
« - Vous devriez éviter l’Arkansas. Une fille seule dans ce coin-là, vous pourriez bien avoir des ennuis. »
Imaginez-vous dans la peau d’une jeune femme résolument moderne, débarquer en 1947 au volant de votre vieille Mercury dans une bourgade de l’Arkansas pour y livrer des films de série B au cinéma local. En effet les petits cinémas n’avaient pas les moyens de louer les grandes productions hollywoodiennes. D’où le petit boulot trouvé par Billie Dixon qui aurait préféré écrire des scénarios mais s’accommode de ce job qui lui permet de bouger, faire des rencontres, voir du pays.
Malheureusement pour elle, dans ce bourg, le pasteur très influent Obadiah Henshaw a décidé que le cinéma était l’œuvre du diable et qu’il fallait y mettre le holà. Lorsque Billie tente de le croiser pour en discuter, elle rencontre la très belle épouse du pasteur, et c’est là que tout commence à aller de travers… mais alors vraiment de travers !
« Mais maintenant, il y a une histoire, et c’est une histoire que tout le monde veut croire. C’est ce que j’ai compris, après toutes ces années. Les gens veulent toujours croire l’histoire qui correspond à ce qu’ils préfèrent penser. »
Je ne sais pas si vous avez besoin de dépaysement en plongeant dans un roman, mais celui-ci remplit parfaitement bien ce rôle, tant les personnages comme les lieux sont éloignés de nos préoccupations actuelles. De l’auteur, j’avais lu précédemment Au nom du bien, et m’étais délectée à lire cet imbroglio où l’ironie le disputait à la noirceur, avec des personnages bien ignobles. Il y avait déjà un pasteur et des crimes, mais le roman se déroulait au moment de l’élection de Trump. C’est une tout autre époque ici et le scénario n’a rien à voir, il est très original, et réserve plus d’une surprise. Contrairement au roman précité où pas un personnage n’éveillait la sympathie, cette fois, la jeune Billie, avec sa vivacité, ses penchants à contre-courant pour l’époque, sa verve un peu canaille, inspire une certaine indulgence, mais gare à l’auteur, qui attend le lecteur au tournant.
Moi qui ai du mal avec les polars qui nous plongent dans des années 30 ou 40 un peu factices, avec détective privé, jolie pépée et grosses voitures, je n’ai pas trouvé de clichés et j’ai marché à fond !
Sans lendemain de Jake Hinkson, (No tomorrow, 2015), éditions Gallmeister (paru en Totem), traduction de Sophie Aslanides, 218 pages.