« Personne jusqu’ici ne connaissait les noms d’Ethan Shaw et de Clara Montes, mais le roman est en train de se mettre en place, les premières pages se créent sous nous yeux, à travers une esthétique de la répétition, de la boucle et de la démultiplication qui n’a jamais existé dans l’histoire. »
Je profite du confinement pour essayer d’avancer dans mes chroniques, et comme je n’ai pas spécialement envie d’écrire, ni vous de lire, des chroniques mitigées sur des livres très moyens, je viens vous parler du dernier roman vraiment enthousiasmant que j’ai lu. C’est ma quatrième lecture de Fabrice Humbert, je crois, pas du tout inconnu de mes services donc, et j’aime sa manière de se saisir de sujets d’actualité, et d’en faire des romans prenants.
Le sujet donc : Adam Vollmann, journaliste new-yorkais, apprend avec étonnement que l’idole de sa jeunesse, la star de son lycée de Drysden, Colorado, Ethan Shaw, est activement recherché pour le viol et le meurtre d’une jeune fille de seize ans, Clara Montes. Ne pouvant imaginer comment cela est possible, Adam se rend à Drysden pour enquêter, rencontrer la mère de Clara, l’épouse d’Ethan, et d’autres personnes…
« J’ai repris mes recherches. À un moment, je me suis dit que je plongeais dans le Net, absorbé dans les images, et que mon corps glissait en elles. Si le texte ne happe pas, les images, elles, par un étrange effet de relief et de scintillement, superposent l’architecture de plusieurs mondes où le regard s’engloutit. »
L’auteur aborde les thèmes de la vérité et du mensonge, notamment par rapport à l’image, à l’information, les fake news, bien sûr, et aussi la surveillance du citoyen, et surtout de celui qui va à l’encontre du gouvernement ou de toute autre puissance. Les références sont nombreuses, du mythe d’Oedipe à Citizen Kane, ou à la prise de la Bastille, et pourtant, on reste tout le temps dans le roman, et en aucun cas dans un essai déguisé. Qu’a réellement fait Ethan Shaw, son ami Adam Vollman va-t-il réussir à l’innocenter, ces questions restent prégnantes tout du long du roman, et portent le lecteur.
Au-delà de l’écriture, particulièrement maîtrisée, du thème, très actuel et de la dénonciation nécessaire, l’histoire touche au plus profond, et pousse à tourner les pages avec avidité. Même la fin, qui peut sembler frustrante, ou moins limpide que le reste, m’a semblé en parfaite adéquation avec le reste du texte, et m’a subjuguée. Une parfaite réussite, en ce qui me concerne.
Le monde n’existe pas de Fabrice Humbert, éditions Gallimard, janvier 2020, 247 pages.
Repéré chez Delphine-Olympe et Hélène.