« Chaque passant, chaque individu croisé est un monde à lui seul, un voyage mystérieux. La ville vibre de millions de promesses. Elle est puissante, dangereuse, imprévisible. On ne peut vivre qu’aux aguets, à New York. La vie vous submerge, la mort est partout. »
Un homme, une ville, quarante de vie commune… Voilà qui résume très sommairement ce roman mais qui lui va très bien aussi. Raymond, dit Ray, né en Algérie, après être passé par Marseille puis par Paris, où rien ne l’a vraiment retenu, a tenté sa chance à New York. Après une période de petits boulots, un emploi de doorman trouvé au 10, Park avenue, va le fixer pour de longues décennies dans cette ville. Pas vraiment concierge, pas tout à fait portier, son rôle est multiple et le fait qu’il loge dans un petit studio au dernier étage lui permet de mieux connaître tous les résidents de l’immeuble. Son métier lui permet aussi d’observer les new-yorkais, leur variété, leurs points communs. Quant à ses promenades avec Salah, son ami documentariste, elles lui apportent un regard sur les lieux qu’il n’avait pas eu dans les villes où il avait vécu précédemment. Au gré de ses amitiés, de ses amours aussi, il apprivoise la ville jusqu’à ne plus imaginer un ailleurs.
« Quand, peu à peu, moi et New York était devenu New York et moi, j’ai senti que , sujet minuscule avalé par le monstre, il me fallait respirer, prendre des pauses. J’ai compris que si je ne voulais pas être digéré par l’énergie colossale de la ville et rejeté comme un débris par sa mécanique sans pitié, je devais me construire, ou plus exactement, me reconstruire. »
À un certain moment je me suis demandée où allait le roman, mais il ne va nulle part, (comme si une ville se rendait quelque part !), enfin presque… C’est la grande ville, grouillante, bruyante, multiple, qui partage le rôle principal du roman, avec l’immeuble cossu et son concierge. Ray, malgré sa discrétion, est quelqu’un d’attachant, dont la personnalité gagne en ampleur et en sensibilité tout à la fois, au fil des quarante années. D’autres figures émergent, toutes intéressantes, toutes charriant leur histoire en relation avec New York. Un roman qui dégage un charme certain, et pas seulement pour ceux qui ont déjà visité la ville qui ne dort jamais… L’évolution de la cité en quarante ans y est bien présente, par mille et une petites notations passionnantes.
J’ai raté l’année dernière, à Arles, une rencontre avec l’autrice, j’aurais aimé savoir d’où lui est venu l’idée de ce roman. J’en reste à ma rencontre avec le livre, tout à fait réussie.
Le doorman, de Madeleine Assas, éditions Actes Sud, février 2021, 384 pages.
Lu pour le mois sur la ville chez Athalie et Ingannmic.