Je réserve souvent le mois de mars à la lecture de romans policiers, en préparation des Quais du Polar. L’édition 2020 a été virtuelle, et donc pour les rencontres d’auteurs en chair et en os, il faudra attendre ! J’ai quand même sorti de ma pile à lire quelques livres, avec des fortunes diverses, vous allez le voir.
Peut-être en connaissez-vous déjà certains ?
Arnaldur Indridason, Etranges rivages, éditions Points, 2013, traduit par Eric Boury, 354 pages.
« Il aimait s’allonger sur le dos, la tête posée sur son sac, les yeux levés vers les étoiles en méditant sur ces théories qui affirmaient que le monde et l’univers étaient encore en expansion. Il appréciait de regarder le ciel nocturne et son océan d’étoiles en pensant à ces échelles de grandeur qui dépassaient l’entendement. »
Tout d’abord, un refuge pour temps difficiles, un doudou islandais aussi confortable qu’un bon gros pull en laine de mouton (mais qui gratte moins). Dans Étranges rivages, on retrouve Erlendur qui avait disparu de Reykjavik dans le précédent roman, si je me souviens bien. Il a retrouvé la maison de son enfance, en ruines, et il y campe en réfléchissant au sens de la vie. La rencontre avec un chasseur lui fait reconsidérer une histoire dont il avait entendu parler, la disparition d’une jeune femme lors d’une tempête presque soixante ans auparavant. Il enquête auprès des rares personnes qui ont connu cette femme et cet événement, et se remémore aussi la nuit où son jeune frère a disparu.
Aussi solide et attachant que d’habitude, ce roman s’apprécie beaucoup plus toutefois si on connaît déjà le personnage, sinon, mieux vaut commencer par La cité des jarres ou La femme en vert.
Anne Perry, Un deuil dangereux, éditions 10/18, 1999, traduit par Elisabeth Kern, 477 pages.
« Elle s’apprêtait à occuper dans la maisonnée une position qui ne ressemblait à aucune autre, légèrement au-dessus des domestiques, mais bien inférieure à une invitée de la famille. »
Encore une série et une valeur sûre avec ce roman à l’ambiance victorienne parfaitement reconstituée. Je n’avais lu que L’étrangleur de Cater Street, et j’ignorais que dans celui-ci l’enquêteur était différent. Il s’agit de William Monk, un policier souffrant d’amnésie, ce que ses supérieurs ignorent. Drôle de situation !
Monk doit enquêter sur la mort violente d’une jeune veuve au domicile de ses parents, frères et sœurs. Il semble que nul n’ait pu pénétrer dans la maison, et que le coupable soit à chercher parmi la famille ou les domestiques. Monk requiert l’aide d’Hester Latterly, une infirmière engagée et n’ayant peur de rien.
Ce roman bien construit emmène dans un XIXe siècle londonien où l’on se coule confortablement. Ce qui n’empêche pas de s’indigner du rôle dévolu aux femmes, de l’indigence de la médecine, et du décalage immense entre les différentes couches de la société !

Georges Simenon, Le passage de la ligne, paru aux Presses de la cité en 1958, 186 pages
« J’étais au bord de la vie comme au bord de l’eau, la vraie vie, la vie anonyme, celle dont on ne sait encore rien et où on va essayer ses forces. »
En prévision du mois belge, j’ai aussi sorti de ma pile ce Simenon, mélange habile, comme savait le faire l’auteur, de roman d’apprentissage et de roman noir. C’est un livre qui prend son temps, pas un roman policier à proprement parler, mais une analyse fine des prédispositions qui amènent une personne à « franchir la ligne », concept qui s’éclaire au fur et à mesure la lecture. Le narrateur revient sur son enfance, sa jeunesse pauvre avec une mère célibataire et un père anglais qu’il voit rarement. Comment accède-t-il ensuite à la vie à laquelle il rêve, sans états d’âme, voilà le sujet de ce roman avec lequel j’ai pris parfois quelque distance. C’est cohérent avec la froideur du personnage toutefois. Un roman intéressant, avec une belle écriture dont je ne me lasse pas.
Barbara Abel, Derrière la haine, éditions Pocket, 2012, 344 pages.
« Rien n’est droit dans l’existence. La vie ressemble à un immense terrain accidenté, parsemé d’obstacles, de virages et de détours, une sorte de labyrinthe bourré de pièges dans lequel la ligne droite n’existe pas. »
Barbara Abel est une auteure belge que je me réjouissais de découvrir, et cette histoire de voisinage jouant sur le titre qui pourrait être Derrière la haie me semblait parfait pour commencer. D’un côté de la haie, donc Tiphaine et Sylvain, de l’autre Laetitia et David. Ils deviennent vite amis, leurs garçons qui ont le même âge sont inséparables. Jusqu’à ce qu’un drame fasse tout dégringoler dans le délire paranoïaque, la jalousie, la construction monstrueuse de la vengeance… Sans en dire plus sur l’intrigue, ce que j’ai surtout remarqué ce sont des personnages proches du cliché, et des phrases un peu toutes faites qui gâchent la bonne idée de départ du livre, déroulé jusqu’à un final qui se dessine assez vite et qui tourne à la semi-déception. Je ne le qualifierais pas de mauvais, mais je l’ai lu rapidement, et il ne me laissera pas un souvenir durable.
Retrouvez le mois belge chez Anne et Mina.
