Ou comment enchaîner des lectures avec des bonheurs variés… et attention, billet à rallonge, sur le thème des auteurs qui écrivent sur un autre écrivain, contemporain ou passé, qu’ils ont connu ou non, sous forme strictement biographique ou en laissant une grande place à l’imaginaire…
Tout a commencé en dénichant à la bibliothèque une lecture qui me faisait de l’oeil depuis un moment :
Alix de Saint-André, Garde tes larmes pour plus tard
Je ne connaissais que fort peu Françoise Giroud, ce serait l’occasion d’en savoir plus sous la plume d’Alix de Saint-André avec qui j’avais aimé parcourir sans trop de fatigue les chemins de Compostelle dans En avant route ! Las, c’était compter sans un style indigeste, une narration brouillonne, des digressions inintéressantes, et le peu d’envie que donne l’auteur d’avoir quelque empathie avec son sujet. Enfin, ce n’est que mon sentiment, et puisque je n’ai pas fini le livre, je vous invite à vous faire votre propre avis ! Un petit extrait choisi, tout de même… et si cet extrait vous plaît, (pourquoi pas, tous les goûts sont dans la nature) vous pouvez tenter la lecture !
Le spectacle de la mer, seul, la comblait, et le soleil, seul, avait réussi à recoller sa tête, jour après jour, en Bretagne. Sans chapeau. Rien à faire. Mais je voyais chaque jour ses progrès dans les devoirs de vacances que je lui avais emportés, son livre d’entretiens avec Martine Rabaudy, dont les corrections passèrent de poussives à lumineuses en cinq jours, sans qu’elle me laissât jamais ouvrir le parasol de la table du jardin où nous nous mettions au travail, à côté de la piscine, chaque matin, sous l’oeil réprobateur des mères de famille qui ne m’auraient jamais engagée comme baby-sitter…
Plus ou moins mitigés, non, les avis de Cathe, Cathulu et Mango ?
Ce début de lecture laborieux et avorté a toutefois eu le bon goût de me donner envie de ressortir des livres de ma pile où ils m’attendaient depuis trop longtemps :
Nathalie Skowronek, Karen et moi
Là, ce fut une très bonne surprise, le mélange entre la vie de Karen Blixen et les réflexions sur celle de l’auteur est ici parfaitement harmonieux, sincère et juste. La petite fille timide qui découvre La ferme africaine devient une jeune femme passionnée de littérature qui écrit une biographie de l’écrivain danoise tout en se posant des questions sur sa vie, et en ne pouvant s’empêcher de faire des parallèles. C’est intéressant de bout en bout, et évite le verbiage et les travers de ce genre de projet !
Je travaille depuis des mois sur Karen Blixen. J’ai le projet d’écrire sa vie. L’idée s’est imposée alors que je m’enfonçais dans cette existence de jeune femme modèle qui ne me ressemble pas et que mes tentatives pour m’affirmer s’étaient soldées par de pénibles échecs : un roman inachevé, une solitude toujours plus grande, le sentiment de regarder passer sa vie.
Karen est morte onze ans avant ma naissance. J’aurais voulu qu’elle vienne me dire, qu’elle raconte à l’enfant que j’étais, comment faire avec cette sensation d’étrangeté qui m’éloignait des autres, ma peine et mon trésor. J’aurais voulu qu’elle me raconte, et qu’à mon tour, je le raconte à mes filles. Dis-moi, Karen. Dis-moi comment tu as fait.
A lire aussi les avis de Clara, Marilyne, Nadael et Theoma.
David Lodge, L’auteur ! L’auteur !
Deuxième repêchage dans mes étagères, le pavé de David Lodge… Pas très envie de pavés en ce moment, mais c’est David Lodge, l’écriture fluide et le ton empreint d’humour font bien passer la pilule, et je me suis prise d’intérêt pour l’auteur américain vivant à Londres, son amitié avec Georges du Maurier, ses voyages en Italie, ses doutes quant à sa capacité à vivre de son écriture… A picorer plutôt qu’à lire d’un seul tenant, toutefois.
Miséricorde ! Fallait-il encore ressasser tout cela, parcourir une fois de plus cette via dolorosa de souvenirs ? En commençant par ses propres manoeuvres un peu honteuses afin de s’assurer qu’il serait parmi ceux qui rompraient les scellés à la porte de l’appartement de Fenimore : il était allé à Gênes pour accueillir les Benedict mère et fille à la descente du bateau en provenance de New York, les avait accompagnées au train qui les emmenait à Rome s’incliner sur la tombe de Fenimore, et avait poursuivi son propre chemin vers Venise pour leur trouver un hébergement.
Lu aussi par Malice et Val.
Antonio Skarmeta Une ardente patience
Une parfaite réussite ensuite ! Ce petit roman sur l’amitié, l’amour et la poésie, est un génial hommage à Pablo Neruda. L’idée du facteur qui n’a qu’un seul client dans sa tournée, le grand poète chilien, est parfaitement maîtrisée, et le déroulement du récit aussi. L’écriture pleine de naturel, mais où chaque mot a sa place, adopte aussi bien le ton de la fantaisie que celui de l’émotion… J’avais déjà bien apprécié son écriture dans Un père lointain, et je récidiverai avec cet auteur. Le parti-pris de faire un roman et non un essai biographique est tout à fait à mon goût… même si ce n’est pas forcément transposable à l’infini.
En janvier 1969, deux motifs, l’un trivial et l’autre heureux, amenèrent Mario Jimenez à changer d’emploi. Le premier fut son absence de goût pour les corvées de la pêche qui le tiraient du lit avant le lever du soleil et presque toujours au moment où il était en train de rêver d’amours audacieuses en compagnie d’héroïnes qui rivalisaient d’ardeur avec celles qu’il pouvait voir sur l’écran du cinéma de San Antonio.
Les lectures d‘Hélène et Sandrine.
Hanif Kureishi, Le dernier mot
J’en ai profité aussi pour me lancer dans le nouveau roman, fraîchement arrivé à la bibliothèque, d’un écrivain que j’aime bien d’habitude, Hanif Kureishi. Avec Le dernier mot, il écrit un gros roman au centre duquel on lit la rencontre, au fin fond de la campagne, entre un jeune biographe et un auteur aux allures de monstre sacré, nommé Mamoon Azam. Cet auteur d’origine indienne a beaucoup de points communs avec le prix Nobel V.S. Naipaul (bien que l’auteur s’en défende). De nombreux autres thèmes se mêlent à cette rencontre, les relations entre hommes et femmes, la transmission, la société multicuturelle…
Je n’ai pas été aussi séduite par ce roman que par le précédent, les dialogues et les relations entre les différents personnages m’ont semblé peu crédibles. J’avais déjà trouvé précédemment que les romans de Kureishi manquaient un peu de rythme, mais là c’est encore plus flagrant que d’habitude et, à part la fin qui rattrape un peu le reste, j’ai eu du mal à m’y intéresser, et n’y ai pas trouvé l’humour annoncé…
J’aimerais bien que vous arrêtiez de m’éplucher comme si j’étais un oignon. Vous savez, comme tout le monde, j’ai une passion pour l’ignorance. J’ai envie de travailler dans l’obscurité : c’est le meilleur endroit pour moi, pour n’importe quel artiste.
Je rejoins l’avis de Cuné.
Et pour finir, vous trouverez peut-être d’autres lectures sur ce thème dans les Conseils de lecture n° 7.