Francesca Melandri, Eva dort

evadortConnaissez-vous la région du Trentin ? Ou celle du Haut-Adige ? Ce sont deux noms données à une même région, ayant appartenu à l’Autriche et cédée à l’Italie en 1919. On y parle allemand, italien et aussi ladin, une langue locale, dans quelques vallées. Entre le régime de Mussolini qui essaya d’italianiser la population, d’y installer des immigrants venus du sud et l’époque où des séparatistes y détruisaient les infrastructures pour réclamer leur autonomie, l’histoire de la région fut agitée pendant plusieurs décennies. Celles où nous emmène Francesca Melandri dans son premier roman.
L’auteure de Plus haut que la mer a choisi d’écrire un roman plus ample que son deuxième, et de raconter sa région d’origine au travers d’une famille. Il y a Eva, la fille, qui va traverser l’Italie jusqu’en Calabre pour rejoindre un homme qu’a connu sa mère. Sa mère, justement, Gerda, au centre du roman, de son enfance chaotique, à sa jeunesse écourtée par une grossesse survenu trop tôt, travaillant sans relâche dans les cuisines d’un restaurant. Entre les pages apparaît aussi à de nombreuses reprises le grand-père, Hermann.
De nombreux autres personnages tournent autour du duo mère-fille, ouvrant des perspectives, autant sur les destinées individuelles et familiales que sur l’histoire régionale. Les thèmes brassés sont nombreux, et souvent très contemporains. Ajoutons des personnages féminins forts et touchants, une écriture ciselée et pudique, et on obtient un très bon roman, qui, s’il n’a pas le côté « petit bonheur de lecture» du roman suivant, est tout de même de très bonne compagnie pendant quelques jours !

Extrait : L’hiver, dans le grenier plein de courants d’air où ses patrons faisaient dormir les garçons de ferme, les knechte comme lui, Hermann se réveillait enveloppé dans son urine glacée comme d’un suaire. Quand il se levait de sa paillasse, ce fin tégument se brisait dans un léger crépitement. C’était ça le bruit de la solitude, de la honte, de la perte, de la nostalgie.

Qu’est-ce qui fait d’un homme un assassin ? A quel moment la colère face à une injustice historique se fond en lui avec un autre ressentiment, plus ancien, privé, honteux parce que jamais partagé avec d’autres, le poussant à mettre la main sur un détonateur ?
Est-il plus nécessaire, pour cet homme, d’avoir une conviction absolue ou plutôt une âme désormais glaciale, silencieuse et figée comme un lac en hiver, où la pitié ne s’écoule plus ?

L’auteure : Née à Rome en 1964, Francesca Melandri est scénariste pour le cinéma et la télévision, et également réalisatrice. En 2010, son documentaire Vera a été présenté dans de nombreux festivals. Eva dort, son premier roman, a connu beaucoup de succès en Italie, et obtenu plusieurs prix. Plus haut que la mer est son deuxième roman.
464 pages.
Éditeur : Folio (2013)
Traduction : Danièle Valin
Titre original : Eva dorme

Les avis de Dominique, Luocine et Miriam. Défi italien Il viaggio chez Eimelle.
challenge italie

45 commentaires sur « Francesca Melandri, Eva dort »

  1. merci pour le lien, et je découvre que « Eva dort » ne précède pas « plus haut que la mer » ce que je croyais. J’aime beaucoup cette auteure , un petit plus pour « plus haut que la mer » à cause de la tension de l’enfermement dans l’île et la tension que cela provoque.

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    1. Non, tu avais bien compris, c’est moi qui ne dois pas être claire. 😉 « Eva dort » est son premier roman, « Plus haut que la mer » son deuxième. Mais peu importe l’ordre de lecture, ils n’ont pas de lien entre eux.

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    1. Tu as bien fait, il vaut mieux que tu commences par « Plus haut que la mer » à cause de la taille des caractères, et de son format moins ample ! J’espère que tu pourras relire très vite.

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  2. j’ai beaucoup aimé les deux , Plus haut que la mer, plus littéraire peut être, mais Eva dort raconte une histoire que j’ignorais, beaucoup aimé aussi
    Merci pour le lien!

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    1. Ils sont assez différents l’un de l’autre, et j’espère que c’est le signe qu’une vraie auteure est née ! Pour la découverte d’une région, « Eva dort » est parfait.

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  3. J’ai beaucoup aimé les deux romans de Melandri, avec, comme toi, une petite préférence pour « Plus haut que la mer ». Néanmoins, la problématique du Haut-Adige m’a vraiment intéressée.
    Les deux romans sont à conseiller de toute façon.

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