Policiers et romans noirs en vrac (8)

Robert Galbraith, Le ver à soie, éditions Grasset, 2014, traduction de Florianne Vidal, 572 pages.
« Mais les écrivains sont une drôle d’engeance, Mr Strike. Si vous cherchez des amitiés sincères, généreuses et pérennes, engagez-vous dans l’armée et apprenez à tuer. Si vous préférez les liens éphémères avec des gens qui exercent le même métier que vous et se réjouiront de tous vos échecs, écrivez des romans. »

Dans ce deuxième tome de la série après L’appel du coucou (non chroniqué), Cormoran Strike, toujours avec l’aide de son assistante Robin, est mandaté par une femme pour retrouver son mari. Celui-ci, auteur à succès, a disparu depuis plusieurs jours, et l’affaire va se résoudre en deux temps. Tout d’abord, trouver où il a pu se cacher, ou être caché, et ensuite trouver qui est responsable de sa disparition. Le milieu de l’édition est l’occasion pour l’autrice de dresser des portraits féroces et par là même, une brochette de coupables potentiels. Mais le plus intéressant reste l’évolution des deux personnages récurrents, le détective et son adjointe.

Louise Mey, La deuxième femme, éditions du Masque, 2020, 340 pages.
« Elle n’a même plus besoin de consulter les conseils des experts en morphologie qui disent qu’en forme de huit il faut souligner la taille, qu’en forme de larme il faut accentuer le décolleté. Son corps à elle n’est jamais dans les magazines, il est en forme de débâcle et elle a appris lentement et douloureusement à sélectionner ce qui gommera au mieux ses défauts. »

Sandrine, jeune femme mal dans sa peau et solitaire, rencontre enfin un homme avec qui partager sa vie. Ce veuf éploré dont la femme a disparu l’émeut, et s’intéresse à elle. Ils en viennent à habiter ensemble, et, avec le petit Mathias, presque à former une famille. Mais lorsqu’une femme amnésique réapparaît, et que son compagnon reconnaît la mère de son enfant, la situation se dégrade rapidement pour Sandrine, qui devient « la deuxième femme ».
Je ne vous en dis pas trop sur le thème central, il ne manque pas de profondeur, et est fort bien traité. Il explique aussi certains choix stylistiques puisque c’est le point de vue de Sandrine qui est adopté. Ce n’est pas, comme on pourrait le croire, un thriller domestique, mais plutôt un roman noir sur un sujet de société malheureusement toujours d’actualité.

M.T. Edvardsson, Ceux d’à côté, éditions Sonatine, 2022, traduction de Rémi Cassaigne, 416 pages.
« Les gens sont comme des devinettes, et je n’ai jamais aimé les devinettes. Les réponses sont toujours tirées par les cheveux et ridicules. »

Ce roman, par contre, est clairement du genre à faire peur avec des situations quotidiennes et communes à tous, à savoir le voisinage. Je retrouvais là M. T. Edvardsson, après Une famille presque normale, qui ne m’avait pas déplu. Dans ce nouveau roman, un jeune couple, Mikael et Bianca, emménage dans une maison d’un quartier résidentiel. Ils ne connaissent encore personne dans la petite ville, et font rapidement la connaissance de leurs voisins, un couple de retraités, un homme qui vit seul et une femme qui élève seul son fils adolescent. Un accident survient très vite, et la narration alterne entre des chapitres « avant l’accident » et « après l’accident ».
J’ai écouté ce roman en livre audio, enfin, la moitié seulement, car c’était long, si long, que je m’endormais à tous les coups. J’ai trouvé le nombre de personnages trop restreints pour apporter un suspense vraiment intéressant, et de plus, tous sont proches du cliché, l’ex-mannequin trop aguichante, les retraités rigides, l’ado asocial… Bref, à oublier !

Noëlle Renaude, Les abattus, éditions Rivages noir, 2020, 410 pages.
« … elle se contente de savoir que la crédulité vous fait prendre des escrocs pour des humanistes, des charlatans pour des savants, des petits malins pour des génies, du blanc pour du noir, des œufs de lump pour du caviar, la force de conviction, les mots, le besoin de croire étant les armes les plus redoutables et les plus folles que l’homme ait imaginées. »

Un petit garçon aux parents absents, sans cesse chahuté par ses frères aînés, devient un ado admiratif du camarade plus favorisé, puis un adulte assez solitaire. Mais autour de lui, sans rapport les uns avec les autres, se déroulent des événements dramatiques : un couple est assassiné, une jeune femme disparaît. Est-ce en lien avec son frère qui trafique dans des affaires louches ?
Avec les éditions Rivages noir, il n’est pas difficile de faire de bonnes, voire de très bonnes découvertes. Ce roman de Noëlle Renaude, pour moi inconnue jusqu’alors, ne déroge pas à cette règle. Le style original donne un rythme très personnel au roman et de nombreux personnages secondaires ajoutent de l’efficacité à l’intrigue, ainsi qu’un changement de point de vue inattendu. Ce roman rappelle les bons romans noirs américains. Les petites villes françaises sont aussi des cadres de choix pour des histoires bien sombres !

David Joy, Nos vies en flammes, éditions 10/18, 2023, traduction de Fabrice Pointeau, 336 pages.
« Il fallait le faire. Parce que c’était comme ça que cet endroit était parti en sucette, quand les gens bien qui avaient vu le bateau prendre l’eau avaient refusé de boucher les trous avec leurs doigts. Ils avaient été trop nombreux à se taire et à ne rien faire, à se tenir en retrait et à regarder le monde se casser la gueule. Raymond Mathis en avait marre de le regarder sombrer. »

L’histoire de Ray Mathis, retraité veuf et père d’un junkie depuis de longues années, tourne mal lorsque son fils, une fois de plus, vient lui quémander de l’argent. Il s’agit cette fois d’une très grosse somme que Ricky ne peut seul rembourser. Excédé, son père décide de prendre en main les choses, d’autant qu’il se rend compte qu’il ne peut pas compter sur la police locale.
Une fois encore, ce sont les Appalaches qui servent de cadre à David Joy, après le formidable Ce lien entre nous. Et lui aussi, comme son personnage, s’attaque à la drogue qui détruit nombre de jeunes, laissant leurs familles désemparées. Comme dans le roman de Noëlle Renaude, ce sont les invisibles, les abonnés aux galères, aux boulots précaires et aux « remontants » en tous genres, qui sont au centre du texte. Un roman parfaitement documenté, ce qui ne l’empêche de toucher au cœur !

Peut-être avez-vous lu un ou plusieurs de ces romans ? Sinon, j’espère vous avoir donné des idées.

35 commentaires sur « Policiers et romans noirs en vrac (8) »

  1. Je n’en ai lu aucun. En fait je veux du polar qui soit de mon goût, et ce n’est pas toujours facile. Mais un ou deux ici pourraient convenir!

    J’aime

    1. Cette sélection est assez variée pour en trouver un à ton goût. 😉 Je suis assez difficile en polar, mais curieuse aussi, et parfois je fais des incursions plus ou moins réussies en dehors de ceux qui me plaisent.

      J’aime

  2. J’ai lu les deux premiers Robert Galbraith et le troisième est dans ma PAL. C’est plaisant et on s’attache bien aux enquêteurs c’est vrai. J’ai lu « une famille presque normale » qui ne m’a pas assez emballée pour que je poursuive avec l’auteur. David Joy pourrait m’intéresser, « la deuxième femme aussi ».

    J’aime

    1. C’est grâce à toi que j’ai eu envie de « m’attaquer » à Robert Galbraith, et c’est tout à fait ma tasse de thé (anglais) ! J’aurais du en rester à Une famille presque normale avec l’auteur suédois, parce que là, c’était un pensum de le reprendre !

      J’aime

  3. J’ai lu le 5ème volet de la série « Cormoran Strike et Robin Ellacott », (Sang Trouble). Il ya 900 pages mais ça passe vraiment bien. Cela m’a donné envie de lire les autres romans de Robert Galbraith (un pseudonyme de J.K. Rowling). Sinon, je suis tentée par les romans de M.T. Edvardsson

    J’aime

    1. Tu veux dire que tu as commencé par le cinquième ? Bah, pourquoi pas, mais je préfère suivre l’ordre chronologique quand c’est possible. Je compte bien poursuivre la série.

      J’aime

    1. Je suis ravie de la découverte de la série des Cormoran Strike, que je n’osais pas aborder, je ne sais pourquoi.
      Cela faisait longtemps que je n’avais pas écouté de livre audio et ça n’a pas été une réussite (les lecteurs ne m’ont pas convaincue non plus)

      J’aime

  4. Ahaha, moi aussi je m’endors avec les livres audio ! Bon, c’est le comble quand même avec les thrillers qui sont censés tenir un peu en haleine. Sinon le Louise Mey m’intrigue. J’aime beaucoup l’extrait choisi déjà.

    J’aime

    1. Je me demande si à l’écrit, le roman d’Edvardsson m’aurait plus intéressée, je ne crois pas… Quant au roman de Louise Mey, l’extrait est représentatif, et le roman vraiment prenant.

      J’aime

  5. Oui, tu as eu vraiment raison de te forcer un peu à écrire ! Je ne connais aucun de ses titres et je les note tous, sauf Ceux d’à côté. Le Renaude m’intrigue particulièrement.

    J’aime

Et vous, qu'en pensez-vous ?