« Sa liberté n’avait jamais été qu’apparente, provisoire. Comme une friandise qu’elle aurait juste eu le droit de goûter avant qu’on la lui enlève définitivement. Pour des générations de femmes avant elle, la voie était encore plus nettement tracée et plus étroite. Soudain elles lui paraissaient plus heureuses. Elles au moins n’avaient jamais vécu dans l’illusion qu’elles pourraient déterminer leur vie, jamais éprouvé la déception de voir des portes ouvertes se refermer toutes d’un seul coup. Aucune des restrictions qu’elles subissaient ne relevait de leur responsabilité. C’étaient les circonstances qui ne permettaient rien d’autre.
Brida, par contre, avait choisi. Elle avait voulu ce mari et cet enfant, et au lieu d’être satisfaite elle voulait écrire. Plus que jamais, elle voulait écrire. »
Ce roman choral de l’autrice allemande Daniela Krien dresse cinq portraits de femmes vivant toutes dans la ville de Leipzig, en ex-RDA : qu’elles vivent seules ou non, qu’elles aient des enfants ou pas, elles sont toutes confrontées à des choix, à une vie qui ne ressemble pas forcément à celle qu’elles ont souhaitée, et dans laquelle elles se débattent. Ces cinq parties forment bien un roman, les personnages sont liés entre eux, se croisent ou font partie de la même famille ou du même groupe d’amis.
L’écriture de Daniela Krien est sobre, mais ses observations du monde actuel, et des positions des hommes et des femmes dans les couples, sont pleines de finesse. Son point de vue, résolument féministe, pose bon nombre de questions. Ces femmes étant issues de milieux assez privilégiés n’ignorent rien de leurs droits, mais se rendent compte que la société, ou leurs conjoints ou leurs familles, attendent d’elles toujours autant que de leurs mères ou de leurs grands-mères, et qu’il n’est pas si simple de cumuler vie de couple, travail, bonheur des enfants et vie culturelle.
Le constat formulé par l’autrice n’est pas rose, loin de là. Des drames touchent parfois ces femmes de près, et là encore, l’autrice fait le constat d’un fossé profond qui scinde le couple en cas de deuil ou de maladie. En arrière-plan, le choix d’une ville située autrefois en Allemagne de l’Est n’est pas anodin, et pointe certains aspects, positifs ou non, de la Réunification, comme dans le roman de Bernhard Schlink, lu précédemment.
En bref, c’est une lecture qui ne manque pas d’intérêt, mais j’avoue qu’un mois après, elle s’efface déjà : ce qui n’arriverait pas si je lisais moins, sans doute !
L’amour par temps de crise de Daniela Krien, (Die Liebe im Ernstfall, 2019) éditions Albin Michel, août 2021, traduction de Dominique Autrand, 336 pages.
Ailleurs : Alex n’est pas trop convaincue, Laure s’avère plus emballée et Sacha émet une légère réserve…
Pour prolonger la découverte de cette autrice, je lirais bien L’incendie, repéré chez Eva.
Les Feuilles allemandes sont sur Livr’escapades et Et si on bouquinait.
J’aime bien les intrigues qui se déroulent en ex-RDA (romans ou films) car le sujet me pose entre beaucoup de questions. Sinon ces histoires de femmes m’ont fait penser à un autre livre. Il s’agit de « Mon cher mari » de Rumena Bužarovska, un recueil de nouvelles d’une autrice macédonienne.
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Je pense aussi à un recueil de nouvelles d’une autrice américaine d’origine ukrainienne : L’an prochain à Tbilissi.
Bon, pour Daniela Krien, il ne s’agit pas vraiment de nouvelles, quoique… 😉
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Je pense que c’est vraiment un bon livre, mais quand on lit beaucoup, ce sont les très, voire les très bons livres qu’on retient et qui nous marque.
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Tu as raison, et aussi l’aspect roman choral qui n’aide pas à garder un souvenir aussi précis que dans un roman classique.
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A priori, ce roman ne me tentait pas tellement (je ne suis pas très portée sur les histoires de couples) mais j’apprécie les romans se déroulant dans l’ex-RDA. A voir donc.
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Les histoires de couple dominent tout de même l’aspect sociétal concernant l’ex-RDA…
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Alors je passe. Sans regret.
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On ne sait pas forcément pourquoi un livre nous reste en mémoire et pas un autre. Celui-ci est à la bibliothèque mais seulement consultable sur place .. autant dire qu’ils ne l’ont pas.
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Un roman consultable sur place ??? Voilà qui est bien étrange !
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ll y a des mystères non résolus dans mes bibliothèques, résultat d’un changement d’équipe municipale et d’une médiathèque qui n’a jamais ouvert .. pas moyen d’avoir de renseignements plus précis. Tu connais l’administration … des livres sont restés coincés quelque part et n’en bougeront pas apparemment.
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comme toi Kathel , je m’étonne c’est quoi des livres consultables sur place , on veut que les lecteurs restent dans le bibliothèques pour lire ?
sinon je ne suis pas tentée par ce livre sans trop savoir pourquoi
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Heureusement, toutes les chroniques n’apportent pas que des tentations ! 😉
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Un roman consultable sur place? Etonnant. Ou alors il n’appartient pas totalement à la bibli?
Ici j’ai vu un livre mis dans le fond patrimonial (autant dire qu’il n’a quasi aucune chance d’être lu) alors qu’il parle d’une page d’histoire générale française, l’auteur est du coin, alors c’est peut être la raison?
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Keisha, non ce n’est pas ce cas de figure-là, c’est plus nébuleux. Je vais me contenter de dire que les rouages n’ont pas l’air très huilés dans mes bibliothèques, on sent un fonctionnement lourd et assez opaque. Je reposerai quand même la question mardi, pour voir.
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Un bon roman mais pas incontournable visiblement. C’est vrai qu’on lit beaucoup. J’oublie assez vite les détails de certaines de mes lectures après trois mois…
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C’est finalement ce qui différencie les bons romans des coups de cœur : le souvenir !
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Mmouais, si l’aspect sociétal n’est qu’en arrière plan, je passe … A moins que la charge mentale des femmes en RDA ne soit très différente de la nôtre ?
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Non, ce roman ne donne pas l’impression qu’elle soit très différente…
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à voir peut-être si je le trouve à la bibli!
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C’est ce que je conseillerais plutôt qu’un achat.
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Tu ne vas quand même pas te reprocher de lire trop ? 😉
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Je me reproche surtout d’oublier beaucoup… sauf les écrits vraiment remarquables.
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Comme toi, j’avais aimé suivre ces femmes. Mais force est de constater qu’elles ne me sont pas resté en mémoire.
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Nous avons cette même impression de fugacité…
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Ah, j’avais repéré ce roman lors de sa sortie (je l’avais oublié depuis, tu me le rappelles)… Mais si tu dis qu’il s’efface vite, y’a peut être pas urgence…
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Ou peut-être trouveras-tu un autre roman de cette autrice ?
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J’aime beaucoup cette autrice dont j’ai lu deux titres (et demi car j’ai bien commencé celui-ci mais n’ai pas pu le finir faute de temps). « Un jour nous nous raconterons tout » parle de l’adolescence au moment de la chute du Mur, puis « L’incendie » m’a vraiment beaucoup touchée. Si Daniela Krien continue ainsi, son prochain roman devrait parler de l’âge de la retraite 🙂 Je pense que les titres toucheront leurs lectrices différemment selon leur âge ou la période de la vie dans laquelle elles se trouvent et je suis d’accord avec toi pour ses observations pleines de finesse.
Merci de ta participation 🙂
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Je compte continuer avec Daniela Krien, à ajouter à ma liste d’auteurs germanophones à suivre. Qu’elle s’intéresse à différents âges de la vie est un bon point, elle n’a pas l’air du genre à écrire toujours le même roman ! 😉
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