« – Vous avez des économies ?
– Presque rien,
– Des perspectives d’héritage ?
– Même pas.
– Un fils dévoué plein aux as ?
– Eh non.
– vous devez donc travailler pour survivre et pour cela vous n’avez que votre corps ! Or il vient de vous lâcher. »
L’activité sur le monde du travail d’Ingannmic m’a fait voir d’un autre œil ce roman graphique gagné grâce à un concours et un peu oublié depuis. C’est en effet le sujet, l’unique sujet de cette BD coréenne.
Tout commence par une sorte de mise en appétit qui présente Gu Go-Shin, un curieux personnage, un peu redresseur de torts, qui vient en aide aux salariés que leur entreprise pressure et exploite sans aucune vergogne. Sorte de conseil des prudhommes privé, il leur apprend leurs droits et les seconde face à des patrons que rien n’arrête : salaires non payés, accident du travail non déclaré, …
Ensuite, changement de décor avec un jeune homme très intègre, Lee Soo-In, qui a démissionné de l’armée et trouvé un emploi de cadre dans la grande distribution.
« L’homme est un caméléon qui s’adapte à son environnement. Un type qui a été syndicaliste pendant dix ans change de discours quand il passe cadre. Vous n’êtes pas non plus à l’abri d’un retournement de veste. Car les valeurs changent selon la classe d’appartenance ! »
Le monde du travail en Corée du Sud, voilà qui promet d’être intéressant ! Une fois passée la mise en place, l’identification des personnages (je suis assez lente pour cela, comme dans la vie, je ne suis pas très physionomiste), cela devient passionnant. Le dessin en noir et blanc, assez classique, pas trop « manga », convient très bien au sujet.
Voici tout d’abord, les personnages : Gu, le personnage intraitable du titre, lorsqu’il s’agit de défendre les travailleurs, puis Lee, sympathique jeune homme que l’on voit sur l’extrait ci-dessus. La BD revient sur son enfance, sa jeunesse, son entrée dans l’armée où il ne s’habituera pas à des pratiques qu’il juge non conforme à ses idées. Lorsqu’il entre pour travailler dans la grande enseigne française qui s’implante en Corée, « Les Fourmis », il se rend vite compte qu’il n’accepte pas non plus de devoir licencier certains de ses collaborateurs ou de les harceler pour les pousser à démissionner. C’est là qu’il rencontre Gu, et décide de se syndiquer.
On reconnaît vite Carrefour dans ce groupe qui adopte avec enthousiasme des pratiques de management qui seraient difficiles à employer en France.
Parfaitement réaliste, ce roman graphique est très instructif sur le monde du travail, les personnages ont du relief et l’envie est grande de savoir comment tout cela va évoluer. Car l’histoire se déroule sur six volumes (et bien évidemment, mes bibliothèques n’en ont aucun) et ce premier n’est donc qu’une mise en appétit… qui me rappelle, si vous ne l’avez pas vu, un film coréen sur le harcèlement au travail, About Kim Sohee de July Jung.
Intraitable, tome 1 de Choi Kyu-Sok, éditions Rue de l’Echiquier, 2019, traduction de Kette Amoruso, 248 pages
Activité sur le monde du travail chez Ingannmic.