Lectures américaines (septembre 2021)

Le mois américain me manque cette année, il n’a pas eu lieu sur le blog Plaisirs à cultiver pour diverses raisons (mais il reviendra l’année prochaine, tout comme reviendra le Festival América de Vincennes !) aussi me suis-je plongée tout de même dans ma pile à lire états-unienne, et dans les rayons de la médiathèque, en y trouvant plus ou moins de raisons de me réjouir. Je regroupe ici plusieurs livres, avec mon ressenti en bref.

Ron Rash, Un silence brutal, éditions Folio, 2019, 257 pages, traduction d’Isabelle Reinharez.
« Dans une zone aussi rurale que la nôtre, tout le monde est rattaché à tout le monde, si ce n’est par les liens du sang du moins de quelque autre façon. Dans les pires moments, le comté ressemblait à une toile gigantesque. L’araignée remuait et de nombreux fils reliés les uns aux autres se mettaient à vibrer. »

Pour raconter une histoire sombre se déroulant autour d’une rivière à truites des Appalaches, Ron Rash alterne les voix de deux narrateurs : Les, le shérif proche de la retraite et Becky, guide nature et poétesse à ses heures. Tout m’a plu dans ce roman, le contexte social et géographique, les moments dramatiques même, m’ont donné envie de rester plus longtemps entre ces pages. Peut-être pas le plus marquant des textes de Ron Rash, mais tout de même, quel auteur !

Chloe Benjamin, Les immortalistes, Livre de poche, 2019, 512 pages, traduction de Florence Marteau
« Elle sait depuis toujours qu’elle est destinée à être un pont, un pont entre la réalité et l’illusion, entre le présent et le passé, entre ce monde et le suivant. Il lui suffit de trouver comment y parvenir. »

A l’été 1969, quatre frères et sœurs habitant New York vont consulter une voyante qui leur prédit la date respective de leur mort. Chacun garde l’information pour lui-même, mais toute leur vie va se trouver perturbée par ce présage, à commencer par Simon qui rompt avec la voie tracée par ses parents.
Malheureusement, je n’ai pas accroché à ce roman, son style « young adult » et sa narration au présent ne favorisaient pas l’immersion.
Il a manqué, de mon point de vue, une dimension psychologique aux personnages, ou alors une touche d’originalité supplémentaire. Je les ai trouvés plats et n’ai pas été impressionnée par leur destin. Et pourtant quelle idée de départ !

Ann Beattie, L’état où nous sommes Nouvelles du Maine, éditions Christian Bourgois, 2016, 240 pages, traduction d’Anne Rabinovich.
« Sur la plage, seules Angie, la jolie fille, et Zelda, sa meilleure amie, se tenaient là où l’eau rencontre le sable, Zelda, l’une des écharpes théâtrales de sa mère flottant autour de son cou comme si elle aspirait à être pendue. »

Cinq nouvelles assez courtes de ce recueil ont eu raison de ma patience. Elles ne sont pas porteuses de sujets intéressants, ne contiennent pas une once de sympathie pour des personnages qui s’agitent sans qu’on sachent bien pourquoi. L’écriture ne rattrape en rien le vide des textes. Les digressions sont aussi nombreuses qu’inintéressantes, les descriptions inexistantes ou réduites à des listes sans queue ni tête. Ces nouvelles sont un parfait exemple, semble-t-il, du style « réalisme sale », et j’espère de tout cœur qu’il en existe de meilleurs représentants.

Amy Jo Burns, Les femmes n’ont pas d’histoire, éditions Sonatine, février 2021, 304 pages, traduction d’Héloïse Esquié.
« Saisir des serpents, c’était biblique. Les manipuler, c’était un numéro de foire. »

Ce roman, présenté comme un roman noir appalachien vu du côté des femmes, et selon la quatrième de couverture, qui « dépeint la lutte de deux générations de femmes pour devenir elles-mêmes dans un pays en pleine désolation » possède un style qui intrigue dès les premières pages. Tout y est fait pour avoir envie de continuer même si, très vite, j’ai commencé à me dire qu’une succession de moments « bizarres » ne constituait pas un roman… Au travers de la jeune Wren et de son père, j’ai découvert l’existence des prêtres manipulateurs de serpents, mais eu aussi l’impression d’être manipulée moi-même. L’ensemble, même si j’ai parcouru la fin en diagonale, me laisse un goût morbide et je ne suis pas du tout convaincue par les personnages, ni par l’écriture qui est au service d’une émotion que je trouve préfabriquée.

Iain Levison, Un voisin trop discret, éditions Liana Lévi, mars 2021, 220 pages, traduction de Fanchita Gonzalez Battle.
« Autrefois, il fallait s’y connaître vraiment dans un domaine avant de s’autoriser à critiquer les autres. Maintenant, vous pouvez protester contre la vue que vous avez de votre Airbnb, ou parce que quelqu’un a mis trop de pignons dans votre salade, ou discourir sur l’imprudence de votre chauffeur Uber, et être totalement ignorant n’est pas un problème. »

Jim, très discret chauffeur Uber d’une soixantaine d’années, rencontre sa nouvelle voisine et sort un peu de sa réserve… Elle est mariée à un militaire en mission, et requiert parfois l’aide de son voisin. D’autres personnages apparaissent, et, comme tous les romans de Iain Levison, celui-ci est bien agencé, avec une mécanique qui roule parfaitement, mais n’empêche jamais d’éprouver de la sympathie pour les personnages, enfin, pour certains d’entre eux, et de craindre pour leur avenir.
Une lecture réjouissante, jusqu’à une fin des plus inattendues !

Peter Heller, La constellation du chien, éditions Actes Sud, 2013, 414 pages, traduction de Céline Leroy.
« Il n’y a personne à qui le raconter et pourtant il semble très important de trouver les mots justes pour le dire. La réalité et ce que ça fait de lui échapper. Même encore aujourd’hui, c’en est parfois insupportable tant c’est beau. »

Sur le tarmac d’un aéroport, quelque part près de Denver, vivent deux hommes très dissemblables, et cela depuis neuf ans, après que la maladie a emporté la plupart de leurs contemporains, et que ceux qui restent sont le plus souvent animés de mauvaises intentions. Bangley n’hésite jamais à tirer pour leur défense, quant à Hig, il chasse, pêche et cultive un jardin, quand il ne part pas voler avec son chien dans son petit avion.
Ce roman qu’on peut qualifier de post-apocalyptique, est le premier que je lis de Peter Heller, et c’est mon favori de cette sélection ! Pas de longueurs mais des successions de rythmes très différents, soit que le narrateur se repose sur la répétition des jours, soit qu’il rapporte un moment plus précis et plus animé.
Le ton et le style d’écriture possèdent quelque chose de particulièrement attachant, cette langue très naturellement poétique de l’auteur donne grande envie de lire un autre de ses romans pour voir comment il a su s’adapter à un sujet différent. Quelques jours après l’avoir fini, ce roman restait si vivace que j’avais envie de retourner dans son atmosphère, pourtant a priori pas folichonne !


Et vous, avez-vous lu ou l’intention de lire certains de ces romans ?

56 commentaires sur « Lectures américaines (septembre 2021) »

  1. Je n’en ai lu aucun mais je suis assez tentée par le Ian Levison car j’avais bien aimé « Pour services rendus » et « Arrêtez-moi là ! ».
    Dommage pour le livre d’Ann Beattie ! J’avais apprécié « Promenades avec les hommes » mais ce que tu dis de ce recueil de nouvelles n’est pas encourageant !
    Côté lectures américaines, je viens de lire « Indian Creek » de Pete Fromm, une expérience de vie en pleine nature à la frontière de l’Idaho et du Montana qui m’a embarquée !

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    1. Ce Levison est tout à fait dans la continuité des deux que tu as lus, aussi agréable à lire. Quant à Ann Beattie, je crois que la découverte s’arrêtera là !
      Indian Creek est un de mes excellents souvenirs de lecture ! Je n’aime pas tout de Pete Fromm, mais là j’ai adoré cet hiver dans les Rocheuses.

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  2. Le festival America me manque beaucoup. J’espère qu’il sera là enfin l’an prochain. Je note le Peter Heller. Je n’ai pas lu Ron Rash depuis un bon moment, je pourrais m’y remettre avec celui que tu présentes. Et Ian Levison bien sûr. Pour le reste, je peux m’en passer je crois.

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  3. Le Levison bien sûr!
    Oui, on attend le festival America.
    Le mois américain, je ne fais plus, ou alors toute l’année. ^_^ Le blog Plaisirs à cultiver a disparu de mes radars, sans doute lorsque mon agrégateur de flux a lâché. Pfff. Il aurait suffi qu’elle vienne chez moi pour que je réalise et réagisse, en fait. Parfois compliqué de garder des liens avec des blogs…

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    1. Je peux dire aussi que je fais un peu le mois américain toute l’année, mais j’avais envie de marquer le coup tout de même.
      Quant aux blogs qui disparaissent des radars, ça m’arrive aussi, et parfois, d’en retrouver que je n’avais pas lus depuis des années !

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  4. Je n’ai lu que le Ron Rash, que j’avais bien aimé, même si ce n’est pas effectivement, le titre le plus secouant de l’auteur, (vivement le prochain d’ailleurs … )
    Je retiens La constellation du chien pour une future découverte de l’auteur mais pas le Levison, rien à faire, je n’accroche pas avec cet auteur.

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  5. J’ai lu deux romans de Ron Rash : Par le vent pleuré (le premier et pas trop emballé) puis Un pied au paradis que j’ai beaucoup aimé. Les femmes n’ont pas d’histoire lors de sa sortie m’a beaucoup intrigué, je l’avais mis dans ma liste d’envies et l’envie est passée et à te lire je ne regrette pas 🙂

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    1. Un pied au paradis est vraiment superbe. Il y a aussi Une terre d’ombre, magnifique, et Serena, que tout le monde n’aime pas, mais qui m’a marquée. (mais été déçue par le film).
      « Les femmes n’ont pas d’histoire » est intéressant par son sujet, mais je n’ai pas aimé la façon dont c’est « mis en scène ».

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    1. J’ai fait une petite entorse à propos de Iain Levison : il est écossais mais a vécu aux Etats-Unis où il situe tous ses romans… Contrairement à Peter Heller que je découvre, je crois que j’ai lu tout ce qui est traduit de Iain Levison !

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  6. Tu as lu pas mal, j’admire ! Je me rends donc compte qu’il est plus que temps de continuer la découverte de Ron Rash (un seul lu jusqu’à présent) et d’enfin lire Ian Levison ! Sinon je ne connaissais aucun des autres…

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    1. J’ai dû commencer fin août pour publier tout en septembre, mais j’ai eu la flemme d’écrire un billet pour chacun… bref, rien de très glorieux ! 🙂 Tu as noté deux parmi les plus recommandables, mais il y a Peter Heller aussi !

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  7. Que de lectures. J’attends aussi Festival America. Quelques titres américains m’attendent, dont Peter Heller il me semble. Je suis complètement passée à côté de ce roman de Ron Rash que je n’avais pas lu depuis longtemps, une déception.

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    1. Il me semblait bien que c’était ce Ron Rash que tu n’avais pas aimé… J’y suis entrée sur la pointe des pieds, et finalement, ai complètement adhéré. Je te conseille Peter Heller, en tout cas !

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  8. Encore jamais lu Ron Rash, il va vraiment falloir que je comble cette lacune. De mon côté, je suis plus enthousiaste que toi pour le roman d’Amy Jo Burns. Et de Peter Heller, La rivière m’attend, j’ai hâte de découvrir sa plume !

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    1. Je sais que le roman d’Amy Jo Burns a beaucoup plu, mais ça a déjà dû t’arriver, quand dès le début, on n’est pas dedans, on n’y croit pas, et après ce décalage est impossible à rattraper… Bref, je conseille plutôt Peter Heller, mais ce n’est que mon avis ! 😉

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  9. Je suis ravie car celui que tu as préféré se trouve dans ma PAL.
    Je n’ai pas encore lu Ron Rash mais j’y compte bien (avec un autre que celui-ci).
    Quand à Iain Levison, j’avais adoré de lui « un petit boulot » alors je note celui-ci !

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  10. Le Levison me tente bien, d’autant que en ce moment j’accumule les déceptions en lecture..et les abandons. D’où le manque flagrant des billets sur le blog ces jours -ci!

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    1. Ce n’est pas non plus une très bonne période pour moi en ce moment. Beaucoup de livres « mis de côté » dont je ne parle pas. J’ai fait exception pour les quelques romans américains de ce billet qui ne m’ont pas emballée.

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  11. Moi qui ne suis déjà pas une grande fan de littérature américaine, on ne peut pas dire que tu me pousses beaucoup à la consommation 😀 Même si certaines de ces lectures t’ont séduite.
    En tout cas, je découvre la notion de « réalisme sale » : un joli petit nom pour un mouvement avec lequel ton commentaire m’incite à garder quelque distance !!!

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  12. Beaucoup de déceptions… mince!
    J’aime beaucoup Ron Rash et il me semble avoir ce titre en stock dans ma PAL. Je compte découvrir bientôt la plume de Peter Heller !

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  13. Bonjour Kathel, je confirme que le Iain Levison est une lecture très sympathique tout comme l’écrivain que j’ai eu la chance de croiser au moins deux fois dans des salons du livre. Bonne journée.

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  14. J’ai beaucoup aimé « les femmes n’ont pas d’histoire » mais j’ai été un peu déçue par le livre de Ron Rash (bien qu’il reste pour moi un auteur incontournable)
    Daphné

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