Valeria Luiselli, Archives des enfants perdus

«Tous ces enfants fuyaient des conditions de vie indescriptibles, la maltraitance et les violences systématiques, ils fuyaient des pays où les gangs avaient fondé des états parallèles, usurpé le pouvoir et imposé leurs propres lois. Ces enfants étaient venus chercher une protection aux États-Unis, retrouver une mère, un père ou d’autres membres de la famille ayant émigré avant eux et susceptibles de les accueillir. Ils ne couraient pas après le rêve américain, contrairement à ce qui se dit habituellement. Ils cherchaient juste un moyen d’échapper à leur cauchemar quotidien. »

Une famille entreprend un périple en voiture de New York vers l’Arizona. Les parents sont en couple depuis quelques années, l’un ayant un garçon, l’autre une fille, de précédentes unions. Ils sont documentaristes et traquent de la matière à reportages à l’aide de leurs micros, sur des sujets différents, toutefois. C’est ainsi que le thème des enfants migrants, arrivés seuls sur le sol américain, va s’inviter dans le véhicule, ainsi que le sujet des Apaches, derniers guerriers à s’être soumis aux Blancs. Mais pas seulement… le roman, par la voix de la mère et narratrice de la première partie, brasse beaucoup de thématiques variées.

« Nos mères nous apprennent à parler et le monde nous apprend à nous taire. »

Pendant les cinquante premières pages, j’ai été déconcertée par le fait que les quatre personnages principaux n’aient pas de prénom, par certains passages assez fumeux, et aussi parce que le thème principal semblait noyé dans une histoire de couple et/ou de famille au bord de l’éclatement. J’ai ensuite été agacée par quelques longueurs et par le grand nombre de citations recopiées par l’auteure pour éclairer son propos, puis j’ai fini par prendre un rythme de croisière et apprécier davantage le mélange entre infos sur les mineurs isolés, ou sur les Indiens Apaches, réflexions sur l’image ou le son, et road-trip familial.
À partir de la deuxième partie, un changement de narrateur bienvenu, m’a permis de reprendre la route de manière moins intellectuelle, puis un épisode auquel je ne m’attendais pas a relancé mon intérêt avec davantage de tension narrative et une jolie performance au niveau du style.
Globalement je suis donc contente d’avoir lu ce roman, et épatée par le travail qu’il représente, même si je suis soulagée d’enchaîner avec une lecture plus facile, tant pour le style que pour le sujet. C’est un bon roman, mais qui aurait gagné à être recentré sur les mineurs isolés, en évitant d’accumuler les recherches au niveau de la forme.

Archives des enfants perdus de Valeria Luiselli (Lost children archives, 2019) éditions de l’Olivier, août 2019, traduit de l’anglais par Nicolas Richard, 480 pages, existe en poche.

L’autrice est mexicaine, j’inclus donc cette lecture dans le mois latino-américain, chez Ingannmic. Pour le book-trip mexicain chez A girl from earth, nous avons fait lecture commune, avec Fanja et Stéphanie.

35 commentaires sur « Valeria Luiselli, Archives des enfants perdus »

  1. Je l’ai acheté quand il est sorti en poche, suite à un avis très enthousiaste, et puis je m’en suis débarrassée sans même le lire, suite à plusieurs billets mitigés (oui, je suis très influençable…). Ton enthousiasme modéré me conforte dans ma décision..

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  2. En te relisant, je me rends compte qu’on a vraiment ressenti les mêmes choses aux mêmes moments en cours de lecture, et je trouve ça amusant de les voir exprimer un peu différemment malgré tout. J’aime bien ta mention « d’agacement » et de « passages fumeux », je visualise très très bien.:) Et le changement de narrateur a été un soulagement pour nous deux visiblement.^^ Bien d’accord avec toi, ce n’est pas un mauvais roman, loin de là, mais le traitement du sujet était tout de même ambitieux et aurait gagné à plus de simplicité.

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    1. C’est amusant, oui, les lectures communes offrent souvent des points de vue différents, mais peut-être ce roman n’était-il pas assez « ouvert » pour que nous ayons des lectures différentes. Les romans laissent plus ou moins de place au lecteur…

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  3. Je l’ai commencé, j’étais perdue, en tout cas pas accrochée, je devais attendre autre chose, alors, abandon!

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    1. Sûrement, tu devais attendre autre chose, une histoire plus centrée sur les enfants migrants isolés, mais il faut beaucooooooup de patience pour y arriver ! 😉

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    1. Disons qu’il m’a fallu beaucoup de temps avant d’accrocher, et je trouve que cette construction éclatée, qui semble vouloir en mettre plein la vue au lecteur, ne sert pas vraiment le sujet.

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  4. Qu’est-ce que je me suis ennuyée dans ce roman !!! Fumeux et blablas … Le changement de narrateur m’a quand même permis d’aller jusqu’au bout, en survolant les pages vers la fin …

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    1. Je te comprends. Le changement de narrateur est bienvenu, mais un peu tard, et l’ensemble, trop ambitieux sans doute, ne m’a pas vraiment convaincue.

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    1. D’autres lecteurs ont apprécié ce travail de recherche au niveau de la forme… Il vaut tout de même mieux ça qu’un livre bâclé ou bourré de clichés !

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