Guadalupe Nettel, L’oiseau rare

« Mais ce n’est pas non plus comme si les enfants me repoussaient complètement. Les voir jouer au parc ou s’écarteler pour un jouet dans un bac à sable peut même parvenir à me distraire. Ils sont un exemple vivant de ce que nous serions nous, êtres humains, si le civisme et les règles de savoir-vivre n’existaient pas. »

Laura, la narratrice, et son amie Alina, sont d’accord depuis toujours sur le fait qu’elles n’auront pas d’enfants. Lorsqu’elles ont trente-trois ans, elles se retrouvent vivre toutes les deux à Mexico, et c’est alors qu’Alina annonce qu’elle a décidé d’avoir un enfant avec son compagnon Aurelio. Les deux amies continuent à se voir, et Laura se trouve même plutôt contente lorsque son amie est finalement enceinte. De son côté, Laura porte beaucoup d’intérêt et d’affection, même, au petit garçon de huit ans de sa voisine, montrant ainsi qu’elle aime les enfants, se refusant juste à en concevoir elle-même. Mais la grossesse d’Alina s’avère difficile et les futurs parents doivent faire face à une nouvelle terrible.

« Les deux pigeons étaient revenus. Posés sur le nid, ils roucoulaient plus fort que d’habitude, me semblait-il. Regrettaient-ils la présence de l’autre œuf ? Vivaient-ils sa disparition comme une perte douloureuse ou était-ce une chose à laquelle les pigeons et les autres animaux étaient préparés, quand nous autres êtres humains ne pouvions tout simplement pas le tolérer ?»

Je retrouve Guadalupe Nettel dont j’avais lu un recueil de nouvelles intrigantes (La vie de couple des poissons rouges), comportant cinq textes ayant pour thème commun les animaux, et montrant un imaginaire original, qui m’avait fait penser à celui de l’auteure japonaise Yoko Ogawa.
Ici, à part un nid de pigeons dont Laura suit l’évolution sur sa terrasse, pas d’animaux, mais une exploration originale du thème de la maternité. Les chapitres alternent entre la grossesse d’Alina, la naissance problématique de son enfant, et la vie de Laura qui tente de créer un lien avec son petit voisin, Nicolas, un enfant difficile mais attachant. J’ai trouvé que la liaison entre les deux histoires, ou l’ajout de quelques passages didactiques, était parfois un peu maladroit, sans toutefois nuire à l’intérêt que j’ai porté au livre.
Les enfants, que ce soient ceux que l’on n’attend pas, ceux que l’on choisit ou ceux qu’on renonce à avoir, sont au cœur du roman. L’autrice, qui s’est inspirée entre autres de l’histoire d’une de ses amies, réussit à esquiver toute dramatisation excessive. On la sent pourtant engagée pour les causes des femmes, et au Mexique, de grandes avancées restent encore à faire, et très intéressée par les relations parents-enfants. J’ai trouvé que le roman dégageait une grande sincérité.
J’ai apprécié aussi le soin apporté au livre par les éditions Dalva : jolie couverture à rabats, mise en page et papier agréables.

L’oiseau rare de Guadalupe Nettel, (La Hija unica, 2020) éditions Dalva, février 2022, traduction de Joséphine de Wispelaere, 288 pages.

Je cumule le mois latino-américain chez Ingannmic et book-trip mexicain chez A girl from earth.

21 commentaires sur « Guadalupe Nettel, L’oiseau rare »

  1. Un thème intéressant. J’ai vécu assez longtemps pour avoir connu des revirements étonnants sur le désir d’enfants. Je connais des femmes qui ont regretté leur choix de ne pas en avoir quand elles le pouvaient encore. Et c’est très douloureux.

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    1. C’est un choix parfaitement recevable de ne pas vouloir d’enfant, mais ça semble compliqué à assumer sur la durée. Il faut avoir des convictions fortes, j’imagine, la pression sociale est encore importante.

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    1. Je viens d’aller relire ton billet (tiens, on ne se qualifie plus de LCA ?) et je remarque que l’univers de Pétales ressemblent à celui de La vie de couple des poissons rouges, assez bizarre. L’oiseau rare est plus ancré dans le réel, le bizarre se cache.

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  2. Ce ne sont pas vraiment mes thèmes de prédilection non plus mais tout dépend du traitement, bien sûr, donc je pourrais bien lui donner sa chance. Tout se jouera sur la façon dont l’auteure en parlera lors de la rencontre mercredi. En tout cas, j’aimerais bien découvrir son univers et sa plume mais ses livres ont l’air bien spéciaux tout de même.^^ Après avoir écouté une de ses interviews sur Pétales (sur youtube), j’étais presque prête à tenter ce titre, mais j’hésite encore.

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    1. J’espère que la rencontre va être intéressante, et te donner envie de le lire… Keisha a cité Après l’hiver, qui me tente aussi. Une auteure à suivre, en tout cas.

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  3. Je suis tout à fait d’accord avec toi sur la sincérité qui ressort de la lecture.
    Tu m’intrigues en rapprochant son recueil de nouvelles avec les œuvres de Yoko Ogawa. Cela me donne encore plus envie de découvrir d’autres de ses livres.

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