Marion Brunet, L’été circulaire

« Elle en rit à gorge ouverte, là, tout de suite, comme une folle qui s’autorise. De toute façon, il n’y a personne pour l’entendre. Immergée dans la garrigue, elle arpente et cherche l’ombre trop rare des petits pins gluants de sève, jette des cailloux devant elle, s’emmerde un peu. Elle connaît bien : ici, l’ennui est un art, presque un art de vivre, et son ennui à elle pue l’attente. »

C’est l’été et ses journées mornes et étouffantes, dans le Vaucluse. Deux sœurs, à peine sorties de l’enfance, traînent, de fête foraine en sorties à la ville voisine, l’ennui ordinaire des jeunes de milieu modeste et rural. Jusqu’à ce que la famille comprenne que Céline, l’aînée, est enceinte à seize ans, et refuse de dire qui est le géniteur. Les parents de Céline et Johanna réagissent différemment, mais c’est surtout la colère froide de Manuel qui inquiète sa fille, et perturbe le délicat équilibre familial. Quant à Johanna, la jeune sœur de quinze ans, un peu excentrique, elle observe…

« Ici, tout ce qui sort un tant soit peu de l’ordinaire est commenté, décortiqué, devient sujet. Dans le viseur des langues de comptoir, prophétiques et avinées, pas d’expédient sauf l’habitude. Seule l’habitude peut rendre banal ce qui ne l’est pas. »

C’était une première lecture de Marion Brunet pour moi, alors que j’ai déjà beaucoup lu de chroniques sur ses romans, pourtant. Dans le genre roman noir rural à la française, ce n’est pas mal du tout. L’ambiance est très bien rendue, et les silences comme les rumeurs qui gangrènent les familles aussi. J’ai beaucoup aimé l’alternance des points de vue et en particulier celui de Jo, un peu moins conformiste que Céline qu’on imagine plus aisément suivre le schéma familial qui se perpétue de générations en générations.
Malgré le Grand Prix de Littérature policière obtenu par ce roman, je ne le classerais pas comme un polar, j’ai deviné assez vite ce qu’il en était et comment cela allait tourner. Mais c’est un très bon roman noir, qui se lit bien, avec un style d’écriture qui ne cède pas à la facilité ou aux clichés.
Une atmosphère entre celle de Leurs enfants après eux de Nicolas Mathieu, et celle de D’acier de Silvia Avallone : ce qui constitue un compliment de ma part, tant j’apprécie ces deux auteurs, et je peux vous assurer que je vais continuer à lire Marion Brunet !

L’été circulaire de Marion Brunet, Livre de Poche, 2019, 250 pages.

Et un livre sorti de ma PAL ! (l’Objectif Pal, c’est chez Antigone)

45 commentaires sur « Marion Brunet, L’été circulaire »

  1. Comme toi c’est une autrice que je rencontre souvent sur les blogs, sans l’avoir lue pour le moment. Je devrais pouvoir l’emprunter à la bibli dès que je pourrai. (je suis plongée dans « la maison allemande » et j’aime beaucoup).

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    1. Je pense que tu aimerais ce roman de Marion Brunet.
      (et l’un de mes prochains billets sera sur La maison allemande… Tu veux qu’on en fasse une lecture commune ? 😉 )

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  2. Un roman que j’ai lu deux fois en me disant la deuxième fois tiens il me dit quelque chose … c’est un bon roman un peu trop désespéré à mon goût.

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    1. Pas totalement pessimiste, mais noir, oui, tout de même… j’avoue que j’aime bien ça, à condition que l’auteur ne pousse pas trop loin dans le désespoir.

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  3. Ouhla je me sens déconnectée. Je ne connais pas du tout cette fameuse Marion Brunet.^^ Bon, il va falloir que j’aille voir cela de plus près.

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  4. J’avais adoré ce titre, étouffant et haletant … Beaucoup plus qu’un simple polar, effectivement, l’auteure arrive à restituer une atmosphère sociale très réaliste et concrete. J’ai lu d’autres titres depuis, avec plaisir mais sans être autant accrochée. C’est cependant une auteure que je vais continuer à suivre.

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