David Lefèvre, Solitudes australes

solitudes-australesL’auteur : Né en 1973, David Lefèvre interrompt ses études à 20 ans après une licence d’histoire-géographie pour s’en aller chercher ses humanités sur les routes : Amérique du Nord, Proche-Orient, Asie centrale, Asie du Sud-Est… Il alterne voyages au long cours et boulots alimentaires dans divers pays d’Europe pour se frotter à la réalité du travail précaire. Il effectue en 2003 un premier séjour en Amérique du Sud. Entre 2005 et 2010, son exploration se prolonge vers les forêts et les steppes de la Patagonie et de la Terre de Feu. Entre 2010 et 2012, il réside au Chili où il exerce une activité de photographe avant de s’installer au bord d’un lac de l’île de Chiloé. David Lefèvre est l’auteur de Solitudes australes, Chronique de la cabane retrouvée et Aux quatre vents de la Patagonie, En route pour la Terre de Feu.
177 pages
Editeur : Transboréal (2012)

David Lefèvre, en parallèle avec divers emplois alimentaires, est parti à travers le monde. Parmi ses nombreuses rencontres, un ami qui propose de lui prêter un terrain avec une cabane au bord du lac Huillinco, sur l’île chilienne de Chiloé, pour y passer plusieurs mois. Il y restera et tiendra un journal de bord de septembre à avril, du printemps à l’automne. La cabane nécessite une remise en état, et l’auteur se donne à fond dans les travaux manuels, menant aussi à bien la création d’un potager dans la forêt avoisinante. J’ai aimé sentir la nature qui entoure la cabane, les averses, voire les tempêtes qui la frappent, et les petites bêtes diverses et aussi plus grosses, qui signalent à l’auteur que c’est leur territoire.
J’ai un peu moins apprécié les réflexions philosophiques, enfin certaines d’entre elles me parlaient, mais pas toutes, ce qui est bien normal, et chacun devrait y trouver phrases à relever et matière à réfléchir sur son propre rapport à la nature.
La solitude, la proximité immédiate de l’environnement poussent évidemment à se poser des questions sur la vie, sur l’homme et la nature, sur la société de consommation, mais, et l’auteur note bien qu’il faut revenir à la réalité, comment croire que ce mode de vie puisse convenir à tout le monde et être extensible à l’infini ? Si j’imagine les forêts envahies de cabanes, et d’individus attirés par cette forme de pauvreté volontaire, je ne suis pas certaine que l’environnement et la nature s’en porteraient mieux. Cela fonctionne si ça reste assez marginal. Vu la population terrestre, éviter de construire et d’habiter les villes paraît une douce utopie.
Davantage que les considérations philosophiques, j’avoue avoir préféré les portraits des voisins du narrateur, à quatre pattes ou à deux, ces derniers n’étant pas forcément les plus civilisés, et aussi les évocations du climat et des paysages, côté lac, comme côté océan, et le cahier de photos à l’intérieur qui permet de se représenter les lieux. Pour moi l’aspect voyage immobile et le cadre unique de l’île de Chiloé sont un peu frustrants, mais j’en retiendrai de très beaux passages où l’auteur réussit vraiment à faire partager son expérience et sa réflexion.

Extrait : Remonter un chemin d’eau vers sa source ou l’accompagner vers l’océan est une des choses les plus enivrantes qui soient. Vous longez une rive, vous suivez une berge, et le trouble délicieux du plongeon dans l’inconnu s’installe en vous. À mesure que vous progressez vers l’amont ou vers l’estuaire, la vie a soudain de grands territoires devant elle. C’est ce que j’ai ressenti en progressant vers le Pacifique.
À l’embranchement des rivières, j’entendais l’eau gicler au pied des versants. Au débouché du Rio Notué, des poissons et leurs dos étincelants frôlaient la surface à hauteur des berges. C’était des saumons gros comme ma cuisse pressés d’avaler la rivière nageoires repliées.

Les lectures de Chinouk, Dominique, Hélène, Keisha et Marilyne qui m’ont donné envie de me retirer dans une cabane au Chili ! Ceci est ma (première) participation au projet non-fiction de Marilyne.

28 commentaires sur « David Lefèvre, Solitudes australes »

  1. Je partage tes bémols sur la radicalité du choix de vie. De cette lecture, j’ai beaucoup apprécié la plume, ce  » voyage immobile  » qui emmène vraiment le lecteur sur l’île. D’après ce que j’ai lu par la suite, David Lefèvre est maintenant très engagé dans la défense de l’environnement de la Patagonie ( notamment contre la construction d’un barrage ). C’est Keisha la spécialiste du sujet 🙂

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    1. J’aurais peut-être dû choisir son autre livre Aux quatre vents de la Patagonie. Ce sera pour une autre fois ! J’apprécie ce que tu m’apprends au sujet de son engagement.

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  2. C’est drôle, dans mes lectures romans actuelles, la nature occupe une grande place et j’y suis très sensible (Il pleuvait des oiseaux, Un ciel rouge, le matin et… Les bois de Sawgamet !) Tu me donnerais bien envie de tester ce genre de lecture. J’étais en Patagonie avec le roman reçu pour la rentrée littéraire d’ailleurs. Je veux bien y retourner… 😉 (et je suis contente que tu participes aussi au projet Non-Fiction !)

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    1. C’est sympa le projet non-fiction pour sortir un peu de ses sentiers battus… Là, je n’ai pas pris trop de risques, mais en même temps, je n’accroche pas forcément avec les récits de voyages, ou voyages immobiles comme celui-ci. Parfois j’adore (Indian creek de Pet Fromm) parfois je déteste (Dans les forêts de Sibérie de Sylvain Tesson)

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  3. Ton avis mesuré tempère un peu l’enthousiasme inconditionnel de Keisha ! Une lecture que je me promets de faire tôt ou tard 🙂

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    1. Ce sera difficile d’obtenir de moi des avis totalement enthousiastes pour du « nature writing » (quoique Pete Fromm m’avait emballé ou les expéditions naturalistes de Gerald Durrell ou Redmond O’Hanlon)

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  4. Je me sais assez hermétique à ce style de littérature, je ne note donc que ceux qui sont salués avec enthousiasme, et là il y a trop de bémols pour me convaincre….

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  5. Franchement, je reste hermétique à cela. Si c’était si bien ou si intéressant ou salvateur ou je ne sais quoi, tout le monde serait là-bas. les hommes ont fui justement ces conditions de vie difficiles.

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    1. J’ai été un peu réductrice, il explique bien son choix qui ne se veut pas définitif, et revient par moments à la réalité des choses. Les habitants de ces régions ont d’abord pour objectif leur propre survie avant la sauvegarde de la nature, et il le comprend bien.

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  6. J’ai été grand consommateur de ce genre d’ouvrages, je le suis beaucoup moins aujourd’hui. Mais si l’envie me reprend, je saurais vers quel(s) titre(s) me tourner.

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  7. Lu mais non chroniqué, j’ai beaucoup aimé ce récit. C’est vrai que son choix de vie est radical mais je l’admire pour ça, même si ça ne serait pas mon propre choix.

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