Christophe Carlier, Singuliers

singuliersL’auteur : Christophe Carlier a reçu le prix du premier roman 2012 pour L’Assassin à la pomme verte. Il a publié un livre-hommage sur les dessins de Sempé (Happé par Sempé, 2013). Son second roman, L’Euphorie des places de marché, est sorti en 2014. Après avoir travaillé dix ans à l’Académie française, il a consacré un livre aux lettres que les candidats ont adressées à l’institution pendant plus de quatre siècles (Lettres à l’Académie française, 2010).
128 pages
Editeur : Phébus (2015)

Sur des banquettes de café, dans des fauteuils de théâtre, des appartements à l’heure d’éteindre les lumières, près de tables de petit déjeuner, sur des trottoirs, dans des bureaux, une dizaine de personnes égrènent des pensées éparses qui font leur chemin, et des observations sur les amis ou les anonymes qu’ils côtoient… Mais ces pensées ne ressemblent heureusement en rien à celles d’un café du Commerce, comme en témoignent les petits marque-pages disséminés ici et là. Elles évoquent plus une certaine gorgée de bière, ou les pensées du journal de Jules Renard. A la lecture, on passe d’un personnage à l’autre, on revient vers l’une, on accompagne un autre, on les retrouve autour d’une représentation du Menteur de Corneille…
Il faut toutefois que cette mécanique de la ronde ne tourne pas à vide, et par bonheur, la fin justifie la forme choisie, en faisant apparaître les connivences entre certaines pensées qui se rejoignent ou, au contraire, le grand écart entre d’autres qui se croyaient proches.
Ce roman m’a rappelé Uniques de Dominique Paravel qui employait un peu le même procédé. C’est, dans les deux cas, agréable à lire, mais faute de mettre en avant un caractère plus qu’un autre, un petit peu frustrant. Le milieu du théâtre, décor central et plus original que les cafés ou les bureaux, est la partie qui m’a plu davantage, et où j’ai trouvé les réflexions qui me parlaient le plus.
Un petit livre agréable et plein d’observations perspicaces.

 

Extraits à savourer : Je souris à cet autre moi qui se reflète dans le miroir et dont je m’apprête à me délester. Le premier indice que je deviens un autre est que j’isole, dans la langue ordinaire, des séquences de six ou douze syllabes. Les phrases de mes interlocuteurs résistent au rythme des vers. Ici, il manque un mot ; là, l’hémistiche est trop long. Soudain, l’une d’elle succombe par hasard. Une habituée a annoncé à la patronne : « Je viendrai demain soir dîner avec mon fils. » Je répète mentalement la phrase en imaginant une situation, un jeu de scène. Le rideau pourrait-il tomber sur un vers comme celui-ci ?

Je lance régulièrement des petits coups d’œil à ma montre qui m’assure que la pièce arrive à petits pas vers nous. J’attends. Mon cœur bondit aux trois coups et fond de bonheur en découvrant le décor. Dès la première scène, j’oublie les têtes d’affiche et je m’attache aux débutants auxquels j’adresse, tout au long du spectacle, des encouragements silencieux.

Pendant deux heures, le public va s’ennuyer poliment devant une pièce du répertoire classique. Je suis ailleurs. Comme d’autres sûrement. Comment font les acteurs quand l’assistance pense à autre chose ? Est-ce qu’eux aussi s’éclipsent parfois et laissent leurs costumes jouer tout seuls en scène ?

L’avis d’Eimelle.

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