Gaspard Koenig, Humus

Arthur et Kevin se rencontrent lors de leurs études d’agronomie. Très dissemblables par leur cursus et leurs origines sociales, ils sont cependant attirés par les mêmes problématiques environnementales, et se dirigent tout naturellement, suite à une conférence éclairante, vers l’étude des sols et leurs habitants les plus emblématiques et les plus utiles, les vers de terre. Mais alors qu’Arthur reprend la ferme de son grand-père aux sols rendus stériles par les pesticides, Kevin a l’idée de créer une petite entreprise de compostage de déchets grâce aux vers de terre. Qu’on ne s’y trompe pas, c’est Arthur qui vient d’un milieu aisé, alors que les parents de Kevin ont toujours vécu de petits boulots, et qu’il doit sa présence à AgroParisTech à ses excellents résultats et à des bourses universitaires.

C’est plus le sujet que l’auteur, pour moi inconnu, qui m’a attirée vers ce roman bien ancré dans l’époque contemporaine. Ce thème n’est pas fait pour rassurer les éco-anxieux, puisque un des personnages dresse un constat alarmant de l’avenir, avec l’appauvrissement des terres cultivables, d’où les lombrics ont presque disparu, et des cultures qui ne poussent qu’à grand renfort d’engrais, mais jusqu’à quand ? Et que se passera-t-il lorsque les céréales ne pousseront plus ?
Alors, bien sûr, ce n’est pas un essai, et la fiction s’en mêle, avec les réussites et les déboires de nos deux jeunes scientifiques. L’ensemble se lit agréablement, l’écriture ne se pare pas d’effets inutiles, et sert bien l’histoire qui se déroule sans temps mort. Seules quelques séquences d’intimité m’ont laissée perplexe, sauf lorsqu’il s’agissait de relations entre vers de terre… bon, disons qu’après coup, j’ai mieux vu où elles menaient… Je me suis amusée d’un bon nombre de scènes et notamment, d’une mise en abyme avec un certain Gaspard, et aussi de portraits bien sentis de personnages issus de divers milieux, habilement croqués les uns comme les autres.
La fin, qui va s’accélérant, est vraisemblable sans être attendue, et vient clore avec virtuosité ce roman d’amitié et d’apprentissage qui prend la mesure des problèmes environnementaux actuels.

Humus de Gaspard Koenig, éditions de l’Observatoire, août 2023, 380 pages, prix Transfuge du roman français. Présent dans la première liste du Goncourt (oui, je sais, ça ne veut pas dire grand chose).

49 commentaires sur « Gaspard Koenig, Humus »

  1. L’auteur a dû s’appuyer sur les travaux des époux Bourguignon qui causent vers de terre depuis de nombreuses années. J’ai mis ce livre-là à mon programme de lecture, j’espère qu’il n’est pas trop réducteur ou caricatural…

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  2. Je souhaite absolument le lire. J’ai fini avant de partir en vacances son livre sur son périple avec un âne que j’ai trouvé intéressant, j’ai donc envie de poursuivre avec cet auteur

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  3. Mouais… bien qu’ayant toujours éprouvé une certaine affection pour les vers de terre (dont je me faisais, enfant, des bagues aux doigts… les pauvres…), je ne te sens pas suffisamment enthousiaste !

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    1. Je comprends, j’ai aussi tendance à ne noter que les livres qui suscitent un enthousiasme immodéré. Toutefois, outre que j’emploie rarement des superlatifs, il s’agit là d’un bon, voire très bon roman, que je ne regrette pas du tout d’avoir acheté ! 😉

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  4. Hier il était sur France Inter, mais le bouquin est déjà chez moi (la bibli m’a repérée, j’avais demandé l’achat de son précédent livre…)(que je recommande, tiens)

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  5. Un sujet dans l’air du temps ! C’est une remarque qui n’ a rien de péjoratif car faire un roman (et non un essai) sur des vers de terre me paraît à priori un exploit ! Pourquoi pas? Je retiens le titre.

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    1. Le sujet rejoint mon intérêt pour le potager et le compostage des déchets… Il y a beaucoup à dire sur les vers de terre et l’évolution des personnages permet que ça arrive tout naturellement dans le cours du roman.

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      1. Il y a quelques années ma fille avait écrit un livre intitulé Le potager de la feignasse où elle disait son amour des lombrics qui travaillaient pour elle ! Donc, je comprends ton intérêt ! Un livre qui pourrait lui plaire !

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  6. Je ne serais pas allée vers ce titre de moi-même mais l’éditeur est une valeur sûre et le sujet a l’air bien traité. J’attends encore un peu de voir ce qui sort vraiment du lot et des sentiers battus dans la rentrée littéraire, on a encore le temps.:)

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  7. Je l’ai demandé à la bibliothèque, je n’ai plus qu’à patienter. Le thème m’intéresse bien sûr et je ferai connaissance avec l’auteur.

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  8. Des scènes érotiques entre vers de terre, je ne peux que craquer ! ^-^ Je les regarderai peut être avec plus d’humanité, ces bestioles nécessaires à la terre, soit, mais peu esthétiques …

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    1. Peu esthétique, enfin, tu es vexante pour ces charmantes petites bêtes… 😉 (j’ai pas mal de tolérance, du moment qu’on ne parle pas d’insectes piqueurs !)

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  9. Je me sens un peu des frissons dans le dos à l’idée de lire des histoires de vers de terre 😉 Quant à l’éco-anxiété, j’avoue que cet été, à force de voir aux infos des images de forêts immenses qui brûlaient (et maintenant des inondations catastrophiques parfois dans les mêmes pays), je me suis mise à zapper. C’est peut-être du déni mais c’est insupportable. A quand un vrai magasin des suicides où on nous vend la corde pour échapper à cet enfer ??? Pardon, parfois je suis dans un mood très négatif…

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    1. Je connais aussi les hauts et les bas de l’éco-anxiété, et comme ce type d’événements me fait frémir, tout sorte de comportements contraires à l’intérêt de la nature me font râler. Comment garder sa sérénité dans le monde dans lequel on vit ?

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  10. Je me rappelle avoir lu un texte de Darwin sur le verre de terre, dans un des ouvrages. du « système de prêt de livres » proposé par mon AMAP… (ça s’appelle « Sauver le verre de terre », de Christophe Gatineau et Sylvie Corré).
    (s) ta d loi du cine, « squatter » chez dasola

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