Barbara Kingsolver, Des vies à découvert

Rentrée littéraire 2020 (13)
« Si sa maison s’écroulait sur sa tête, elle serait capable de détaler sur l’herbe et de finir une nouvelle construction tout entière avant de mettre ses enfants au lit. Terrible était la chute dans la vie d’un homme, songea Thatcher, pour se trouver ainsi frappé de jalousie envers une araignée. »
De quoi s’agit-il dans ce roman ? De deux familles à un siècle et demi d’intervalle dans une même petite ville rurale du New Jersey. Dans les deux cas, leur maison menace ruine et cause bien des soucis à ses propriétaires : en 1870, il s’agit de Thatcher, adepte des idées de Darwin, qui enseigne les sciences et se heurte aux idées passéistes de son supérieur hiérarchique. Malheureux en ménage, il trouve cependant quelqu’un avec qui partager ses idées en la personne de sa voisine Mary Treat, femme libre à l’esprit scientifique remarquable. Une passionnante plongée dans le dix-neuvième siècle, et les débuts à la fois du féminisme et du darwinisme, que des esprits rétrogrades combattent de toutes leurs forces.

« Le mot normal n’entrait pas dans le chant d’expérience de Willa. Son premier enfant s’était résigné aux soucis adultes à peu près quand il était entré en maternelle, et la deuxième semblait vouloir faire durer l’âge terrible de deux ans jusque dans la vieillesse. »
L’autre versant du roman se situe au moment de la campagne électorale de Trump en 2016. Willa vient d’hériter d’une maison déglinguée où elle tente de concilier tout à la fois : s’occuper du nouveau-né de son fils, de son beau-père malade, travailler en journaliste free-lance, essayer d’obtenir des subventions pour réparer sa maison. Son mari professeur est accaparé par son travail, elle trouve finalement du soutien auprès de sa fille de vingt-six ans, qu’elle considérait plutôt comme immature, et qui s’avérera un peu comme Mary Treat en son temps, un élément précurseur, bien ancrée dans le siècle qui commence.

« Avec ces marteaux qui cognaient à un rythme infernal, impossible de s’abstraire : BANG bang BANG bang, pause. BANG bang BANG bang, pause. Un clou avait-il besoin de quatre coups de marteaux exactement ? Ou bien y avait-il deux hommes, GRAND COGNEUR et petit cogneur, travaillant côte à côte ? Chaque pause correspondait-elle à un clou qui se mettait en place ? »
N’ayant que peu d’accès aux nouveautés dans la petite bibliothèque de mon village, j’ai trouvé des livres numériques en prêt dans celle du département, à ma grand joie. Voilà qui permettra de compléter mes achats en librairie.
Je retrouve ainsi Barbara Kingsolver dont j’avais déjà lu quelques romans, mais c’est la première fois que je suis aussi séduite par son habileté à mêler des thèmes passionnants. Mon résumé très réducteur vous laissera encore beaucoup à découvrir de ce roman épatant que j’ai eu du mal à lâcher. Je n’ai pas évoqué l’humour de l’auteure, l’extrait ci-dessus vous permettra de vous en faire un idée, et ceux qui ont à faire des travaux chez eux s’y reconnaîtront. Le thème de l’habitat revient dans le roman, et celui de la place des femmes dans la société, celui de la maternité également.
Ce roman riche et passionnant plaira à celles et ceux qui ont aimé Prodigieuses créatures de Tracy Chevalier, mais grâce à son versant contemporain, vous constaterez qu’il est plus militant, souvent émouvant, souvent drôle aussi, bref, il m’a conquise !

Des vies à découvert de Barbara Kingsolver (Unsheltered, 2018) éditions Rivages, août 2020, traduction de Martine Aubert, 570 pages.

Repéré chez Cathulu, Keisha et Papillon.

56 commentaires sur « Barbara Kingsolver, Des vies à découvert »

  1. Je rencontre les mêmes problèmes dans la petite bib du village. L’avantage est qu’elle est relié au réseau de la Bibliothèque Départementale et que donc, il suffit de lui commander un livre et je l’ai, dans le meilleur des cas trois semaines après ou lorsqu’il se libère dans une des autres bib du réseau. Pas facile tout ça, mais bon, nous avons une bibliothécaire très active et sympa

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    1. Ici, j’ai l’impression que les bénévoles ne vont pas très souvent à la Bibli Départementale, qui est pourtant, elle, très bien fournie. Pas grave, je me débrouille autrement !

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  2. J’ai découvert cette auteure avec « Des yeux dans les arbres », et j’ai tellement, tellement aimé que les quelques autres titres que j’ai lus ensuite m’ont paru un peu « fades », bien que je les ai appréciés..

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  3. J’ai tellement adoré sa trilogie … avec L’arbre aux haricots dedans, mais je ne me souviens pas des autres titres, que je me suis arrêtée là ! Et oui, ce n’est pas très logique ! Cependant ton goût pour ce dernier roman, me fera le tenter, mais en poche …

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  4. Ma libraire chérie de Bruxelles a ouvert des yeux ronds quand je lui ai dit que je n’avais jamais lu Barbara Kingsolver. Après avoir lu ton billet, je sais ce que je dois lire 😉

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  5. L’une de mes meilleures lectures de la rentrée de septembre 2020, dont j’ai apprécié la virtuosité, le regard très affûté et, tu as raison de le souligner le côté militant l’air de rien. Une densité telle que j’aime en trouver dans les romans.

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  6. Ce n’est pas mon préféré de Barbara Kingsolver mais comme touss es livres, je l’ai quand même beaucoup aimé.
    Daphné

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  7. Je note ce titre. J’avais bien aimé « L’arbre aux haricots », et j’ai surtout sur ma pile « Un jardin dans les Appalaches ».

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  8. J’adore ce genre de livres, riches, qui mêlent différentes époques. Je suis toujours très attirée par l’aspect sociologue des romans. La littérature est une vraie richesse pour ça.

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