Francesca Kay, Saison de lumière

saisondelumiereL’auteur : Francesca Kay a grandi en Asie du Sud-Est et en Inde, elle est ensuite passée par la Jamaïque, les États-Unis et l’Allemagne. Elle vit aujourd’hui à Oxford avec sa famille. Saison de lumière, son premier roman, a reçu l’Orange Prize dans la catégorie nouveaux écrivains et remporté un très large succès Outre-Manche.
287 pages
Editeur : J’ai lu (décembre 2012)
Titre original : An equal stilness
Traduction : Laurence Viallet

Que dire de Saison de lumière ? Le titre français, tout d’abord, ne signifie pas grand chose au regard du roman, composé d’une vie entière, donc de bien nombreuses saisons, et propose une traduction curieuse de « An equal stilness » lui-même difficile à traduire (Un même calme ?) Bref, il faut lire la quatrième de couverture pour savoir qu’il s’agit de la vie d’une femme peintre, dans l’Angleterre du XXème siècle, Jennet Mallow. Et pourtant aucune œuvre de l’artiste en couverture… Bien sûr, puisque Jennet Mallow est un peintre n’ayant existé que dans l’imagination de l’auteur.
Née en 1924, deuxième fille d’un prêtre du Yorkshire, elle montre des dons pour le dessin et la peinture. A la Kensington School of Art où elle est admise en 1945, elle rencontre David Heaton, qui deviendra son mari et le père de ses trois enfants. Le couple s’installe pendant quelques année au sud de l’Espagne et Jennet y reprend ses pinceaux et produit quelques toiles qui la font remarquer, et même connaître davantage de notoriété que son époux. La vie d’artiste, avec ses soirées arrosées, ses couples qui se font et se défont, convient bien à David, et pendant ce temps Jennet assure tout le quotidien. Voici pour l’histoire, en très très bref…
Ce roman a beaucoup de qualités, la première étant l’invention de toutes pièces d’une biographie d’artiste, en faisant référence parfois à des peintres existants, et à laquelle on croit. Son deuxième point fort est l’écriture, très visuelle, notamment les évocations de matières, de couleurs, de tableaux ou des paysages qui les inspirent. L’auteur a très bien su rendre aussi les tourments et atermoiements d’une femme partagée entre sa vie d’épouse, celle de mère, celle d’artiste, celle de femme tout simplement. Malgré tout, si c’est une belle réussite, je suis restée un peu extérieure, je n’ai pas ressenti tellement d’émotion, même aux moments les plus sombres de la vie de l’artiste. Quelque chose me manquait. Je ressentais le besoin de voir les tableaux de Jennet, et pas simplement de lire les descriptions. Toutefois, pour un premier roman, c’est tout de même superbe à bien des égards, ne vous arrêtez pas à mon seul avis. Si le sujet vous tente, lisez ceux d’autres lectrices plus emballées.
Vous pouvez aussi aller voir dans la liste toute récente Art et romansi d’autres vous conviendraient mieux, ou si nous n’avons pas oublié de meilleurs romans, qui excelleraient à faire partager avec sensibilité le travail d’un artiste.

Extraits : Sable rond, martre pure, forme usée-bombée. Eventail en blaireau doux, petit-gris Raphaël pur, pointu, soie de porc au long manche. Jennet s’en délectait, ainsi que de la matière des peintures, leur limon, les odeurs d’huile de lin et de l’essence de térébenthine, qu’elle inhalait profondément, en alchimiste honteuse, quand elle était à l’abri des regards, à lire et à relire les instructions incantatoires et les recettes. Vous aurez besoin de gomme arabique, d’eau distillée, de miel, de glycérine, de fiel de bœuf et de pigments. Du fiel de bœuf. Magie.

Sa prise de conscience de la dépendance absolue de ses enfants, et des obligations d’adulte qui en découlaient pour elle, formait le cœur du problème de Jennet. Aux yeux du monde, un artiste se devait d’être libéré de toute obligation personnelle, condition vitale pour atteindre dans son œuvre les idéaux les plus élevés, les plus transcendantaux. David Heaton s’était octroyé une telle liberté. Une liberté ontologiquement infantile, toutefois affranchie des contraintes de l’impuissance enfantine. David ne serait jamais complètement adulte s’il voulait réussir comme artiste. Jennet se trouvait donc confrontée à un choix cornélien : devait-elle se montrer responsable envers ceux qu’elle avait mis au monde ou fidèle à sa vocation ? 

27 commentaires sur « Francesca Kay, Saison de lumière »

  1. J’en suis rendue à la moitié et pour le moment mon avis est très semblable au tien. L’écriture est magnifique, Francesca Kay rend très bien compte des lumières, couleurs, textures. Mais je ne suis pas du tout en empathie avec Jennet. Elle me semble bien lointaine.

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    1. Ah, ça arrive, mince, c’est vrai qu’on a pas toujours la même lecture… On te sent très déçue.
      Personnellement, j’ai été très touchée par ce portrait de femme et d’artiste… mais je peux comprendre tes réticences en ce qui concerne la peinture. Je nage depuis toute petite dans l’odeur de térébenthine alors son travail me parlait peut-être plus ?!

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