Agnès Desarthe, Dans la nuit brune

danslanuitbruneQuatrième de couverture : Jérôme pensait être un homme sans histoires. Le décès accidentel de l’amoureux de sa fille le jette dans un trouble profond : sa propre enfance refait surface. Or il ne sait rien de ses origines, sinon qu’il fut trouvé dans les bois par le couple qui l’adopta. D’où vient-il ? Pour le découvrir, il va devoir plonger dans son passé, guidé par un étranger mentor. L’Histoire rattrape Jérôme… Née en 1966 à Paris, Agnès Desarthe est agrégée d’anglais, romancière et traductrice. Elle a notamment écrit Mangez-moi et Le Remplaçant. Son dernier roman, Une partie de chasse, sort à la rentrée 2012.
256 pages
Editeur : Points (2011)
Prix Renaudot des Lycéens 2010

Intriguée par une émission où Agnès Desarthe lisait quelques pages de son dernier roman, je me suis procurée celui-ci, qu’elle a publié il y a quelques années, et déjà sorti en poche. La couverture est jolie, la quatrième de couverture assez elliptique pour laisser l’imagination vagabonder, (on ne répètera jamais assez que les résumés des éditeurs ne doivent pas trop en raconter!) et voilà un petit livre à caser entre deux plus gros !
Jérôme a la cinquantaine, mais se laisse porter par la vie. Il est séparé de la mère de sa fille adolescente, il élève sa fille, et ne sait comment réagir, comment l’aider, lorsque l’ami de celle-ci meurt dans un accident. Jérôme a l’impression de n’avoir jamais rien vécu d’aussi douloureux, il a pourtant lui-même une histoire compliquée qui le pousse à se précipiter parfois en forêt, retrouver le contact des arbres, des feuilles, de la terre qui l’ont entouré lorsqu’il était tout petit. L’histoire de Jérôme, ses rencontres, son parcours, tout est assez original, et un tantinet loufoque. J’ai aimé la façon dont l’auteur réalise un parfait équilibre entre drame et situations burlesques, déprime et appétit de vivre, un joli exercice de corde raide dont elle se sort fort bien.
Alors, bien sûr, il faut y voir plutôt un conte qu’une histoire des plus réalistes, et il faut se laisser emporter par la vie dans cette petite bourgade du nord-est, par les personnages surtout : Jérôme et son passé qui remonte lentement, sa fille Marina toute à son désespoir, Rosy, l’amie compatissante et pragmatique de Marina, la fantasque Vilno Smith, écossaise à la recherche d’une maison, Alexandre, le flic à la retraite poursuivant ses obsessions… Un petit bémol pour la fin pas tout à fait à la hauteur du reste du roman, sans quoi ce roman serait un coup de cœur.

Extrait : Jérôme se rend compte que « Je marche dans la forêt » n’est toujours pas une réponse satisfaisante. C’est pourtant la vérité. Il marche dans la forêt. Parfois il croise un coq de bruyère, un blaireau, un renard. Les animaux ne le fuient pas. Ils s’arrêtent, s’approchent, le reniflent. S’il est vraiment certain de ne rencontrer personne, il marche à quatre pattes à côté d’eux, en grognant très légèrement. Cela ne dure jamais. Il ne veut prendre aucun risque. Il sait que, si qui que ce soit le surprenait, il en mourrait. Il ne pense jamais à ces promenades, ne les prémédite pas, s’en souvient à peine.

– Je ne crois pas à la parole, déclare Rosy d’un ton catégorique.
Jérôme admire sa fermeté. Lui non plus n’y croit pas, mais il n’oserait cependant pas l’affirmer. Il sent que quelque chose cloche dans les échanges. Il ne saurait le formuler plus précisément. Il est souvent frustré, et presque toujours craintif, à l’idée de devoir s’exprimer, avec la certitude qu’il ne sera pas compris. Il blâme les mots, l’approximation du vocabulaire. Il ne songe pas à remettre en cause le système lui-même.

 

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