Je suis quelque peu en panne de lecture depuis que j’ai fini Les disparus début juillet, ce qui a pour avantage une liste de livres à chroniquer réduite comme peau de chagrin, mais ce qui m’a aussi fait commencer, puis reposer en soupirant, plusieurs livres empruntés à la bibliothèque… pas envie de roman noir américain, ni d’autofiction à la française, ni de nature writing, ni de roman russe un peu allumé… Dans ce cas, un polar peut faire l’affaire, mais ma pile de polars a fondu. Et voici La servante écarlate, que j’avais commencé il y a quelques années et qui revient sur le devant de la scène grâce à la série. Donnons-lui donc une deuxième chance !
« Nous étions les gens dont on ne parlait pas dans les journaux. Nous vivions dans les espaces blancs et vides en marge du texte imprimé. Cela nous donnait davantage de liberté.
Nous vivions dans les brèches entre les histoires. »
Defred, c’est le nom qu’elle a maintenant, cette servante toute de rouge vêtue, aux fonctions bien particulières. Dans la république de Gilead, les femmes dépendent, sans en avoir eu le choix, de différentes catégories : épouses, cuisinières ou servantes destinées à procréer, lorsque la fécondité baisse de manière alarmante. Dans cet univers extrêmement codifié, rien n’est laissé au hasard, et tout est fait pour que personne, et les femmes en particulier, ne soit amené à penser par lui-même : plus de livres, des émissions de radio lénifiantes, des exécutions sommaires destinées à frapper les esprits…
« Je suis donc couchée à l’intérieur de la chambre sous l’œil en plâtre du plafond, derrière les rideaux blancs, entre les draps, aussi lisse qu’eux, et je fais un pas de côté pour sortir de ce temps qui m’appartient. Sortir du temps. Pourtant c’est bien ceci le temps et je ne suis pas à l’extérieur.
Mais la nuit est mon moment de sortie. Où irai-je ? »
Ce roman évoque 1984 de George Orwell ou Fahrenheit 451 de Ray Bradbury, et présente un avenir monstrueux, sans être complètement inimaginable. Le monologue de Defred laisse entrevoir sa personnalité, forte, qui n’a pas rompu malgré les événements traumatisants qu’elle a vécu. Elle s’autorise parfois en pensée à regarder en arrière, vers le moment où tout a commencé à se dégrader, et ce sont des moments perturbants là encore, tant l’identification se fait facilement. Ça provoque des frissons d’angoisse et de colère !
Et l’écriture, superbe, donne encore plus de force à ce que la jeune femme raconte… Ce n’est pas un roman précipité, haletant, mais un texte qui prend le temps de suivre son personnage principal, d’imaginer son évolution, ses possibilités d’action…
Alors, ai-je bien fait de reprendre ce roman ? Bien sûr, et je suis impatiente maintenant de découvrir davantage les romans de Margaret Atwood. En aurez-vous à me recommander ? En attendant la sortie de The testaments (parution en anglais en septembre) qui sera une suite, quinze ans après, de La servante écarlate, et qui éclairera peut-être la fin du roman… ah, quelle fin !
La servante écarlate (The handmaid’s tale, 1985), Robert Laffont, 1987, 2015 pour cette édition de poche, traduction de Sylviane Rué, 522 pages, dont une postface de l’auteure.
Repéré chez Ariane… Je lui ai donné une deuxième chance.