Erika Mann, Quand les lumières s’éteignent

quandleslumieresL’auteur : Erika Mann, est la fille de Thomas Mann, et la soeur de Klaus Mann. Elle est née à Munich en 1905. En 1933 quand Hitler arrive au pouvoir elle quitte l’Allemagne pour la Suisse d’abord puis pour les Etats Unis. Elle est correspondante de guerre pendant la guerre civile espagnole et pendant la seconde guerre mondiale elle travaille pour la BBC. Elle est la seule femme à couvrir le procès de Nuremberg. Le suicide de son frère et les attaques dont elle est l’objet lors de l’épisode du maccarthysme la poussent à revenir en Europe. Elle publie l’oeuvre de son père après la mort de celui-ci. Elle meurt en 1969.
355 pages
Editeur : Le Livre de poche (novembre 2012)
Traduction : Danielle Risterucci-Roudnicky
Titres originaux : When lights go down et Wenn die Lichter ausgehen

 
Dans la famille Mann, le prix Nobel de littérature est bien sûr le plus connu et pourtant, ce sont tout d’abord des nouvelles de son fils Klaus Mann que j’ai lues, et maintenant ce document de sa sœur Erika…
Elle y dresse le portrait d’une petite ville du sud de l’Allemagne en 1930 et le tableau qu’elle décrit est saisissant et prenant. On a beau savoir ce qui se passait dans les années 30 en Allemagne, la façon dont la vie quotidienne de chacun est touchée, des classes moyennes aux paysans pauvres, des commerçants aisés aux chefs d’entreprise, révèle des aspects méconnus et haïssables. L’absence de liberté individuelle était pratiquement totale, et ces nouvelles révèlent mieux que de grandes analyses comment il était difficile, pour ne pas dire insurmontable, de tenter de s’opposer aux nombreuses lois, plus iniques les une que les autres, qui régissaient le quotidien. Les commerces et entreprises déclarés pas assez rentables étaient obligés de fermer, leurs patrons envoyés pour travailler à l’armement de la nation, alors que le dit armement n’avait jamais auparavant été d’une aussi piètre qualité pourtant. Les exercices répétés et obligatoires d’entraînement pour tous, les restrictions de nourriture sous le prétexte que « les gens avaient mangé trop de viande », l’injonction d’avoir au moins quatre enfants pour ne pas passer comme anti-patriote, l’encouragement à la dénonciation, et bien d’autres lois particulièrement absurdes, dressaient des murs qui empêchaient de tenter la moindre réaction, opposition, combat.

Le texte en langue originale a été perdu, et le texte présent est une nouvelle traduction française à partir de la nouvelle traduction allemande qui est elle dérive du texte américain paru en 1940 ! La forme de ce livre est originale, dix nouvelles retracent des destins individuels, mais ce répondent et se complètent l’une et l’autre. Des documents d’actualité de l’époque, décrets, discours, articles de journaux rapportés par l’un ou l’autre des personnages confèrent une authenticité aux textes qui font froid dans le dos en général, et rassurent parfois sur la capacité humaine à réagir devant la folie organisée par un état.
Un document indispensable à garder dans sa bibliothèque !

 
Extrait : Je ne suis pas juif, murmura-t-il et il sursauta lorsque ses lèvres effleurèrent son poignet, et je ne suis pas non plus communiste, ni traître à ma patrie, et pourtant on veut m’anéantir. Pourquoi ? 

Ce n’est pas lui qui répondit, mais sa raison, au travail derrière son front : parce que la rationalisation de l’industrie allemande, conduite sur le schéma du réarmement national n’évalue les branches de l’industrie que selon leur valeur militaire, et parce que toutes ces branches de l’industrie, qui ne servent ni la militarisation du pays, ni l’entière autarcie économique, doivent être éliminées sans pitié.

 

Je remercie Le livre de Poche pour l’envoi de ce livre repéré tout d’abord chez Dominique.

 

 

14 commentaires sur « Erika Mann, Quand les lumières s’éteignent »

  1. Je l’avais noté à sa sortie, je le lirai un jour, dans la famille Mann, le père a longtemps pris le devant de la scène, avec que les deux enfants sont aussi fort intéressants.

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  2. Quelle famille, quelle force et quels destins pour ceux qui ont vécu ces temps tragiques. Un frisson à chaque fois que les extrêmes reviennent, une sorte d’épouvante, pourvu que jamais plus cela ne revienne.

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  3. Bonjour Choupynette, il faut que je découvre ce livre (qui est dans ma PAL) depuis un petit moment. De Klaus Mann, je te conseille « Le tournant » si tu ne l’as pas encore lu: remarquable comme témoignage. Un très grand livre. Bonne journée.

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