Vous devez savoir, pour ceux qui fréquentent régulièrement ce blog, que j’ai une préférence pour la littérature étrangère. Toutefois, il m’arrive de me laisser tenter par des romans français récents dont les critiques sont bonnes. Il faut bien se tenir un peu au courant !
Voici donc en bref mes ressentis sur des livres dont vous avez sans doute entendu parler, ou peut-être déjà lus.

Caroline Dorka Fenech, Rosa dolorosa, éditions La Martinière, août 2020, sorti en poche.
« Aux fenêtres, les linges pendus paraissaient en lambeaux. Et, à cette heure-ci, il n’y avait personne. Seuls les Messina passaient sous les fils électriques fragiles et noirs qui couraient d’une façade d’immeuble à l’autre, composant une toile d’araignée funèbre au-dessus d’eux. »
Toute la vie de Rosa tourne autour de son fils Lino. Le jeune homme d’une vingtaine d’années monte avec elle un projet d’hôtel à Nice, où Rosa possède déjà un petit restaurant. Jusqu’au jour où Lino est mis en examen pour un meurtre, chose impensable pour sa mère. Sous le choc, elle met tout en œuvre pour prouver l’innocence de son fils.
La force de ce roman assez court réside dans la tension qui parcourt le roman et dans la magnifique scène finale… Sinon, le style un peu inégal, avec de belles descriptions mais des dialogues pas toujours intéressants, font que j’ai été un soupçon déçue, j’attendais mieux de ce premier roman.

Karine Tuil, Les choses humaines, éditions Gallimard, août 2019, sorti en poche.
« Ils découvraient la différence entre l’épreuve et le drame : la première partie était supportable ; le second se produisait dans un fracas intérieur sans résolution possible – un chagrin durable et définitif. »
Tout le monde connaît les parents d’Alexandre Farel, jeune étudiant brillant à Stanford. Son père présente une émission politique très regardée, sa mère écrit des essais féministes. Mais Alexandre est accusé du viol d’une jeune fille. C’est là que deux ressentis s’affrontent, jusqu’au procès. Pour Alexandre, il y avait consentement, pour Mila, la jeune fille, traumatisée, il y a eu viol.
L’écriture des deux premières parties ne présente aucun intérêt notable… Le style qui consiste à aligner des faits à propos de chaque personnage avec une grande platitude m’a laissée assez effarée et inquiète de la suite. Ajoutons à cela que les protagonistes n’éveillent aucune identification ni compassion et ne montrent que des aspects assez odieux d’eux-même. Heureusement la troisième partie consacrée au procès s’avère plus intéressante à lire tout en ouvrant quelques perspectives et sujets de réflexion, mais je me suis tout de même demandée pourquoi ce roman avait soulevé autant d’enthousiasme…

Alice Zeniter, Comme un empire dans un empire, éditions Flammarion, août 2020, sorti en poche.
« On ne mettait pas les livres dans le salon, c’était trop intime pour être exhibé, la bibliothèque était dans le bureau.
Antoine avait compris que le député n’avait pas besoin de montrer qu’il lisait, c’était acquis qu’un homme comme lui ne pouvait pas ne pas lire. »
Deux personnages principaux se partagent le texte : L, son prénom réduit à une lettre, est une hackeuse bien connue du milieu où elle agit, notamment en venant en aide aux femmes harcelées par un conjoint violent. Antoine, lui, est assistant parlementaire d’un député socialiste. Il s’est lancé dans les études, puis en politique, pour échapper à un milieu d’origine assez modeste, dont il ne parle pas. On se doute que leurs chemins vont finir par se croiser.
Sur le thème des classe sociales et du militantisme, ce roman ne se montre jamais inintéressant, même si ni l’univers des hackers ni celui des assistants parlementaires ne me passionne de prime abord. L’écriture d’Alice Zeniter permet de laisser le lecteur toujours en attente, jamais en rade. Elle a le sens de l’observation, du détail exact, qui donne à chaque scène un air de vécu, et jamais elle ne donne l’impression de déployer une thèse. Encore une fois, cette autrice m’a surprise et épatée !

Pierric Bailly, Le roman de Jim, éditions P.O.L., mars 2021.
« Jim avait beau ne pas être mon fils de sang, je lui avais forcément transmis des attitudes, des traits de caractère, le genre de choses qu’on donne sans s’en rendre compte et sans le vouloir, et puis qu’on finit par avoir du mal à tolérer chez eux, c’est çà le pire. Il y a toujours un moment où on leur en veut d’être ces miroirs miniatures sur pattes. Mais on leur en veut aussi de ne pas nous ressembler totalement, de ne pas être des clones parfaits, d’avoir en plus de çà leur putain de personnalité à eux. »
Aymeric a vingt-cinq ans lorsqu’il croise Florence, quarante ans et enceinte. Le courant passe vite entre eux deux, et le jeune homme se retrouve à élever comme son fils le petit Jim. Entre le Jura et Lyon, sur plus de vingt ans, le roman déroule cette histoire d’amour passionné entre un père et le fils qui n’est pas de lui.
Je suis passée par différents sentiments en cours de lecture, certains passages me plaisant beaucoup et d’autres moins, et si, finalement, mon avis est assez mitigé, la raison en est très certainement le style. Le langage jeune et relâché du narrateur s’accorde parfaitement à son personnage, mais c’est peut-être ce qui m’a lassée, à la longue… Je ne saurais trop dire, pourtant le sujet de la paternité ne manque pas d’originalité, ni de sensibilité.
Si je devais n’en recommander qu’un, ce serait celui d’Alice Zeniter, qui a pourtant les critiques les plus mitigées (sur Babelio, par exemple). Encore une fois, je suis à contre-courant…
Et vous, connaissez-vous ces romans ? Et qu’en pensez-vous ?