« En montant les marches qui menaient à sa véranda, je l’ai appelé par son nom africain et il a levé les yeux vers moi, surpris de me voir sur son seuil. Il prenait son petit-déjeuner dans une gamelle émaillée, avec les doigts, comme on le fait dans son pays natal. »
Vous avez peut-être entendu parler de Zora Neal Hurston, écrivaine et anthropologue afro-américaine, née en 1891. Un de ses romans, écrit en 1937, titré Mais leurs yeux dardaient sur Dieu, est paru récemment chez Zulma, dans une nouvelle traduction.
Dans le présent livre, elle recueille un témoignage, celui de Cudjo Lewis, qui fut capturé en 1859 au Dahomey et conduit en Amérique par ce qui s’avérera être le dernier bateau négrier. Lorsque Zora Neale Hurston l’interroge en 1927, il a 86 ans, et est le dernier à vivre encore parmi tous ceux qui ont effectué cette traversée. Ils deviennent amis, Zora lui rend de nombreuses visites, partage des pèches et des pastèques avec lui et note scrupuleusement ce qu’il raconte, les jours où il a envie de parler.
« C’est le 12 avril 1865. Les soldats yankees descendent près du bateau pour ramasser des mûres, tu comprends. Ils nous voient dedans et ils font : « Vous avez plus à rester là, vous autres ! Vous êtes libres, vous êtes plus à personne. » Bondieu-oh ! Je suis si content. On de mande aux soldats quel côté s’en aller. Eux ils savent pas. Ils disent d’aller là où ça chante, qu’on est plus des esclaves. »
Kossoula, de son nom africain, a des souvenirs encore très vifs de sa capture, de son voyage dans les cales du Clotilda, de sa liberté retrouvée. La vie qu’il mène ensuite est tout aussi passionnante, tristement passionnante toutefois, et m’a rappelé Les moissons funèbres de Jesmyn Ward. À un siècle d’intervalle, les temps sont restés tout aussi meurtriers pour les jeunes noirs du Sud, parmi lesquels les enfants de Cudjo Lewis.
J’ai été touchée par la manière de raconter de cet homme qui a vécu des expériences terribles, et n’a jamais pu retourner en Afrique. Ses paroles, retranscrites sans déformation ou interprétation ne peuvent qu’émouvoir. Le travail de la jeune anthropologue consiste à noter, sans presque parler d’elle-même. La langue très chantante de Cudjo a été magnifiquement traduite. (Il est aussi intéressant de trouver des extraits en anglais pour pouvoir apprécier l’aspect linguistique.)
Il faut toutefois savoir que, entre l’avant-propos, les différentes introductions et notes, le récit lui-même va de la page 57 à la page 145. Ce sera mon seul bémol, car même si les annexes ne manquent pas d’intérêt, cela reste assez court.
À noter pour la sincérité et l’aspect unique du témoignage !
Barracoon de Zora Neale Hurston, (Barracoon: The Story of the Last « Black Cargo », 2018) éditions JC Lattès, mars 2019, traduction de Fabienne Kanor et David Fauquemberg, préface d’Alice Walker, 239 pages.
C’est quand mêem u n témoignage unique (les doigts dans la gamelle émaillée, ça je vois bien!)
J’aimeJ’aime
Oui, tout à fait, et on entend sa voix dans sa manière de raconter inimitable. J’aime beaucoup la photo de couverture aussi, c’est dommage qu’il n’y en ait pas d’autres à l’intérieur, mais logique aussi.
J’aimeJ’aime
Je ne connaissais pas, et j’aimerais bien lire ce témoignage qui me semble unique en son genre.
J’aimeJ’aime
Tout à fait, c’est un témoignage frappant parce qu’unique…
J’aimeJ’aime
J’avais lu un article le concernant dans America N° 8 qui m’avait interpellée….. Je l’avais donc repéré 🙂
J’aimeAimé par 1 personne
Oui, c’est vrai ! Je n’ai pas lu ce numéro d’America mais je me souviens avoir lu quelque part qu’on y parlait de Cudjo Lewis.
J’aimeAimé par 1 personne
Eh non, je ne connaissais pas du tout…
J’aimeJ’aime
Hé, nul ne peux tout connaître de ce qui se publie… 😉
J’aimeJ’aime
Je ne connaissais pas non plus ( n’ayant pas encore lu le N°8 d’America… ), c’est très intéressant. ( et ta lecture me rappelle que cela fait une éternité que je n’ai pas relu Gaines, pourtant des titres m’attendent )
J’aimeJ’aime
Le roman de Zora Hurston chez Zulma me tente aussi, même s’il semble d’un abord assez difficile. Ernest Gaines est un auteur que j’ai noté…
J’aimeJ’aime
Tu veux dire : presque 100 pages de notes ?!
J’aimeJ’aime
Non, tout de même pas… mais il y a des ajouts après le texte lui-même, une post-face, un glossaire, des histoires que Cudjo a raconté. C’est très intéressant, mais pas tout à fait autant que son témoignage lui-même.
J’aimeJ’aime
je ne connaissais pas non plus donc à rajouter car le thème m’intéresse 🙂
J’aimeAimé par 1 personne
J’ai lu et aimé le roman il y a peu, malgré ma difficulté au début. Je note ce titre-ci 😉
J’aimeAimé par 1 personne
Mais oui, c’est chez toi que j’avais vu « Mais leurs yeux dardaient sur Dieu »… j’en suis curieuse, tu penses bien !
J’aimeJ’aime
Je découvre…
J’aimeAimé par 1 personne
Je n’avais pas entendu parler de ce livre et même court, il est intéressant. A l’échelle humaine, on n’avance vraiment pas vite ..
J’aimeAimé par 1 personne
C’est sûr, et c’était frappant à comparer des séquences presque semblables à cent ans d’intervalle…
J’aimeJ’aime
cela doit être assez fascinant de découvrir cette vie de l’intérieur! Moi aussi j’en avais entendu parler par la revue America et je suis contente que tu en parles!
J’aimeAimé par 1 personne
Tout à fait fascinant, et on ne peut pas lui reprocher la brièveté du témoignage…
J’aimeJ’aime
Ooh je note de suite. Inconnu dans mon répertoire et un tel témoignage, ça ne se refuse pas !
J’aimeAimé par 1 personne