« L’important pour moi, dans cette entreprise qu’est la Maison Verte, c’est d’étudier la folie à fond, d’en repérer les stades, d’établir une classification des différents cas, de découvrir enfin la cause du phénomène et le remède universel. Tel est le mystère de mon cœur. Je pense faire là œuvre utile pour l’humanité. »
Imaginez Itaguai, une petite ville tranquille du Brésil à la fin du XIXème siècle. Lorsque Simon Bacamarte revient dans cette ville de sa jeunesse, c’est en tant qu’aliéniste, ainsi qu’on nommait les psychiatres à cette époque. Il obtient des autorités locales de quoi construire la Maison Verte, un endroit où les aliénés seront soignés et étudiés. Car le Dr Bacamarte prétend cartographier la folie, en déterminer toutes les formes, et de là, en déduire un procédé universel de soins appropriés. Il commence par l’étude des quelques cas locaux connus, puis en vient à faire enfermer, dans une toute-puissance très étonnante, ceux qui présentent des traits de caractères trop marqués, ou qui se rebellent contre ses dictats. Cela rappelle de trop nombreux dirigeants de pays ou des conjoints pervers qui assoient leurs emprises sur un prétendu déséquilibre de leur compagne. Quoique l’aliéniste ne fasse pas cela pour le pouvoir, mais uniquement pour la science, dit-il.
« La folie, objet de mes travaux, était jusqu’à maintenant une île perdue dans l’océan de la raison ; j’en viens à soupçonner qu’il s’agit d’un continent. »
Bien sûr, puisque nous sommes dans un conte moral (ou immoral), l’auteur brésilien pousse la logique de Bacamarte jusqu’au bout. À un moment la moitié de la population va être enfermée, d’autres vont se rebeller et faire leur révolution, leur Bastille, comme ils disent, mais cela ne s’arrêtera pas pour autant.
La lecture commune autour de L’aliéniste m’a permis de découvrir Joaquim Maria Machado de Assis, écrivain et journaliste brésilien (1839-1908), autodidacte né au sein d’une famille très modeste. Il semblerait que toute son œuvre soit teintée d’humour, ce qui la rend assez inclassable. L’aliéniste est une satire féroce et poussée très loin des sociétés autoritaires et de la science. Il pose la question des définitions de la folie et de la normalité. Cela semble plus simple de nos jours, où c’est le mal-être du patient qui provoque une demande de soins, et où il s’agit plus de lui rendre sa sérénité que de poser un diagnostique. Cela était malheureusement moins évident à l’époque décrite.
Ce fut donc une lecture intéressante, un brin de philosophie de temps à autre ne fait pas de mal, et ce conte m’a souvent fait sourire. Je serais curieuse d’un autre ouvrage de l’auteur pour voir s’il se trouve être aussi de cette veine.
L’aliéniste de Joaquim Maria Machado de Assis, (O Alienista, 1881), traduction de Maryvonne Lapouge-Pettorelli, éditions Métailié, 1984 et 2005 en poche, 112 pages.
Lecture commune avec A_girl_from_earth, Doudoumatous et Rachel.

Ainsi que tu le dis si bien, « L’Aliéniste » est une lecture pleine d’humour qui incite à la réflexion sur la science, la folie, la normalité, etc. Ce bref roman m’a effectivement donné envie de connaître un peu mieux l’œuvre de son auteur. J’ai ajouté un lien vers ton blog pour cette lecture commune.
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Je suis assez curieuse du reste de l’œuvre de l’auteur, je lirai d’abord d’autres avis avant de me lancer. J’avoue préférer la littérature contemporaine.
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Voilà encore une lecture notée depuis longtemps car les romans qui traitent de la folie m’intéressent (j’aurais mieux fait de lire ce classique plutôt que « Le bal des folles » par exemple…).
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Je pense que oui, tu aurais davantage apprécié que Le bal des folles (que je n’ai pas lu mais deux ou trois avis comme le tien m’ont édifiée). Ici, c’est outré, mais tout à fait volontairement de la part de l’auteur.
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Il a beaucoup fait parler à sa sortie ce roman, mais je ne l’ai toujours pas lu. J’ai l’impression que tu n’as pas été complètement emballée.
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J’ai découvert après achat que l’auteur l’avait écrit en 1881, j’ai cru à une faute de frappe au début ! Bon, je ne suis pas très connaisseuse en littérature de cette époque, mais il se lit très bien et rapidement.
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C’est bien de me tenter, mais la bibli a de la VO…
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Même s’il n’est pas très long, mieux vaut lire le portugais pour te lancer… 😉
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Comme Aifelle je sens une réticence dans ton billet . Je ne connais pas cet auteur. Mais je suis souvent peu sensible au côté fable d’Amérique latine.
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Je ne peux pas dire que je n’ai pas apprécié, mais ce n’est pas le grand emballement non plus, juste une découverte intéressante qui change de mes lectures habituelles.
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Comme je l’écrivais chez A_girl, j’ai un titre de cet auteur sur ma pile (Le philosophe ou le chien ), que je n’ai pas eu le temps de lire pour le Mois latino… à découvrir, donc, je pense que le ton me plaira…
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Je serai intéressée par ton avis sur cet autre titre…
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Le titre pourrait faire reculer, pourtant.
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Mais il intrigue, aussi…
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Ah et bien tu donnes bien envie de découvrir ce livre.
Quant à la folie, malgré les progrès, je pense qu’on est loin d’avoir toutes les réponses et surtout tous les soins adaptés, les troubles psy étant si vastes et laissant les malades et leur entourage si démunis et impuissants.
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Le Dr Bacamarte trouverait aussi que les troubles psy sont très vastes… ce que tu constateras si tu lis ce (court) roman.
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Ah ben si je ne l’avais pas lu, j’aurais été très tentée par ton billet, roman brésilien ou non, c’est sûr.^^ C’est tout à fait mon genre d’atmosphère, de ton, et j’ai bien apprécié cette lecture qui était peut-être trop courte pour que j’aie le temps de m’enthousiasmer davantage. Mais l’auteur a su condenser l’essentiel et faire passer le message en quelques pages, tout en parvenant à nous amuser, ce qui est assez fort tout de même.
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Ton voyage littéraire au Brésil va être l’occasion de découvrir d’autres titres de cet auteur, sans doute, que ce soit toi ou d’autres qui les proposent. A suivre, donc !
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Finalement, je serai assez tentée par ce roman et son sujet. Le côté fable me retient parfois, mais comme il est court et immoral, je le note.
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Et puis on n’a pas trop l’habitude, enfin moi en tout cas, de lire des classiques brésiliens.
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Sans être transcendée, j’avais trouvé ce livre très intéressant. Comme toi en fait. Une lectrice de mon blog m’a recommandé l’auteur, mais ses oeuvres sont compliquées à trouver, et j’ai l’impression que celles sur lesquelles j’ai mis la main ne sont pas ses plus emblématiques.
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