stevens du caractère partial (et parcellaire) de ses souvenirs … notamment concernant les prises de position de Lord Darlington pendant la guerre.

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  2. Un pur chef d’oeuvre pour moi …. la progression de la lecture vers la compréhension des erreurs de jugement du personnage et de son incapacité à les rectifier, avait été poignante … Chose rare, le film est aussi beau et terrible que le livre !

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  3. Je le confirme, l’adaptation d’Ivory, avec Emma Thompson et Anthony Hopkins, est sublime et très fidèle au roman. Si tu as l’occasion de le voir, n’hésite pas, ton plaisir sera renouvelé 🙂

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  4. Merci pour ton avis positif, il y en a eu plusieurs qui étaient négatifs pendant le mois anglais et j’étais bien triste car j’adore ce roman ! Je te conseille le film qui est vraiment superbe et rend justice au livre.

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  5. j’ai aimé le livre et le roman qui suscitent effectivement un questionnement intéressant ! Mais c’est le seul de cet auteur que j’ai lu.

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  6. Tu as beau dire, je crois que je m’y ennuierais …
    Et j’en profite pour te dire que je ne me lasse pas de ta bannière anglaise (encore 12 jours à en profiter !) 🙂 .

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  7. Un très beau livre et le film l’est tout autant! je n’ai ressenti aucun ennui à la lecture de ce roman, bien au contraire! Ishiguro décrit la fin d’une époque, d’une mentalité et d’une classe sociale. Le livre est donc plein d’une nostalgie à laquelle j’ai été sensible. Et il y a quelque chose de tragique dans la vie de cet homme qui sacrifie ses sentiments à des valeurs surannées, qui passe à côté de l’amour pour satisfaire à une idée du devoir et de la dignité qui va bientôt ne plus avoir cours et qu’il ne peut pourtant abandonner! J’ai aimé aussi la subtilité de l’analyse psychologique qui est tout en finesse, dans les non-dits, dans le refus des personnages de se laisser aller à leurs sentiments.

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  8. Un coup de cœur pour moi tellement je trouve le livre mais aussi le film génialissimes. Il illustre bien cette difficulté très britannique à exprimer ses émotions. Des personnages very self-retained. C’est ce qui m’a le plus intéressée, ce rapport aux émotions. Il ne peut pas dire à Miss Kenton qu’il l’aime, ni se l’avouer à lui-même. Ou seulement lorsqu’il est trop tard.

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  9. film aux acteurs sublimes ( dans le rayon « des vies bien ratées »…) ; ton billet donne envie du livre 🙂
    j’adore moi aussi ta nouvelle bannière 😉

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  10. Moi je l’ai vu, il y a plus de 20 ans et j’avais adoré (Emma Thomson était dans mon souvenir de jeune fille bouleversante). Je trouve ci titre magnifique et il en dit tellement long sur la mémoire et ce qu’il en reste. Je ne savais pas du tout que l’auteur était d’origine japonaise. Le dernier extrait que tu as mis est vraiment très beau, il me plait beaucoup.
    Il est noté (j’aime l’idée de la vie d’un lord vu par les yeux et les souvenirs surtout de son majordome)

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  11. A toutes et tous : Je note qu’il me faudra voir le film ! 🙂 Quand à ceux qui ne l’ont pas lu, il vous reste à le faire pour voir si vous accrochez ou pas, les avis étant partagés.

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