Photographes du samedi (53) Daphné Bengoa et Leo Fabrizio

Pour prouver que ce blog est encore capable de quelques soubresauts, et avant le retour des billets de lecture, peut-être en janvier, j’ai envie de revenir sur les expositions vues aux Rencontres d’Arles cet été.
Ce billet fait donc suite à ceux sur Ouka Leele et Philippe Chancel, et présente deux pho
tographes, Daphné Bengoa et Leo Fabrizio, qui ont travaillé sur un projet commun, visant à faire connaître l’œuvre de l’architecte Fernand Pouillon en Algérie. Ce bâtisseur ne m’était pas inconnu, puisqu’il était le sujet du roman de Marie Richeux, Climat de France, sorti chez Sabine Wespieser il y a deux ans. (Climat de France est le nom d’un grand ensemble de logements de forme quadrangulaire, sur les hauteurs d’Alger)
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Fernand Pouillon né en 1912, et mort en 1986, était un architecte qui a réalisé après-guerre de nombreux bâtiments, notamment de l’habitat collectif (logement sociaux, hôtels, résidences universitaires) à Marseille, sa ville natale, à Paris ou en Algérie. Pour lui, l’humain était au centre de ses projets. Il s’efforçait de construire pour rendre l’environnement proche des habitants, et agréable pour eux. Les photos des deux jeunes gens s’appliquent à le prouver.
J’ai aimé les ravages du temps sur les constructions de Fernand Pouillon, qu’elles soient encore en usage comme les immeubles collectifs, ou non, comme les hôtels. Les photos rendent très photogénique cette dégradation, qui en même temps fait peine à voir. L’exposition était en outre située dans l’abbaye de Montmajour, qui mettait les photos particulièrement bien en valeur.
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J’avais pensé vous parler d’une autre exposition dans un couvent, celle d’Anselm Kiefer cet automne au couvent de la Tourette (couvent conçu par Le Corbusier) près de Lyon. Ce sera pour un prochain billet art et architecture, si ça vous intéresse !

Photographe du samedi (52) Philippe Chancel

C’est chaque année une exposition emblématique des Rencontres d’Arles que celle qui se trouve dans l’église des Frères Prêcheurs. J’aime beaucoup ce lieu, qui met en valeur les photographies autant que celles-ci mettent à son avantage le lieu. Cette année, les grandes photographies de Philippe Chancel font voyager les spectateurs d’un bout à l’autre du monde, et chaque image pose question, embarque dans un des problèmes les plus cruciaux de la planète, crée une émotion…
J’ai aimé comme l’aspect du mur de l’église répond aux photos !
Arles 2019

Cette année, Philippe Chancel montre à Arles son nouveau projet appelé Datazone, qui l’a conduit de Port-au-Prince à Kaboul en passant par l’Afrique du Sud, la Cisjordanie, l’Antarctique, Fukushima ou le delta du Niger (remarquez les couleurs étranges à la surface de l’eau…). Datazone explore les paysages où les problèmes humains, économiques, écologiques se superposent de manière plus criante encore qu’en d’autres lieux de la planète.
Il compte poursuivre ce projet dans les prochaines années dans les quartiers Nord de Marseille, au Groenland, à Flint aux États-Unis, ainsi que dans l’enclave espagnole de Mellila au Maroc.
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Né en 1959 à Issy les Moulineaux, Philippe Chancel a débuté, après des études de sciences économiques et de journalisme, par des reportages dans les pays de l’Est. Son travail, publié dans des magazines du monde entier, l’a fait connaître. Il a poursuivi en travaillant toujours à la fois dans les domaines de l’art, du documentaire et du journalisme.
« DPRK », son exposition sur la Corée du Nord, a été montrée aux Rencontres d’Arles en 2006. D’autres expositions ont suivi à Berlin, Londres ou New York. L’exposition « Emirates project » a été présentée à la Biennale de Venise.
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A voir jusqu’au 25 août (vite, vite !) aux Rencontres d’Arles.

Photographe du samedi (51) Ouka Leele

Comme bien souvent au retour des Rencontres de la Photographie d’Arles, mille images se bousculent dans ma tête pour prendre la première place et donner lieu à un petit billet de photographe. Mais quels sujets ou photographes choisir pour commencer ?
Aujourd’hui, ce sera une femme, elles sont bien représentées dans ces Rencontres qui fêtent leurs cinquantième anniversaire, et ce sera une photographe espagnole vue dans l’exposition sur la Movida. Impossible de ne pas remarquer les couleurs éclatantes de ses photos et son goût pour la provocation, sans rien d’excessif toutefois.

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Bárbara Allende Gil de Biedma est née à Madrid en 1957. Intéressée par tous les arts, la peinture, la poésie, elle suit une formation en technique photographique et certains de ses clichés sont publiés dans des magazines dès ses dix-huit ans. Elle prend le pseudonyme de Ouka Leele et travaille d’abord le noir et blanc, mais très vite elle imagine de peindre ses photos avec des aquarelles de couleurs vives, puis de les photographier de nouveau.
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J’ai aimé le travail de cette photographe représentative de la Movida madrilène, et ses thèmes féministes, ou sur l’identité, le genre. Sa série « salon de coiffure » est aussi amusante que remarquable, et l’une des photos constitue l’affiche des Rencontres 2019. J’ai aussi trouvé des paysages, de Madrid ou des Asturies, qui s’éloignent du classique, et restent bien caractéristiques de son style.
L’un de ses travaux (Le baiser, ci-dessus) était en couverture d’un livre paru en 2018 ou 2019, mais je n’ai pas réussi à retrouver lequel. Qui pourra me le dire ?

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A voir aux Rencontres photographiques d’Arles jusqu’au 22 septembre 2019 (Palais de l’Archevêché pour cette exposition)

Photographe du samedi (49) Nadav Kander


Pour changer des photos mises en scène de la semaine dernière, je vous propose un thème qui me passionne, et sur lequel de nombreux photographes travaillent avec passion également : la nature et l’homme.
L’empreinte de l’être humain sur le paysage qui l’entoure, la force de la nature à passer outre les constructions humaines ou au contraire la disparition de toute trace naturelle du paysage, voici des sujets qui ne manquent pas d’interroger, du climat à la déforestation, en passant par l’architecture… Chaque photographe apporte sa vision sur ce vaste sujet. Nadav Kander a ainsi suivi le cours du Yangtse Kiang, où les brumes le disputent à la pollution, créant une atmosphère blafarde et pourtant photogénique. Traditions et modernité s’y côtoient, et c’est surprenant.
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nadav_kander13.jpgNadav Kander est un photographe israélien né en 1961. Il grandit en Afrique du Sud et s’installe à Londres où il travaille. Il expose au Victoria and Albert Museum, à la Tate Gallery, à la Royal Photographic Society… Son travail paraît également dans des magazines comme le Time ou le New York Times Magazine. Il réalise de nombreux portraits, et c’est sans doute ce qui est le plus connu parmi son œuvre. La série intitulée « Yangtze, the long River », qui m’a attrapée au détour d’une visite, est visible, en partie, dans la rétrospective pour le prix Pictet, aux Rencontres photographiques d’Arles jusqu’au 23 septembre.

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Sur le même thème, les photographies de Solmaz Daryani, de Jonas Bendiksen, de Daesung Lee et de Ciril Jazbek

 

Photographe du samedi (48) William Wegman

Deuxième exposition phare des Rencontres d’Arles cette année, celle de William Wegman, exemples typiques de photographies mises en scène, comme vous pouvez le constater. Mise en scène ne veut pas dire travail avec des logiciels pour recomposer l’image, pas du tout, mais une longue préparation en amont, avant le cliché.
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L’idée en est venue au photographe lorsqu’il a eu un premier chien, qu’il a nommé Man Ray, et qui semblait beaucoup aimer prendre la pose devant son objectif. Les braques de Weimar sont des chiens d’arrêt, ce qui explique cette faculté à se tenir tranquille, même lorsqu’on arrange des vêtements autour de vous ou lorsqu’on vous propose des équilibres précaires… Man Ray a été suivi par d’autres chiens de même race, notamment Fay Ray, et ses descendants… qui ont toujours ce même regard, qu’il faut saisir.

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William Wegman est né en 1943 dans le Massachusetts, où il a étudié la peinture. Son travail de photographe est très varié, même s’il est plus connu pour ces séries de portraits canins !
La plupart de ses photos sont des polaroids de grand format. Les chiens ne sont pas réellement habillés, les vêtements sont suspendus devant eux grâce à un collier, qui sert de cintre. Des mains parfois apparaissent, rendant l’identification chien/humain encore plus forte, parfois au contraire on aperçoit les pattes sagement posées entre les plis du vêtement, en clin d’œil au processus de fabrication de l’image.

Rencontres photographiques d’Arles Palais de l’Archevêché jusqu’au 23 septembre 2018.

Photographe du samedi (47) Paul Fusco

Cette année pour les Rencontres Photographiques d’Arles, l’un des axes choisis est l’année 1968, et un autre les États-Unis. L’exposition « The train, le dernier voyage de Robert F. Kennedy » se situe au croisement des deux puisqu’il s’agit, en juin 1968, du train qui transporta la dépouille du sénateur, de New York à Washington, en direction du cimetière d’Arlington.
Paul Fusco avait pris place avec son appareil photo à bord du train et montre ainsi les Américains endeuillés qui voulaient adresser un dernier signe au frère du président assassiné cinq ans avant.

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Cette exposition est très complète puisque s’y ajoutent tout d’abord des photos amateurs recueillies par Rein Jelle Terpstra, très émouvants clichés, pages d’albums jaunies ou diapositives annotées.
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Ensuite, un autre photographe et vidéaste français, Philippe Parreno, a tourné en 70 mm un film, cinquante ans après, avec une belle reconstitution du voyage vu du train, et des figurants représentant les spectateurs de 1968.
L’ensemble des trois points de vue est très émouvant et cette exposition nous a beaucoup plu.
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Paul Fusco est un photographe américain né en 1930. Il a effectué pour
l’Agence Magnum de nombreux reportages en Palestine, aux États-Unis, au Mexique, à Tchernobyl, pour traiter de différents faits de société…

Rencontres Photographiques d’Arles, ateliers des Forges, jusqu’au 23 septembre 2018.

Photographe du samedi (45) Solmaz Daryani

Après Shadi Ghadirian et Newsha Tavakolian, je tenais à vous montrer le travail d’une autre photographe iranienne, Solmaz Daryani. Cette jeune photographe autodidacte de trente ans explore les modes de vie de son pays et la relation des hommes à leur environnement.
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Solmaz Daryani a choisi, entre autres, de photographier la communauté azérie dont elle est originaire et qui vit près du lac d’Ourmia. Ce lac, à cause du réchauffement climatique et de l’irrigation, se retire et diminue à tel point qu’il faut maintenant marcher trois kilomètres depuis l’ancien rivage jusqu’à un endroit où il est possible de se baigner, dans une eau très salée. Quant à la population, elle a perdu ses moyens de subsistances qu’étaient l’agriculture et le tourisme.
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Le film d’Arte sur les photographes iraniens ne doit plus être visible à la demande, mais il existe un extrait ici et un dvd.

Quant à l’exposition « Iran, année 38 », elle est visible aux Rencontres d’Arles jusqu’au 27 août. 

Photographe du samedi (44) Newsha Tavakolian

J’ai réussi à voir en replay un reportage repéré sur Arte sur la photographie en Iran, notamment les femmes photographes, reportage passionnant, et qui m’a permis de retrouver les photographies de Shadi Ghadirian, qui m’avait fait forte impression, et de découvrir de nouvelles photographes. Voici tout d’abord Newsha Tavakolian, 36 ans, photographe autodidacte, qui a commencé à faire des photos à l’âge de 16 ans pour un quotidien féminin iranien.
 

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Photo-reporter pour la presse internationale (Newsweek, Le New York times, Stern,…) depuis de longues années, elle a couvert le soulèvement étudiant en Iran, le conflit avec l’Irak et réalisé de nombreux documentaires sur la société iranienne. Cette carrière ne s’est pas déroulée sans heurts, sa carte de presse lui a été retirée, elle a eut des périodes où elle ne travaillait plus, mais c’est une jeune femme forte et qui n’arrêtera jamais d’avoir quelque chose à dire sur la société iranienne, et notamment sur la vie des femmes. En témoignent des séries qui ne sont pas des reportages.

Dans la première série de photos, c’est la sœur de Newsha qui est mise en scène, dans les vêtements de tous les jours des femmes actives iraniennes. Dans la seconde série, la photographe a fait poser des amis, connaissances, sur son propre balcon, avec un arrière-plan identique, qui pour elle représente Téhéran. Visiblement, elle leur a demandé de penser à des choses pas très gaies… Malgré ou grâce à la mise en scène, quelque chose de très fort émerge de ces photos
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On peut voir ses photographies tout l’été aux Rencontres photographiques d’Arles, dans une exposition où plus de soixante artistes iraniens sont représentés.

Pour lire tous les billets sur les photographes, c’est sur le blog de Choco qui en a eu l’idée ou alors c’est ici.

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Photographe du samedi (40) Peter Mitchell

Mes expositions préférées à Arles cette année avaient presque toutes pour sujet la photographie de rue. Sujet inépuisable et qui donne pourtant des résultats totalement différents, bien représentatifs d’un artiste et de son état d’esprit.
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Dans une exposition présentée à l’origine à York, en novembre 1979, le britannique Peter Mitchell imagine qu’en répercussion aux missions terriennes Viking sur Mars, des martiens font un reportage photographique sur terre, dont quelques cichés nous parviennent. Des photos de la planète rouge alternent avec des vues de quartiers pauvres de Leeds.
« Curieusement, dit-il, les photographies ne révèlent pas de grandes merveilles de la civilisation. Une esthétique monotone, bas de gamme, imprègne avec une certaine continuité les images et suggère que ces choses sont ordinaires. En langage terrestre courant, ces photographies montrent un trou perdu au milieu de nulle part. »
Ces maisons des banlieues de Leeds, avec leur propriétaire ou leurs habitants fièrement campés devant disent beaucoup de choses d’une époque. Les martiens ont bien choisi, non ?

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Peter Mitchell est un photographe britannique né en 1943 à Manchester. Fonctionnaire au ministère des Collectivités locales et du logement, Peter Mitchell quitte ce poste pour des études d’art puis ouvre son atelier de sérigraphie à Leeds. Sa première exposition, European Architectural Heritage Year 1975, a lieu en 1975. Il est l’auteur de trois livres et travaille actuellement sur une trilogie qui s’intéresse à la relation entre son appartement, qu’il occupe depuis 34 ans, le temps, et la ville. Ses travaux parlent essentiellement de Leeds où il vit toujours et de lui-même. Il a inspiré de nombreux photographes comme Martin Parr.
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Son exposition « Nouveau démenti de la mission spatiale Viking 4 » est présentée à Arles jusqu’à la fin du mois de septembre, à la grande Halle des Ateliers.

Photographe du samedi (32) Stephen Shore


Avec un certain recul (pour ne pas dire retard !) sur l’événement, je m’intéresse aujourd’hui à Stephen Shore, un photographe mis à l’honneur aux Rencontres Photographiques d’Arles 2015. Les États-Unis, encore et toujours sujet de prédilection pour de nombreux photographes, ce qui n’empêche pas de reconnaître le style de chacun, ou presque !

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Stephen Shore, photographe américain, est né en 1947 à New York. Il côtoie Andy Warhol de 1965 à 1967, et photographie en noir et blanc le New York underground de ces années-là, notamment du groupe Velvet Underground de Lou Reed.
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Il sillonne ensuite les États-Unis, et les représente par des clichés en couleur, par exemple dans ses séries Uncommon Places ou American Surfaces.
Il déclare ne pas vouloir photographier
« d’instants décisifs », contrairement à Henri Cartier-Bresson qui avait forgé cette expression pour désigner certaines rencontres visuelles.
Stephen Shore s’intéresse plus à la banalité des lieux qu’il photographie.
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Stephen Shore, Beverly Blvd and La Brea Ave. Los Angeles, California, 1975

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D’autres photographes en suivant ce lien et aussi chez Choco.