Milena Agus, Luciana Castellina, Prends garde

 prendsgardeD’après l’éditeur : Pouilles, printemps 1946. D’un côté il y a les sœurs Porro, qui vivent recluses dans leur palais et ignorent le monde environnant. De l’autre les ouvriers agricoles, bousculés par la guerre et tenaillés par la faim. […] Ce jour de mars 1946 la foule se rassemble sur la place où s’élève la noble demeure pour un meeting syndical lorsqu’un coup de fusil retentit…
Milena Agus est romancière, elle a rempli les vides de cette histoire vraie grâce à son imagination. […] Luciana Castellina est historienne, elle nous relate cet épisode de l’Histoire dans le contexte trouble de l’époque…
176 pages
Éditeur :
Liana Lévi (janvier 2015)

Traduction : Marianne Faurobert et Marguerite Pozzoli
Titre original : Guardati dalla mia fame

Le titre original de ce livre à double figure parle de lui-même : « Prends garde à ma faim » (traduction toute personnelle !). En 1946, l’Italie et en particulier la région des Pouilles, a du mal à se sortir de la guerre. Les ouvriers agricoles n’ont plus de travail, leurs familles meurent de faim, les propriétaires terriens retranchés dans leurs villas ne leur prêtent pas attention.
Sans doute en est-il un peu de même pour les sœurs Porro, trois vieilles filles et une quatrième qui s’est finalement mariée à l’approche de la quarantaine. Elles donnent pour les bonnes œuvres de l’église, ont donc la conscience assez tranquille, et elles n’imaginent pas vraiment, tout à leur souci d’économie domestique, que les pauvres habitants de leur village n’ont absolument plus rien pour subsister. Elles seront victimes de cet aveuglement inoffensif.
Le principe, très original, de ce livre, est de donner la parole sur un même sujet, à deux auteurs : une romancière, Milena Agus, imagine ce que l’histoire n’a pas rapporté de la vie des sœurs Porro. Elle choisit le point de vue d’une de leurs amies. C’est peut-être ce point qui me paraît le plus discutable, et à la fois le plus intéressant, d’avoir choisi de se focaliser sur une personne que l’histoire n’a pas retenue, qui est sensiblement différente dans sa psychologie, plus délurée que les victimes, et assez naïve pour ressentir un besoin d’explication aux événements. J’imagine que cet éclairage de l’histoire porte bien la marque de Milena Agus, mais ce sera à vérifier car c’est la première fois que je lis cette auteure. J’ai suivi avec intérêt ce versant de l’histoire, celui par lequel j’ai commencé.
La deuxième face du livre comporte le texte de Luciana Castellina, une historienne qui replace la dramatique journée de mars 1946 dans son contexte historique. Bien souvent, à la fin d’un roman, je cherche à en savoir plus sur les tenants et les aboutissants exacts de faits relatés par un auteur de fiction. Pourtant, ce prolongement attendu ne m’a pas enthousiasmée outre mesure, et j’avoue l’avoir terminé en diagonale. Mon co-lecteur pour ce livre a d’ailleurs fait la même chose, alors qu’il est, plus que moi, porté sur la lecture d’essais historiques.
Finalement, j’ai été surtout intriguée par l’écriture du roman, par la manière dont on prend un fait réel pour en faire de la fiction. Je pense lire à l’occasion un autre texte de Milena Agus, pour voir si son univers me convient. Je viens de lire plusieurs romans italiens contemporains, deux dont je vous parlerai bientôt, et je compte bien continuer ainsi la découverte !

Extrait : Les sœurs Porro restaient toujours ensemble, ne se déplaçaient jamais seules, sauf si l’une d’elles était souffrante, ensemble, toujours, elles se mettaient en rang, debout ou sur un divan déhoussé pour l’occasion, les mains jointes posées sur leurs cuisses, attentives. Après avoir poliment écouté, elles échangeaient des regards, se concertant pour répondre. Si elles procédaient en formation compacte, elles n’excluaient personne, au contraire de ce qu’elle-même faisait quand, avec ses sœurs, elles commençaient à parler à bâtons rompus de secrets de famille avec des mines de conspiratrice.

Les avis de Marilyne et de Sandrine.
Merci à B et J pour cette lecture ! 

45 commentaires sur « Milena Agus, Luciana Castellina, Prends garde »

  1. J’ai lu récemment Moravia : pas vraiment contemporain et en fait pas pour l’Italie pauvre mais pour le mont Cassin (où les Polonais emportèrent la victoire décisive), enfin j’y suis arrivée via l’histoire de la Pologne plutôt que par celle de l’Italie. J’en parle bientôt aussi 😉

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  2. Au début j’étais tentée par cette expérience littéraire de deux textes sur un même thème, mais au fil de billets mitigés, je ne suis plus très sûre ..

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  3. je ne l’ai pas lu mais au club lecture les avis étaient très mitigés sur la forme de ces deux récits, ni vraiment histoire ni vraiment roman car très très court on est un peu frustré des deux côtés
    Question Italie je ne peux que te conseiller Francesca Melandri que j’ai beaucoup aimé

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    1. C’est une bonne occasion, c’est ce que je m’étais dit aussi, et je crois que ça donne une bonne idée de sa manière d’aborder les sujets de roman.

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  4. Je n’avais pas été totalement conquise par Mal de pierres mais j’avais décidé de lui laisser une seconde chance (voire davantage) car j’aime beaucoup la femme humble qu’elle est ! Cependant je ne sais pas si ce livre à quatre mains me satisferait… A suivre ! 😉

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  5. J’ai lu et écouté Mal de pierres de Milena Agus qui se déroule en Sardaigne (on n’est pas très loin des Pouilles) et j’ai bien aimé le style de l’auteur (surtout à la 2ème « lecture » audio), peut-être qu’il te convaincra d’avantages que Prends garde ?

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    1. C’est intéressant que tu l’aies plus apprécié à la deuxième lecture (ou écoute). C’est le genre d’auteur qui ne doit pas être facile à apprivoiser du premier coup !

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      1. Elle a une écriture assez fluide. Je pense que je ne devais pas être assez concentrée la première fois – j’ai dû lire dans le tram, je ne me souviens plu strès bien – et je suis passée à côté de la beauté du texte. Mais je suis très contente de m’y être replongée, j’en lirai d’autres, c’est sûr !

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  6. La démarche était diablement intéressante. Cependant, ce que tu en dis rejoint les propos d’une de mes amies et j’ai l’impression, du coup, que si l’idée était bonne, la mise en oeuvre se révèle largement décevante… Dommage !

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  7. J’ai lu Mal de pierres de cette auteure, une lecture agréable mais sans plus, je me souviens d’ailleurs assez mal de l’intrigue…mais le thème de ce roman me semble assez intéressant! Je crois que je vais me laisser tenter et lui donner une autre chance!

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  8. J’attends tes prochaines lectures italiennes ( que je découvre un peu plus cette année ) ( sinon, j’ai lu l’un des romans de Milena Agus, aucun souvenir maintenant si ce n’est d’une lecture agréable )

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  9. Bon bon bon, c’est notre journée …J’avais bien aimé Mal de pierres de Milena Agus, et je retrouve les thèmes de la femme mariée tardivement, de la faim et de ses personnages un peu repliés sur eux même. Par contre ça me gêne cette histoire de deux parties dans le livre…en général je bloque un peu sur la confrontation fiction-histoire…

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    1. Encore d’autres avis ces jours-ci qui vont dans le même sens… ça n’a pas marché, mais il n’est pas dit qu’une autre fois, avec d’autres auteurs, ça ne pourrait pas marcher. Je présente une BD demain, une fiction historique et sociale, où la postface reprend les idées de la BD,en les expliquant et c’est génial !

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