Christopher Nicholson, Hiver


hiverPlongée spéciale au cœur de mes livres à lire avec un titre idéal pour le mois anglais, et en particulier pour le thème « campagne anglaise » ! Thomas Hardy, l’auteur de Jude l’obscur ou Tess d’Uberville est un auteur qu’on associe à l’environnement campagnard, et c’est justement lui qui est le sujet de ce roman à intention biographique.

« Il n’en restait pas moins que si le vieil homme avait vu en Florence sa propre Béatrice, ce n’était plus le cas à présent. Soit elle avait changé, soit il avait changé, à moins qu’ils n’eussent changé tous les deux. » L’auteur a choisi de se focaliser sur quelques mois de la vie de l’écrivain anglais. Il a alors quatre-vingt-quatre ans, vit dans son domaine du Dorset avec sa seconde épouse Florence, bien plus jeune que lui, et qui a du mal à supporter la vie recluse, au milieu des arbres. L’auteur continue d’écrire régulièrement chaque jour, et à cette époque de sa vie, il se tourne surtout vers la poésie. Il porte aussi un intérêt profond à la mise en scène de la pièce qu’il a tirée de Tess d’Uberville. Cette pièce est jouée dans un théâtre des environs par une troupe d’amateurs. Plus qu’à la pièce elle-même, c’est vers la jeune et belle Gertrude Bugler, qui joue le rôle de Tess, que vont ses pensées, déclenchant ainsi la jalousie de Florence.
Mais le roman est bien plus que le récit d’une passion provoquée, bien innocemment, par une jeune femme chez un homme vieillissant, c’est aussi un portrait à la fois de la vie rurale et du milieu de littéraire anglais au début du XXème siècle. Thomas Hardy n’est pas un homme facile, l’homme derrière le poète a ses lubies, il a tendance à refuser toute intrusion de modernité chez lui, Florence est aigrie et suspicieuse, Gertrude un peu naïve, mais l’intérêt réside dans la construction à plusieurs voix, parfois discordantes, des différents protagonistes. L’écriture, adaptée à chaque personnage, est assez classique, mariant avec dextérité des descriptions sensibles de la campagne anglaise, des souvenirs obsédants, et des dialogues plausibles et pleins de vie.
L’auteur connaît manifestement Hardy sur le bout des ongles, et pourtant, jamais ne fait étalage d’érudition, ni ne disserte sur des points qui ne seraient pas utiles à la compréhension du poète tel qu’il était dans ses vieux jours. J’ai noté pas mal de passages pour illustrer ce que j’aimais bien dans le roman, mais je ne vais pas les recopier tous, pour vous laisser le loisir de vous immerger vous-même dans les brumes denses et froides de la campagne anglaise, où, selon Thomas Hardy, on peut plus aisément trouver le bonheur qu’à la ville.

Extrait : Obnubilé comme il l’était, il avait indubitablement perdu la matinée pour ce qui était du travail artistique, et lorsque, après un déjeuner frugal, il retourna à son bureau, il ne fut pas davantage en mesure d’écrire rien qui vaille. Il ne tarda pas à perdre patience, et dès que l’horloge eut sonné trois heures dans le hall d’entrée, il ôta son vieux pantalon pour en enfiler un plus convenable, en tweed cette fois. Il la guetta à la fenêtre, caressant sa moustache, tandis que le ciel, derrière les arbres, s’assombrissait de plus en plus.

L’auteur : Né à Londres en 1956, Christopher Nicholson a fait des études d’anglais à Cambridge. Rédacteur et producteur à la radio et à la télévision, il est auteur de The Fattest Man In America (2005) et The Elephant Keeper (2009). Hiver, où il met en scène Thomas Hardy à la fin de sa vie, est son premier roman traduit en français.
301 pages.
Éditeur : Quai Voltaire (2015)
Traduction : Lucien d’Azay
Titre original : Winter

 

Repéré chez Albertine et Dominique qui sont de fort bon conseil !

Le mois anglais me donne enfin pleine satisfaction avec ce roman…
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26 commentaires sur « Christopher Nicholson, Hiver »

    1. Je ne dirais pas que j’ai adoré, parce que moi et la campagne anglaise, ça fait deux… mais pour m’y maintenir sans ennui, il fallait que ce soit bien fait ! 🙂

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    1. Franchement, je ne connais pratiquement rien à son œuvre et ça ne m’a pas empêché d’apprécier. Mais bien d’autres romans biographiques ne m’ont pas tentée ou me sont tombé des mains… C’est un genre qui ne marche pas à tous les coups !

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  1. J’ai trouvé ce roman assez subtil, d’ailleurs la comparaison a ensuite été très défavorable à « Virginia et Vita » de Christine Orban. Une belle découverte !

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