« C’est donc comme ça qu’on se sentait, pensa-t-il, quand on est à la merci de quelqu’un, soi-même, sa femme ou sa fille ? Impuissant, et la colère ne détruit pas l’autre, elle vous déchiquette vous. »
Kaspar, libraire à Berlin, vient de perdre sa femme Birgit, rencontrée en 1964, lorsqu’il était étudiant. Birgit avait toujours semblé fragile, déracinée, incapable de trouver la sérénité depuis son départ mouvementé de RDA, pour rejoindre Kaspar à l’Ouest… Elle voulait écrire, mais n’avait jamais publié. Kaspar finit donc par essayer de trouver des réponses dans les nombreux écrits que laisse son épouse, carnets, notes diverses, et découvre qu’elle avait eu un enfant, une fille laissée à l’adoption avant son départ. Il décide de faire ce que Birgit aurait voulu faire, la retrouver pour écrire enfin leur histoire, celle d’une mère et d’une fille de part et d’autre d’un mur qui a fini par tomber.
« Si l’on vit dans un pays sous un mauvais régime, on espère un changement, et un jour il advient. A la place du mauvais régime, un bon se met en place. Quand on a été contre, on peut de nouveau être pour. Si l’on a dû s’exiler, on peut revenir. Le pays, pour ceux qui sont restés et pour ceux qui sont partis, est à nouveau leur pays, le pays dont ils rêvaient. La RDA ne deviendra jamais le pays dont on rêvait. Elle n’existe plus. Ceux qui sont restés ne peuvent plus se réjouir. Ceux qui sont partis ne peuvent pas y revenir ; leur exil est sans fin. D’où le vide. Le pays et le rêve sont perdus irrémédiablement. »
La première partie du roman suit Kaspar et ses recherches, et donne la parole à Birgit, au travers de ses écrits, carnets et feuillets épars. La seconde, plus longue et étoffée, est celle de la rencontre entre le libraire et la famille de Birgit. Malgré un accueil plutôt glacial de la part des parents de Sigrun, extrémistes de droite, nationalistes et antisémites, il s’attache à la petite-fille de sa femme, une adolescente de quatorze ans, intelligente et sensible, bien qu’imprégnée par la culture « völkisch » de sa famille. Il réussit à obtenir de la voir le temps des vacances, et, sans essayer de la convaincre par de grands discours, tente de lui faire connaître autre chose, des livres, de la musique, des arts.
Ce roman d’une rencontre est très beau, subtil et captivant, malgré quelques petites maladresses dans la description psychologique des personnages. Ou alors est-ce moi qui ai du mal à imaginer comment peut parler et se comporter une toute jeune fille issue d’un milieu très fermé et « protégé », d’une certaine manière ? La narration de leur relation va toutefois s’affiner, se complexifier, sans tomber dans la facilité.
Outre cette relation grand-père/petite-fille si intelligemment racontée, tout ce qui concerne la façon dont la Réunification a été vécue par les ex-habitants de la RDA est vraiment passionnant. Je n’avais jamais lu sur ce sujet auparavant, ou pas de ce point de vue en tout cas. L’ensemble forme un texte vraiment marquant, pour moi plus impressionnant que Le liseur, si réputé, ou que Le week-end, que j’avais beaucoup aimé.
La petite-fille de Bernhard Schlink (Die Enkelin, 2021) traduction de Bernard Lortholary, 352 pages.
Bernhard Schlink sur le blog : Couleurs de l’adieu, Mensonges d’été, La femme sur l’escalier, Olga.
D’autres avis :
Aifelle, Alex, Eva, Marilyne et Sibylline.
Lu pour les Feuilles allemandes 2023.
Tu sembles tout à fait séduite et me convaincs qu’il faut que je retourne vers cet auteur.
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C’est mon préféré de l’auteur dont j’ai lu pas mal de romans et nouvelles.
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Je ferai paraître un billet sur ce livre que j’ai beaucoup apprécié mou aussi. Je suis entièrement d’accord avec ce que tu écris et cela m’a fait revivre cette belle lecture.
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Au plaisir de te lire bientôt, alors ! (et de compter les coquillages) 😉
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Je n’avais jamais lu non plus de cette façon là sur ce que c’était d’être « de l’Est ». Globalement je garde un bon souvenir de cette lecture, même si j’ai relevé aussi les maladresses et les redites parfois. C’est peu au regard de l’intérêt de l’histoire.
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Voilà, ce sont quelques petites choses sur lesquelles on ne s’attarde pas.
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Il est prévu que je le lise aussi ce mois-ci. Au vu de ta conclusion, j’ai encore plus hâte de le lire enfin. Merci pour ta participation!
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Je t’en prie ! Je serai curieuse de lire ton avis !
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Lu sans billet, j’avoue m’être parfois ennuyée, et passionnée à d’autres endroits.
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Vraiment ? Pas d’ennui pour moi, mais bon, chaque lecteur est différent.
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J’ai moi aussi aimé son humanité et ces relations transgénérationnelles décrites avec beaucoup de finesse.
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Les relations entre grand-parent et petit-enfant sont rarement décrites, et celles-ci sont exceptionnelles à plus d’un titre.
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Je suis dans un autre roman où il est aussi question des conséquences à plus ou moins long terme de la RDA et de la réunification. La petite fille pourrait être un bon prolongement. Je l’ai évité jusqu’à maintenant parce que je n’ai pas spécialement aimé Le liseur, mais je vois que c’était ton cas aussi et que cela ne t’a pas empêchée d’apprécier ce roman-ci.
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Rien à voir avec Le liseur, dont je ne me souviens plus trop bien, mais qui m’avait un peu lassée.
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Je n’ai pas encore lu cet auteur pourtant c’est pas faute d’avoir noté plusieurs de ses titres mais ils sont toujours empruntés dans ma médiathèque…merci pour ton ressenti
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Il semble très apprécié à ta médiathèque, tant mieux. J’espère que tu pourras le découvrir très bientôt.
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Comme toi j’ai trouvé le roman vraiment excellent et son meilleur je trouve de tout ce que j’ai lu
C’est l’Allemagne d’aujourd’hui avec ses travers mais aussi sa capacité à savoir se remettre en question
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Tu le résumes fort bien… il m’a fait forte impression.
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Je viens d’emprunter le livre à la bibli et c’est le prochain sur ma pile à lire. Du coup, j’ai lu ta chronique en diagonale pour ne pas être trop influencée. Je la relirai après avoir terminé le roman
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Attendons donc de voir ce que tu en penses ! 😉
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» sans tomber dans la facilité « , c’est ce qui m’a marqué aussi. Et comme toi, je n’avais jamais croisé ce sujet. Une lecture qui reste, je te rejoins.
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Je n’en savais pas trop avant de commencer et j’ai beaucoup apprécié la tournure que l’auteur donne à ce sujet complexe.
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Comme toi, j’ai aimé lire sur la réunification allemande pas si simple.
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Intéressant, et bien fait !
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Pour l’instant, je n’ai toujours que Le liseur au compteur… Je lis trop peu d’auteurs de langue allemande, c’est certain…
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Je trouve de plus en plus d’intérêt à cette littérature, contemporaine ou un peu plus classique.
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Je n’ai lu que Le liseur et ça remonte. Ce serait l’occasion de revenir à cet auteur.
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Tu verras sans doute son évolution entre Le liseur et les titres plus récents.
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Merci pour le lien ! 😉 Je vois que tu partages mon enthousiasme pour ce roman si sensible et intelligent.
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Cela a vraiment été une belle lecture.
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J’ai remarqué ce livre et j’ai envie de le lire. Tu as vu le très beau film Good by Lénine sur la chute du mur et l’amour d’un fils pour sa mère ? Les allemands de la RDA n’ont pas toujours été bien accueillis à l’Ouest.
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J’ai vu ce film, oui, même s’il commence à s’effacer un peu avec le temps ! Il y a beaucoup de facettes intéressantes à la Réunification.
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J’avais lu Le liseur à sa sortie. Je dois dire que je n’en conserve aucun souvenir, mais celui-ci semble intéressant.
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Je n’en ai plus grand souvenir non plus, mais je suis sûre que je n’avais pas éprouvé de coup de coeur. Alors que là, j’en suis tout près !
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J’ai vraiment aimé la première partie – tout ce qui touche à la RDA m’intéresse en général. La deuxième partie m’a un peu ennuyée – je n’ai pas eu beaucoup d’empathie pour les personnages, leurs réactions m’ont souvent étonnée. Mais le sujet (pas très souvent traité) de l’extrême droite en Allemagne était très intéressant.
Merci beaucoup pour cette participation 🙂
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Pas d’ennui de mon côté, mais il est vrai que les réactions des personnages étaient parfois un peu surprenantes… sans que ça me gêne, je les ai déjà oubliées.
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Beaucoup aimé aussi.
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🙂
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J’avais beaucoup aimé « le liseur » mais je n’ai rien lu d’autre depuis de cet auteur. Celui-ci est très tentant !
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C’est un auteur vers lequel je reviens régulièrement et qui ne me déçoit que très rarement.
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Je ne connais qu’Olga de cet auteur, que j’ai beaucoup aimé et j’ai prévu de lire Le liseur dans les prochains jours.
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Bonjour Kathel, décidément il faut que j’arrive à lire ce roman avec toutes les bons échos sur les blogs. J’avais aimé Olga et le Liseur. Bon dimanche.
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Tu devrais aimer ce roman, alors. J’espère que tu pourras le lire à ton tour.
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