Thomas B. Reverdy, Il était une ville

iletaitunevilleRentrée littéraire 2015
L’auteur :
Thomas B. Reverdy, né en 1974, obtient l’agrégation de lettres modernes en 2000 et enseigne depuis dans un lycée. Ses trois premiers romans, La Montée des eaux, Le Ciel pour mémoire et Les Derniers Feux, constituent une sorte de cycle poétique. Ils abordent les thèmes du deuil, de l’amitié et de l’écriture. En 2010, il publie L’Envers du monde. En août 2013, Les évaporés est retenu dans la sélection de plusieurs prix et reçoit le Grand Prix de la Société des gens de lettres.
268 pages
Éditeur : Flammarion (août 2015)

Je n’ai ordinairement aucune propension à enchaîner les romans d’un même auteur, même à les faire suivre à quelques temps l’un de l’autre. La pire crainte de la lectrice boulimique (parmi beaucoup d’autres) à savoir celle d’être déçue par le deuxième ouvrage m’empêche de tenter cette expérience contre-nature. Et pourtant, je l’ai fait avec Il était une ville, même pas quinze jours après Les évaporés
La mondialisation n’est pas un thème romanesque qui déchaîne mon enthousiasme, le thème de la disparition volontaire me parlait bien plus dans Les évaporés, mais pourtant la petite musique des mots de l’auteur est bien là, et les personnages ont de la chair, de l’épaisseur. J’aime les retrouver au fil de la construction éclatée qui les remet sur le devant de la scène l’un après l’autre : le petit Charlie de douze ans, un gentil garçon qui n’a pour religion que ses copains, Georgia, la grand-mère de Charlie, Eugène, le jeune cadre français d’une entreprise de plus en plus fantôme, l’inspecteur Brown obsédé par les disparitions d’enfants, Candice la serveuse « au rire rouge et brillant ».
Le cadre extraordinaire est la ville de Detroit en déliquescence, usines fantômes, lotissements en voie de disparition, terrains vagues dont personne ne connaît la mesure, centres commerciaux vétustes. Là-bas, la zone est au centre-ville et les villas cossues le plus loin possible en banlieue.
Chacun des personnages, au début coincé dans son monde, sa bulle de solitude ou de dépression, va prendre pied dans des endroits de la ville qu’il ignorait, et ce faisant, aller vers l’autre, vers les autres. Le livre s’articule autour de la disparition de Charlie, mais constitue surtout le portrait d’une ville, d’une cité dédiée au taylorisme que la mondialisation a laissée de côté.
Je proclame donc réussies les retrouvailles avec cet auteur. Un peu moins de dépaysement qu’avec le Japon des évaporés, mais une belle balade aussi, pleine d’émotion et d’humanité.

Extrait : On voyait la tour, de l’autre côté des bâtiments industriels, où le Treizième Bureau était presque le seul étage éclairé. Ils étaient parvenus au bord de la Zone. Les rails se perdaient ensuite dans les broussailles et ils s’arrêtèrent.
Devant eux, soudain, il n’y avait plus rien. Une prairie dont on ne voyait pas le bout, plantée d’arbres et de quelques haies qui tenaient bon, autour de bâtiments effondrés. Le corridor de Packard débouchait dans une zone de friches tellement abandonnée qu’on aurait dit qu’elle n’était plus en ville. Personne ne devait jamais venir ici. Il n’y avait rien.


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Projet 50 romans, 50 états :
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43 commentaires sur « Thomas B. Reverdy, Il était une ville »

  1. Le hic, c’est que j’ai abandonné « les évaporés » pour cause d’ennui. Alors je ne vais pas foncer sur celui-ci, même si je suis prête à refaire une tentative.

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    1. Les deux se ressemblent tout de même pas mal, alors, je te conseillerais plutôt la prudence ; C’est amusant comme ce ne sont pas du tout les mêmes romans qui nous ennuient !

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    1. Oh, toi non plus… Je me souviens maintenant que les avis étaient un peu partagés, c’est pour cela que je l’ai attendu en poche… et ça a été un coup de cœur inattendu !

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    1. Je n’arrive pas non plus à savoir s’il te conviendrai ou non… Dis-toi que si tu participais au Goncourt des lycéens cette année, tu le lirais pour te faire une idée.

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    1. Cette ville me fait rêver, (je sais, c’est la misère qui a forgé ce paysage de désolation, mais ça a une beauté incroyable) et on sent que l’auteur aussi, ça m’a bien plu.

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  2. Je n’ai pas lu « les évaporés », du moins pour encore. C’est peut-être avec celui-ci que je découvrirai l’auteur (et cela me permettrait de faire d’une pierre deux coups en avançant dans mon challenge 50 états).

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  3. J’ai entendu parler de ce livre avec la rentrée (pas des Evaporés, mais je pense le trouver à la bibli ou en poche car tu dis qu’il est dispo) même si celui-ci m’attire plus, car j’ai vu un documentaire sur Détroit, transformée en ville fantôme mais qui aujourd’hui remonte la pente et devient un haut lieu de contre culture .. Dur dur avec tous les livres qui nous font de l’oeil !

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  4. Je te rejoins complètement. L’écriture de Reverdy est pleine de sensibilité, c’est d’ailleurs pour cela que j’y suis revenue après Les évaporés que j’avais moyennement aimé.
    Je publie probablement mon commentaire ce soir, pour plus de détail 😉
    (Sinon, j’aime beaucoup ton entrée en matière : comme toi, je n’enchaîne pas les livres d’un auteur : j’aime bien passer d’un univers à un autre, totalement différent.)

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