Julie Moulin, Domovoï

« C’était un Domovoï ; il était russe et nous sommes français. Maman aussi était française. Elle avait importé le Domovoï de Russie quelques années avant ma naissance. Une sorte de nain barbu, griffu, au regard oblique dont la reproduction sur d’anciens livres en cyrillique me gardait éveillée jusque tard dans la nuit. J’espérais à ne jamais le rencontrer pour de vrai. »

Jeune étudiante à Sciences Po, Clarisse choisit contre toute attente et sur une impulsion soudaine, de passer un semestre à Moscou pour ses études. Elle ne voit que cette destination possible pour répondre aux questions qu’elle se pose sur sa mère, disparue depuis dix ans, sans s’être beaucoup confiée à sa fille. Le père de Clarisse cultive l’art d’esquiver toute question qui le dérange, ce n’est donc pas auprès de lui qu’elle obtiendra des réponses. Toutefois, soucieux pour sa fille, il lui donne pour son séjour sur place l’adresse d’une ancienne amie russe. Le roman alterne entre 1993, séjour d’Anne en Russie, et 2015, aux côtés de Clarisse.

« Que raconter à ceux qui n’ont pas vu les mêmes paysages, rencontré les mêmes gens, ni vécu les mêmes aventures? On ne comprend jamais qu’au prisme de sa propre expérience des sociétés humaines. »

J’avais beaucoup apprécié la lecture, il y a quelques années, de Jupe et pantalon, le premier roman de Julie Moulin, sur le thème du stress professionnel, vu par les parties du corps d’une jeune femme pressée… un roman aussi original qu’intéressant. Celui-ci est totalement différent, plus personnel peut-être, on y sent l’amour de l’autrice, au travers de ses personnages, pour la Russie, ses villes, ses musées et ses artistes (Kouindjï, Chichkine…) et surtout ses petites gens, leur accueil et leur bonté naturelle.
Une certaine forme d’humour léger passe entre les lignes, alors que le thème de l’héritage maternel ne s’y prête pas vraiment, et que les deux jeunes femmes, à vingt ans d’intervalle, tout en étant fascinées par le pays, peinent un peu à s’adapter à Moscou, pour des raisons différentes. Le Domovoï, sorte de petit génie domestique, participe aussi à cette légèreté, et peut-être ce côté « réalisme magique » aurait-il pu être un peu développé.
Au final, l’histoire est sympathique, pas aussi originale que Jupe et pantalon, mais pleine d’humanité et de finesse, la fameuse âme russe, sans doute. (humanité et finesse, des qualités qu’il ne faut pas chercher chez les dirigeants de ce grand pays, mais ça, c’est une autre histoire). L’écriture montre une originalité qui l’éloigne toujours des clichés et l’autrice maintient, au sujet de la mère de Clarisse, un suspense qui culmine habilement dans les dernières pages.

Domovoï de Julie Moulin, éditions Alma, 2019, 298 pages.

Nicole et Delphine-Olympe ont aimé aussi.

Lu pour le mois de l’Europe de l’Est 2023.

20 commentaires sur « Julie Moulin, Domovoï »

  1. C’est la première fois que rencontre cette auteure. Elle a l’air original et puis elle parle de Moscou ! Que j’aime cette langue, cette littérature, cette ville, ce pays, (les dirigeants en moins comme tu le dis si bien) !

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