Ron Rash, Par le vent pleuré


parleventpleuréRentrée littéraire 2017 (5)
« J’attends un homme qui m’a menti pendant quarante-six ans. »
C’est l’été 1969, deux frères profitent de quelques moments de liberté accordés par leur grand-père, l’homme sévère qui les élève à sa manière, sans que leur mère ait grand-chose à dire, pour aller à la pêche au bord de la rivière. Ils y rencontrent Ligeia, jeune fille venue de Floride, libérée et insouciante. Pensez, la jeune fille a vécu dans une communauté ! Pour les deux frères, c’est un monde nouveau qui s’ouvre, surtout pour Eugene, le plus jeune. Bill, son aîné de deux ans, est fiancé, et se voit réaliser le projet grand-paternel, devenir chirurgien.
Quarante-six ans plus tard, des ossements sont retrouvés dans la Tuckaseegee, et Eugene repense au départ précipité de Ligeia, comment son frère avait dit l’avoir raccompagné à l’arrêt de bus…

« À San Francisco, le Summer of love, l’été de l’amour, a eu lieu en 1967, mais il a fallu deux ans pour qu’il atteigne le petit monde provincial des Appalaches. Sur l’autoroute, en février, on a aperçu un hippie au volant d’un minibus bariolé, un événement dûment signal par le Sylva Herald. Sinon, la contre-culture était quelque chose qu’on ne voyait qu’à la télévision, tout aussi exotique qu’un pingouin ou un palmier nain. »

Depuis 2010, et la première participation de Ron Rash aux Quais du Polar, j’ai lu tous ses romans traduits en français, et j’ai même en cours un recueil de nouvelles en anglais, superbe, mais que (dira-t-on) je savoure… Je n’ai donc pas raté ce dernier roman, prudemment emprunté en médiathèque, parce qu’il m’avait semblé que quelques avis manquaient d’enthousiasme.
Un été de l’adolescence, deux frères que tout oppose, une naïade disparue, une enquête très tardive, les ingrédients sont bons, mais il faut y ajouter le style de Ron Rash pour en faire un très bon roman. Pas un polar, non, même si une révélation finale apportera des réponses attendues, mais surtout le roman d’une relation fraternelle biaisée dès l’enfance par un grand-père qui place ses attentes dans un seul de ses petits-fils : il deviendra chirurgien. L’autre est gaucher, il le laisse magnanimement choisir une autre voie, mais la vie d’Eugene ne sera qu’une suite d’échecs, là où son frère réussit en tout. Et entre eux, il existe toujours cette ombre jetée par l’été 1969. Il va falloir pourtant que plusieurs décennies plus tard, ils réussissent à en parler.
Formidable Ron Rash, qui parvient à passionner avec une histoire assez classique, et des jeunes filles disparues au bord de l’eau, qui, de Bondrée à Summer, ne manquent pas dans la littérature ces derniers temps… La relation entre les deux frères, notamment à la période contemporaine, mais aussi les premiers émois adolescents, la vie dans une petite ville des Appalaches, tout est passionnant à lire sous sa plume, et avec une très belle traduction également. Je le conseille sans restriction, alors que j’étais restée un peu sur ma faim avec Le chant de la Tamassee.

Par le vent pleuré, de Ron Rash (The risen, 2016) éditions du Seuil (août 2017) traduit par Isabelle Reinharez, 200 pages.

Les avis de Daphné, Eimelle, Eva et Krol.

47 commentaires sur « Ron Rash, Par le vent pleuré »

  1. Je viens de le finir !! J’ai aimé c’est sûr, c’est Ron Rash quand même ! mais pas autant que je l’aurais voulu… je l’ai préféré au précédent moi aussi mais ceux d’avant me semblent meilleurs.

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  2. Un auteur que j’apprécie particulièrement, j’ai aussi lu tout ce qui était traduit … J’hésitais sur ce titre, c’est vrai que le chant de la Tamasse m’avait moins plu … Mais là, le thème me parait plus correspondre à cette atmosphère tragique que j’apprécie particulièrement chez cet auteur.

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    1. Tu sais, Le chant de la Tamassee est un roman plus ancien, qui plus est tiré d’une nouvelle précédemment publiée… Celui-ci est pour moi plus dense, plus fort.

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  3. J’ai toujours « Le chant de la Tamassee » dans ma PAL, mais celui-ci me tente beaucoup et ton billet me rassure. Moi aussi jusqu’à présent, j’avais vu un peu trop de billets mitigés.

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  4. Je suis en train de lire Une terre d’ombre, sur tes conseils – c’est un auteur que je ne connaissais pas encore – et je suis impressionnée ; et conquise ! Je note celui-ci aussi.

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    1. Vaste question… J’ai commencé par Un pied au paradis et en ai été ravie. Sinon, pourquoi pas Une terre d’ombre ou Incandescences qui est un recueil de nouvelles ?

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  5. Pfff, toujours pas lu ron Rash de mon côté, et visiblement je suis en train de passer à côté de quelque chose ! Je note son dernier mais je dois avoir Une terre d’ombre sur ma LAL. Faudra que je fasse un choix quand même…

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  6. Rho la la , tu es la deuxième qui me dis que c’est opus là est vraiment très réussi (ma copine m’a dit « triste mais beau mais triste »), j’adore les histoires de fratries et surtout quand les livres nous parlent de ce cheminement entre les blessures de l’enfance et nos choix d’adultes. Bien que Ron Rash me fasse peur (j’imagine ses livres extrêmement sombres), je pense qu’un jour, je tenterai.

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    1. Triste et sombre, oui, mais pas glauque ou poisseux, et ça, pour moi, ça fait une différence énorme avec d’autres romans américains… Et les thèmes abordés dans ce dernier sont passionnants.

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