Rumaan Alam, Le monde après nous

Une famille de Brooklyn, Amanda, Clay, et leurs enfants adolescents, se réjouit de passer une semaine dans une belle maison de Long Island, un peu isolée et assez luxueuse, un plaisir qu’ils n’ont pas l’habitude de s’offrir. L’arrivée et l’installation se passent bien, mais le deuxième soir, un couple de noirs d’une soixantaine d’années frappe à la porte, et se présente comme étant les propriétaires des lieux. Surpris par une panne générale d’électricité et de réseau à New York, ils demandent à pouvoir passer la nuit dans leur maison, en attendant de voir ce qui se passe. Les premiers contacts sont tendus entre les Afro-Américains aisés et les Blancs plus jeunes et plus modestes, pleins de suspicion, mais les locataires acceptent à contrecoeur la présence des propriétaires. Le lendemain, d’autres événements perturbants se produisent, un Bruit énorme et effrayant, des animaux qui semblent égarés, mais aucune information n’est disponible sur ce qui se passe.

A mon avis, ce roman est plutôt une réussite, à laquelle je ne m’attendais pas trop au vu du début du roman, abondant en détails rajoutés pour créer l’ambiance, (mouchoirs sales et autres détails peu appétissants, ou listes d’achats détaillées) inutiles à mon avis. L’auteur ne les abandonne pas par la suite, mais, plus rares, ils finissent par ne plus irriter et n’entravent pas la lecture.
Finalement ce n’est pas tant du monde d’après qu’il est question, mais plutôt de la manière dont ça se passe au moment même où les choses commencent à se déliter, et où la peur gagne les personnages, chacun réagissant à sa manière. Le choix des personnages, bien trouvés, et bien décrits, est pour beaucoup dans la réussite du roman. Il est très intéressant de voir, je ne vais pas divulgâcher, laquelle de ces six personnes aura la réaction la plus efficace, à la toute fin du roman.
Par contre, il ne faut pas s’attendre à des explications sur le type d’événement qui se produit, que ce soit localisé à New York ou plus général… comme toute la narration est du point de vue des deux familles repliées dans la maison, s’ils n’ont pas de réponses à leurs questions, le lecteur n’en a pas non plus : c’est encore plus angoissant !
Ce n’est pas le livre de l’année, ni le meilleur dans le genre, mais il apporte un éclairage intéressant et très américain, sans oublier d’être particulièrement réaliste, sur le thème d’un déclin précipité de civilisation, et celui de la peur. L’auteur analyse les rapports familiaux, et les relations entre personnes de milieux et d’origines différentes, de manière très subtile.

Le monde après nous de Rumaan Alam, (Leave the world behind, 2020) Seuil, août 2022, traduction de Jean Esch, 304 pages.

Un film, tourné par Sam Esmail, vient d’être tiré de ce roman, avec Julia Roberts, Mahershala Ali et Ethan Hawke, il est diffusé sur Netflix.

Pierre Chavagné, La femme paradis

« En ville, mon esprit était comme une luciole enfermée dans un poing, ma présence au monde avait la vitalité du mannequin de plastique dans la vitrine d’un grand magasin – proportions idéales dans des tissus fleuris, coquette, invisible, je décorais.
En forêt, tous les animaux savent qui je suis. Ils me craignent, me fuient, aucun n’est insensible et, peut-être, l’un d’eux me dévorera. »

Une femme vit seule dans une région montagneuse et boisée, elle s’est trouvée un abri dans une grotte, un coin pour faire pousser quelques légumes et elle chasse selon ses besoins. Elle semble toujours sur le qui-vive, prête à se débarrasser brutalement d’un gêneur qui s’approcherait trop de son territoire. Elle est d’autant plus aux aguets qu’elle a entendu le bruit d’une détonation, pas très loin de son domaine. Progressivement, son histoire, qu’elle occulte pourtant totalement dans le journal qu’elle tient de son isolement, va se dévoiler…

« De sa position, elle peut étudier le panorama à 200°. Seule sa tête pivote. Absorbée par la surveillance, les pupilles contractées, elle ne pense plus à P. Le tiers de ses journées s’écoule ainsi. D’est en ouest et de haut en bas. Une tâche compulsive. Elle connaît la topographie de cette partie de la forêt comme si elle l’avait plantée. »

Ce court roman est une lecture parfaite entre deux romans plus épais. L’écriture se savoure, il faut se laisser imprégner tranquillement par l’atmosphère, sombre mais pas totalement plombante, grâce à la beauté et la permanence de la nature environnante. Je donne peut-être l’impression qu’il ne se passe pas grand chose, ce n’est pas le cas, mais je ne vais pas vous faire la mauvaise plaisanterie de raconter justement les épisodes qui surviennent quand on ne s’y attend pas du tout.
Ce n’est certes pas le premier roman post-apocalyptique, ou post-pandémique, ou quel que soit le genre qu’on peut lui accoler, que je lis, mais celui-ci m’a envoûtée pendant ses quelques 150 pages, il ne contient pas un mot de trop et dresse un très beau portrait de femme, très touchant.
Bref, je le recommande !

La femme paradis de Pierre Chavagné, éditions Le mot et le reste, janvier 2023, 156 pages.

La chronique de Chinouk.

Deon Meyer, L’année du lion

« L’espèce humaine ne peut pas changer , l’homme ne peut tout simplement pas changer. L’évolution nous a programmés pour continuer à consommer jusqu’à ce que tout ait disparu. »

Une situation post-apocalyptique où tout manque, un père, son fils, on pense immédiatement à La route, mais L’année du lion est bien différent du roman de Cormac McCarthy, tout d’abord parce qu’il présente des personnages, quelques-uns du moins, à qui la catastrophe sanitaire n’a pas fait perdre toute humanité, et aussi par son dénouement qui ne manque pas de surprendre.
Dès les premières lignes, on apprend que le fils veut venger la mort de son père, et on peut en déduire pas mal de choses et aussi voir se dessiner beaucoup d’interrogations. Pour faire court, une pandémie à coronavirus à décimé la population mondiale, laissant cinq personnes sur cent capables de résister au virus. Tout est désorganisé, et une catastrophe nucléaire dans la région du Cap oblige les rescapés à fuir vers le nord. C’est là, près d’un barrage dont il espère remettre en route la centrale électrique, que s’installe Willem Storm avec son fils de treize ans, Nico. D’autres les rejoignent, pour peu qu’ils adhèrent à leur idée de la démocratie. Des personnages intéressants et venus d’horizons très divers…

« Ainsi, dit Père, nous sommes unis en tant que contrepoids au mal. Nous constituons le poids qui doit rétablir l’équilibre de l’univers. Nous découvrons notre identité dans notre différence, nous sommes le lieu de la lumière mais nous ne pouvons l’être que si « eux » représentent les ténèbres. »

Cette pandémie a été décrite par l’auteur en 2016, sans doute parce que les chercheurs qu’il a interrogé lui ont affirmé que ce virus était le plus vraisemblable, s’il voulait prédire une pandémie très rapide et généralisée. La très bonne idée du roman est d’avoir imaginé un groupe d’habitants prêts à intégrer une communauté utopique, alors que le reste du pays semble vivre sous la coupe de gangs dont la survie passe par le pillage et pire encore. Et pourtant, ça fonctionne, et, en prenant beaucoup de précautions contre de possibles attaques, les habitants d’Amanzi (qui veut dire « eau » en xhosa) réussissent à vivre relativement en harmonie. La création d’une société nouvelle, pas à pas, avec ses réussites et ses déboires, se lit avec enthousiasme. L’auteur, au travers du personnage de Willem Storm, développe des idées passionnantes sur la capacité de l’homme à construire une société autour d’un mythe. (je synthétise, l’intérêt est dans l’explication claire de cette idée).
Bien sûr, certains de ces villageois ne sont pas dépourvus de défauts, et de goût pour le pouvoir, et on se demande sans cesse par qui le malheur va arriver. Tout en admirant la résilience de la plupart d’entre eux et leur capacité à s’adapter à des conditions de vie moins consuméristes et plus communautaires que ce qu’ils avaient connu auparavant. Comme Deon Meyer est habitué à tisser des intrigues de polars, le suspense est parfaitement maintenu tout du long des six cents pages du roman. Les rapports compliqués entre le père et son fils adolescent, tous deux à leur chagrin dû à la perte de leur épouse et mère, apportent la touche indispensable de sentiment.
Même si vous avez l’impression d’avoir déjà lu assez de romans post-apocalyptiques, ce serait dommage de passer à côté de celui-ci. Il soulève des questions intéressantes sur notre monde d’aujourd’hui, des questions qu’il s’agirait de prendre à bras le corps dès maintenant.

L’année du lion de Deon Meyer (Koors, 2016), éditions du Seuil, 2017 et Points, 2018, traduction de Catherine Du Toit et Marie-Caroline Aubert, 710 pages.

Actu du noir a apprécié aussi.

Mois africain, la suite !

Sophie Divry, Trois fois la fin du monde

troisfoislafindumonde.jpgRentrée littéraire 2018 (2)
« Au bout d’un temps infini, le greffier dit que c’est bon, tout est en règle, que la fouille est terminée. Il ôte ses gants et les jette avec répugnance dans une corbeille. Je peux enfin cacher ma nudité. Mais je ne rhabille plus le même homme qu’une heure auparavant. »

Un jeune gars de banlieue, Joseph Kamal, se retrouve à la fois sans famille et emprisonné. Son frère a été abattu lors du braquage où lui même a été arrêté. Joseph n’a rien d’un récidiviste, il découvre l’univers carcéral, et le lecteur avec lui. J’avoue que je ne m’attendais pas à un tel début, avec une sensation d’enfermement, d’étouffement, puissamment rendue par les mots. Puis un événement, d’origine nucléaire, rapidement évoqué, précipite Joseph dans un monde radicalement différent. Il se retrouve en effet seul dans une zone contaminée, la majorité de la population étant morte des suites des radiations, sauf une faible minorité dont il fait partie. Il pourrait choisir de rejoindre la zone protégée, mais préfère s’installer dans un hameau vidé de ses habitants. La sensation de solitude qui suit la promiscuité carcérale est d’autant plus forte, une solitude qui n’est pas choisie, mais qui arrange bien Joseph après l’inhumanité de la prison, et la peur que lui inspiraient ses codétenus.

« Il ne reste de ces semaines de rêveries que la sensation d’être abominablement seul. »
Joseph n’est pas vraiment un manuel, ni quelqu’un de proche de la nature, il doit apprendre tous les gestes, se documenter pour connaître ce qui l’entoure, s’adapter à la région où il est réfugié. Les évocations de la nature et des saisons ne sont peut-être pas le point fort de l’auteure, mais elle sait parfaitement se mettre à la place du personnage et dans ses pensées, faire ressentir ce qu’il ressent, pousser à imaginer ce qu’on ferait à sa place, comment on appréhenderait l’environnement, les plantes, les animaux…
Sophie Divry montre en écrivant ce roman, comme avec ses précédents, qu’il est possible de raconter une histoire en s’attachant aussi à la forme même du roman. En trois parties, correspondant, si on veut, aux trois fins du monde du titre, elle nous emmène dans un univers radicalement différent de celui de ses autres romans, dans un style bien distinct aussi, avec des passages du « il » au « je » qui rythment le texte.
Elle dit dans une interview avoir lu et été inspirée par Le mur invisible de Marlène Haushofer ou La petite lumière d’Antonio Moresco plus que par Robinson Crusoé. Comme dans ces romans, c’est de solitude qu’il s’agit, et de se créer un univers qui soit vivable lorsqu’on est seul. Mais tout d’abord, l’être humain est-il adapté à la solitude ? Dans l’atmosphère d’inquiétude concernant le futur qui est celle de notre époque, les romans traitant de survie solitaire sont nombreux, et celui-ci y a toute sa place, et se révèle passionnant jusqu’à la dernière ligne.

Trois fois la fin du monde de Sophie Divry, éditions Noir sur Blanc (août 2018), 240 pages.

#TroisFoisLaFinDuMonde #NetGalleyFrance

L’avis d’Antigone sur Trois fois la fin du monde.
Sur ce blog, les billets sur La condition pavillonnaire
et Quand le diable sortit de la salle de bain, à lire aussi le billet de Sandrine sur Rouvrir le roman, un essai qui semble très intéressant.

Paul Auster, Tombouctou

tombouctouLe mois américain est en cours, j’avance bien dans mes lectures, américaines ou non, mais je constate que j’ai du mal à écrire des avis, parce que je me lasse de plus en plus de prendre des notes en cours de lecture, et parce que je traîne à la rédaction des billets, qui portent sur des livres lus deux ou trois semaines auparavant… Bref, ce billet risque d’être assez court, vous voilà prévenus !
Le roman de Paul Auster déroule les pensées de Mr Bones, un brave chien bâtard, qui accompagne depuis des années son maître, Willy, sur les routes des États-Unis. Willy est sans domicile, cela ne dérange pas Mr Bones, mais l’amitié qui le lie à son maître va prendre fin, il le sent, il l’entend aux quintes de toux épuisantes qui le prennent. Willy fait une dernière étape à Baltimore où il espère retrouver son ancienne professeure de français pour lui demander deux services.
Force est de reconnaître la réussite de ce roman d’apprentissage dont le personnage principal, celui qui au travers des difficultés, accède à la maturité et à l’autonomie, est un chien…
Ce roman donne l’impression d’un exercice d’écriture plutôt que d’un livre où l’auteur a mis beaucoup de lui-même, et pourtant il ne manque pas de richesse, il peut être lu de pas mal de façons, et on peut y trouver un peu ce que l’on cherche de la vie : les choix qu’on y fait, les leçons qu’on tire des épreuves, les idéaux qui nous guident. J’ajoute que si on connaît l’univers et le style de Paul Auster, on ne peut qu’apprécier les moments où il s’écarte du récit linéaire pour changer de point de vue, de manière tout à fait originale, pour entrer dans le monde onirique du chien, ou pour faire un clin d’œil au lecteur en citant au passage « un nommé Anster ou Omster, ou quelque chose de ce genre, qui avait fini par écrire un certain nombre de livres plutôt médiocres… ».
Si ce roman ne pourra pas égaler d’autres de l’auteur new-yorkais, j’ai eu plaisir à le lire, et j’ai frémi et compati aux déboires de Mr Bones. Je le recommanderai plus aux fans de l’auteur que pour découvrir son oeuvre, toutefois.

Extrait : Quand le temps se réchauffa enfin et que les fleurs ouvrirent leurs boutons, il apprit que Willy n’était pas seulement un casanier scribouillard et un branleur professionnel. Son maître était un homme pourvu d’un cœur de chien. C’était un baladeur, un soldat de fortune prêt à tout, un bipède unique en son genre qui improvisait les règles en cours de route. Ils partirent tout simplement un beau matin de la mi-avril , se lancèrent dans le vaste monde et ne remirent plus les pieds à Brooklyn avant le jour précédant Halloween. Quel chien pourrait en demander davantage ?


L’auteur : Paul Auster est né en 1947 dans le New Jersey. Il écrit des articles pour des revues, débute les premières versions du Voyage d’Anna Blume et de Moon Palace, travaille sur un pétrolier, séjourne trois ans en France où il fait des traductions (Mallarmé, Sartre, Simenon), écrit des poèmes et des pièces de théâtre.
Son premier ouvrage majeur est une autobiographie, L’Invention de la solitude, écrit après la mort de son père. De 1986 à 1994, il publie des romans comme La trilogie new-yorkaise, Moon Palace et Léviathan. Paul Auster écrit des scénarios de films et tourne Lulu on the Bridge en 1997.
Il écrit ensuite Tombouctou (1999), Le Livre des illusions, La Nuit de l’oracle et Brooklyn Follies (2005).
Marié puis séparé de l’écrivain Lydia Davis, il s’est remarié en 1981 avec une autre romancière, Siri Hustvedt.
Son dernier projet est un roman écrit en trois années, roman qui fera plus de 900 pages, «le plus volumineux de sa vie», et paraîtra aux Etats-Unis en 2017.
210 pages.
Éditions
Actes Sud (1999) Paru en poche.
Traduction : Christine Le bœuf
Titre original : Timbuktu

Les avis d’Inganmic et de Valentyne.

Lecture du mois américain, organisé sur le blog Plaisirs à cultiver.

Projet 50 romans, 50 états : le Maryland.
moisamericain2

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Yana Vagner, Vongozero

vongozeroQuinze jours que j’ai fini ce roman, et j’ai un peu l’impression d’avoir abandonné les personnages à leur sort ! Triste sort ou non, je ne vais tout de même pas vous dévoiler la fin, mais pour ce qui est de la situation de départ, c’est tout à fait possible… Vongozero, je l’ai appris avec la carte en début de roman, est un lac situé au nord de la Russie, pas très loin de la frontière finlandaise. Pas franchement le genre d’endroit où on a envie d’aller passer l’hiver, sauf si un méchant virus décime la population des villes et qu’il vaut mieux s’éloigner de tout risque de contamination.
Bien sûr, au début, chacun se croit à l’abri chez lui, notamment la famille d’Anna, dans leur jolie maison dans une banlieue éloignée de Moscou. Jusqu’au jour où la ville est fermée à tous, où les radios et télévisions cessent d’émettre, où plus aucune nouvelle ne vient des moscovites. Le père de Sergueï, le compagnon d’Anna, est le premier à s’alarmer et à déclarer que le seul moyen d’éviter le virus est d’aller se réfugier dans un endroit éloigné. D’autres membres de la famille, des voisins, se joignent à eux, et quatre voitures chargées de nourriture et autres objets indispensables prennent la route vers le Nord. Seul point qui m’a surpris, personne ne questionne ce choix, en plein hiver, j’aurais plutôt choisi de me diriger vers le sud !

En tout cas, nord ou sud, le périple au cœur de l’hiver russe est singulièrement prenant, on ne voit pas ce qui pourrait empêcher de tourner les pages pour savoir ce qu’il advient du convoi, comment tournent les relations entre les personnages, quels dangers vont émailler leur route, quel élément indispensable va venir à leur manquer. Les caractères sont assez communs, pas de héros ni de sur-homme, juste des gens comme vous et moi, confrontés à une tragédie où l’état protecteur ne joue plus son rôle, et où chacun se retrouve obligé de donner le meilleur de lui-même pour un groupe qu’il n’a pas forcément choisi. Le personnage principal, Anna, peut agacer, tant elle a du mal à se départir d’un égoïsme certain, mais j’ai trouvé intéressant ce parti-pris de l’auteure. Un léger bémol concernant certaines situations critiques dont le dénouement est somme toute assez prévisible. Même si on frémit pour le groupe de rescapés, lorsqu’ils font de mauvaises rencontres, lorsque la route est coupée, on sait qu’ils progresseront néanmoins.
Il existe en effet une suite, elle vient de sortir et s’appelle Le lac. Une tentation de plus dans une saison littéraire déjà bien fournie en sorties en tous genres ! Sachez d’ailleurs que Vongozero va sortir en poche dès le mois de mars !

Extraits : L’espace d’un instant, j’eus l’impression qu’il s’agissait d’une soirée banale, comme nous en avions déjà passé tant, que nous étions tout simplement en train de regarder un film insipide sur la fin du monde, dont le dénouement traînait un peu en longueur.

De la route, on découvrait un merveilleux hameau de conte de fées, avec ses chemins déneigés, ses murs ceints de troncs couleur chocolat et ses cheminées en brique, sauf qu’aujourd’hui, à la place de la maison la plus proche de la route, il n’y avait plus qu’une tache biscornue, d’un noir huileux, d’où saillaient les fragments calcinés de l’ancienne bâtisse.

L’auteure : Yana Vagner, née en 1973, a grandi au sein d’une famille russo-tchèque. Après avoir été interprète, animatrice radio, responsable logistique, elle écrit Vongozero, initialement sur son blog, et cette histoire attire l’attention des éditeurs. Yana Vagner vit près de Moscou.
482 pages
Éditions Mirobole (2014)
Traduction : Raphaëlle Pache

Repéré chez Aifelle mais aussi Cuné, Dominique et Zarline. Sandrine s’y est ennuyée, dommage !

Patrick Ness, La voix du couteau Le chaos en marche, I

voix_du_couteauL’auteur : Patrick Ness est né aux États-Unis, en Virginie, où son père était un sergent dans l’armée américaine. Passionné par la lecture et l’écriture, il étudie la littérature anglaise aux États-Unis. En 1999, il s’installe à Londres et enseigne pendant trois ans l’écriture à Oxford. Il est l’auteur de deux romans pour adultes. Il écrit également pour la radio et travaille comme critique littéraire pour «The Guardian». La voix du couteau (2008) premier épisode de la trilogie Le chaos en marche, son premier roman pour la jeunesse, a remporté de nombreux prix.
531 pages
Editeur : Folio (2014)
Traduction : Bruno Krebs
Titre original : the knife of never letting go

Je lis fort peu de science-fiction, mais j’aime beaucoup les dystopies ou les romans d’anticipation qui se cachent dans les collections « blanches »… L’écriture compte pour beaucoup dans mon goût, ou non, pour ce genre. Et là, je m’attendais à du bon, me souvenant fort bien que Brize avait été subjuguée par cette série.
Pari réussi avec le style : il est ce qu’on remarque d’abord, par son originalité. Le narrateur, Todd, n’a que douze ans, bientôt treize, il déforme quelques mots, en invente ou en triture d’autres, cela donne une langue assez originale, quoiqu’un peu répétitive à la longue. Ensuite, la situation de départ, formidable et prometteuse, est que, dans ce monde qu’on découvre, les pensées de chacun sont audibles de tous, et forment un Bruit continu et à vrai dire assez insupportable. Même les animaux parlent, ce qui ne manque pas de procurer (pour le lecteur, car pour les protagonistes, ce n’est rien que de très habituel) de petites notes d’humour, assez fugaces, trop sans doute à mon goût. On apprend aussi que ce monde est celui des hommes, les femmes ont toutes été décimées par le virus du Bruit, et Todd est le dernier enfant. Dès le premier chapitre, le jeune héros, Todd Hewitt, trouve un endroit imprécis et inconnu, un endroit sans bruit. Il fera, au cœur de ce silence, une rencontre qui va changer sa perception du monde. Les événements s’enchaînent ensuite, qui obligent Todd à fuir la ville où il a toujours habité, et les deux hommes qui l’ont élevé. (non, ce n’est pas le sujet de la famille homoparentale qui est évoquée, il n’y a plus de femmes…)
Passé l’enthousiasme du début, je suis globalement un peu mitigée, notamment parce que les personnages n’ont pas réussi à m’intéresser vraiment. Todd n’est pas très attachant, ses réactions pas toujours cohérentes, ce qui peut s’expliquer par son âge. Certaines situations semblent récurrentes, les combats en particulier, dans ce monde sans pitié où Todd doit lutter pour survivre et continuer, ces combats m’ont indifféré quelque peu, leur issue étant souvent prévisible.
Les thèmes du mensonge, et de la vérité, donnent lieu à des réflexions et des rebondissements intéressants, l’idée des pensées entendues de tous est fort bien exploitée, dans diverses situations.
J’avoue bien volontiers que ce premier tome est haletant, difficile à lâcher, et qu’il se termine sur un moment crucial qui donne envie de se précipiter sur la suite, mais… j’avais la suite, justement, à portée de main. Eh bien, je n’ai pas dépassé 100 pages. Rien à faire avec ce deuxième tome, les enjeux pour le jeune héros avaient changé, là où je trouvais de l’intérêt dans le premier tome : la survie dans un monde hostile, la solitude, la recherche d’explications, l’amitié, plus rien ne me passionnait dans le second…

Extrait : Je sais ce que vous pensez, comment je peux ne pas comprendre puisque toute la journée, tous les jours j’entends chaque pensée des deux hommes de la maison ? Mais c’est comme ça. Le Bruit, c’est du bruit. Ça craque et ça crépite et ça finit généralement dans une grande purée de sons et de pensées et d’images, et la moitié du temps, impossible d’y comprendre quelque chose. L’esprit des hommes est rien qu’un fouillis, et le Bruit, c’est comme la version active, respirante, de ce fouillis. C’est ce qui est vrai et ce qui est cru et ce qui est imaginé et ce qui est rêvé, et ça dit une chose et son contraire total en même temps, et même si la vérité s’y trouve forcément, comment faire la différence entre ce qui est vrai et ce qui ne l’est pas quand vous captez tout, absolument tout ?

Brize, Cathulu, Karine sont emballées, Cachou et Mélo un peu plus mitigées.