« Frank se plaignait qu’elle était toujours triste, mais elle n’y pouvait rien, la mélancolie paraissait remonter à plus loin qu’elle, peut-être à sa mère et à son enfance dans un endroit que Judy ne connaissait pas et ne pouvait pas imaginer. »
Voici encore un roman que j’ai emprunté à la bibliothèque sans trop en savoir à son sujet, et croyez-moi, c’est comme cela que l’on se procure les meilleures lectures ! Je savais que l’auteure était irlandaise, mais ignorais que l’essentiel du roman se déroule dans l’Illinois. Surprenant, ce roman fait appel à l’acuité du lecteur, l’incite à prendre des indices pour combler une première ellipse temporelle, puis une deuxième, l’encourage aussi à faire des déductions concernant les rapports entre les personnages.
On y croise d’abord un immigrant irlandais qui se tient à l’entrée d’un puits de mine canadien en 1958, et qui y travaillera de longues années… Ensuite, Aine, une trentenaire, en 2010, aspire à changer de vie, et débarque d’Irlande pour passer quelques temps en bénévole dans une ferme biologique de l’Illinois. Elle se lie avec Joe, le propriétaire… Ensuite d’autres personnages apparaissent dont on ne connaît pas immédiatement l’importance dans l’histoire, qui semble se tisser autour de Joe, l’agriculteur, individu plus trouble qu’il n’y paraît de prime abord.
« Jusqu’ici, elle a toujours été du genre voyage organisé, mais maintenant elle est une pionnière, un personnage des Raisins de la colère, une Thelma. Ou une Louise. »
C’est un de ces romans où la tension créée par une construction efficace pousse à avancer, et qui réussit encore et encore à étonner, jusqu’à la fin. Il s’avère passionnant sur le thème du passage de relais entre générations pas forcément consécutives. Des sortes de sauts générationnels apparaissent entre les lignes de l’histoire, et les rapports entre les protagonistes deviennent alors plus clairs. Le thème de l’immigration, de ses causes et conséquences, des attentes qu’elle porte et des déceptions qu’elle engendre, et là encore des impacts sur les générations suivantes, apparaît en filigrane, sans lourdeur, ni morale.
Une jolie découverte que ce premier roman un brin déroutant, comme je les aime, et une jeune auteure irlandaise à suivre, indiscutablement !
Génération de Paula McGrath, (Generation, 2015) éditions Quai Voltaire (janvier 2017) traduit de l’anglais par Cécile Arnaud, 225 pages.
Entre autres avis, ceux d’Albertine, de Cathulu, d’Eva et de Maeve.
Lire le monde pour l’Irlande.