Javier Cercas, Terra Alta

« Ici c’est une terre inhospitalière, très pauvre. Elle l’a toujours été. Une terre de passage où ne restent que les gens qui n’ont d’autre solution que de rester, ceux qui n’ont aucun autre endroit où aller. Une terre de perdants. »

Dans une province montagneuse et pauvre de Catalogne, un inspecteur nommé Melchor est appelé pour enquêter sur un meurtre sordide, celui de deux personnes âgées, un chef d’entreprise, potentat local, et son épouse. Des mobiles apparaissent, des suspects également. Un chef de service presse les policiers de terminer au plus vite l’enquête, au mépris des convictions intimes de Melchor.
Ce qui a amené le jeune homme à devenir policier, et aussi à atterrir dans cette région éloignée de sa Barcelone natale, est dévoilé petit à petit dans des chapitres alternés. L’enquête n’est pas de tout repos et va mettre en péril la vie de famille que le policier a construit en Terra Alta.

« Javert l’éblouit. Ce que Melchor éprouvait pour cet individu marginal et marginalisé était bien plus complexe et plus subtil que tout ce qu’il avait éprouvé pour Jean Valjean. Javert était le méchant du roman, l’auteur l’avait créé pour que son antipathie rocailleuse, sa véhémence légaliste et son fanatisme parfois diabolique fassent naître le mépris chez le lecteur. »

J’ai beaucoup apprécié les livres précédents de Javier Cercas, (L’imposteur, Le monarque des ombres) et ses analyses très fines de la nature humaine, dans des récits tournants autour de faits et de personnages réels. Le voici qui s’essaye à la fiction sous forme de roman policier, ce qui a de quoi intriguer. Si j’excepte la description de la scène de crime, des plus difficiles à lire, cette incursion dans l’univers du polar est tout à fait réussie. L’auteur en respecte les codes, sans toutefois abandonner les sujets qui lui tiennent à cœur, comme l’histoire récente de l’Espagne et ses répercussions sur la période contemporaine, et sur les communautés humaines, de la famille au village.
Des pistes s’avèrent nombreuses et des personnages se dévoilent au fur à mesure que l’enquête creuse leurs personnalités, et tout fonctionne très bien. Le parallèle avec les personnages et l’intrigue des Misérables, roman que Melchor a découvert lors de sa « première » vie, ajoutent une dimension littéraire tout à fait intéressante. Le personnage principal possède la profondeur nécessaire pour en faire un policier attachant et complexe à souhait, dont on regrette immédiatement qu’il ne soit pas le héros d’une série. Quoique, sait-on jamais ?

Terra Alta de Javier Cercas, éditions Actes Sud, 2021, traduction de Aleksandar Grujicic et Karine Louesdon, 307 pages

Repéré grâce à Delphine-Olympe ou Jostein.

25 commentaires sur « Javier Cercas, Terra Alta »

  1. dans un premier temps j’ai été un rien déçu par rapport à ses romans précédents mais petit à petit je me suis attachée à ce héros un rien marginal et pour finir j’ai beaucoup aimé ce polar et comme toi j’aimerai bien avoir une suite

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  2. J’ai lu Les soldats de Salamine et Les lois de la frontière, de cet auteur, et j’ai beaucoup aimé les deux. L’imposteur m’attend sur mes étagères, mais celui-là est d’ores et déjà noté pour la suite. Une valeur sûre, que ce Cercas..

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    1. Je n’ai pas accroché aux Lois de la frontière, mais je pourrais peut-être lui donner une deuxième chance… J’ai beaucoup aimé L’imposteur, et suis tout à fait d’accord pour la « valeur sûre ».

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  3. Je crois qu’en effet, j’ai dû lire ça quelque part…, il y aurait des velléités de série. Celui-ci m’attend aussi, ton avis me rassure quant au plaisir de lecture. Et je me dis que je vais faire un billet spécial  » mes LC décalée avec Kathel « , comme ça, je n’aurai pas à écrire de chroniques, juste à mettre les tiennes en lien 😀

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    1. Ah mais non, il faut que tu continues d’écrire tes chroniques, qui affineront certainement mon propos ! 😉
      J’espère que tu aimeras Terra Alta (je n’ai pas trop de doutes)

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