Lance Weller, Le cercueil de Job

« – Est ce que ça rend les choses plus grandes ou plus petites ? demanda-t-il encore. Savoir lire ?
– Les deux, dit Bell en regardant à nouveau autour d’elle à la recherche de mots. Avant ? Le monde était fermé. Mais il s’est ouvert et il continue à s’ouvrir à mesure que j’avance. »

Deux personnages se succèdent au fil des pages de ce roman, en plein Tennessee, entre 1862 et 1864. Bell Hood est une jeune esclave en fuite, obligée de se terrer toute la journée pour échapper aux chasseurs d’esclaves, et de marcher la nuit, en se repérant grâce aux étoiles. Le cercueil de Job est une constellation qui lui indique la direction à suivre. Quant à Jeremiah Hoke, il combat aux côtés du Sud sécessionniste, tout en réprouvant plus ou moins leurs convictions. Il se trouve pris dans l’épouvantable bataille de Shiloh, d’où il ressort estropié et en errance, plus perdu dans son esprit que jamais.

« Ce jour-là, les flammes s’élevaient directement de la terre, ondulaient dans l’herbe, elles avançaient en vagues d’un jaune orangé, montant et descendant, sifflant et crépitant. Des choses terribles passèrent inaperçues sur le moment – visions d’horreur, bruits, odeurs obscènes qui ne se manifesteraient que longtemps après, dans des rêves ou des éclairs de réminiscence qui prendraient des allures de rêve et couperaient le souffle des vieux soldats. Des choses amalgamées, fantasmagoriques, sanglantes et si épouvantables que personne ne pourrait croire qu’elles s’étaient véritablement produites, et encore moins qu’on avait pu y survivre. »

Ce qui frappe dans ce roman, c’est tout d’abord la guerre, celle du dix-neuvième siècle, comme on ne l’a jamais lue ailleurs, avec des bruits, des odeurs, un sol visqueux, des couleurs et des cris. Cela rappelle ces musées de batailles qui restituent les sons de l’artillerie et l’odeur de la poudre, en bien plus complexe et réaliste. Mais bien sûr, le point fort de Lance Weller, ce sont ses personnages, les principaux tellement humains, au coté desquels on a forcément envie de cheminer, même si leur chemin est loin d’être semé de roses. Sans oublier des personnages secondaires incarnés et vrais, pas seulement des faire-valoir. J’ai déjà lu quelques romans qui ont pour cadre la guerre de Sécession, souvent forts et prenants, mais rien de tout à fait comparable à celui-ci. Lance Weller est vraiment un maître, car après Wilderness et Les Marches de l’Amérique, il fait encore une fois très fort !

Le cercueil de Job de Lance Weller, (Job’s coffin) éditions Gallmeister, septembre 2021, traduction de François Happe, 480 pages.

Des avis sur ce roman chez Electra et Keisha

32 commentaires sur « Lance Weller, Le cercueil de Job »

  1. je te suis totalement là, pour moi un auteur injustement trop peu connu et après Wilderness on pense qu’il ne fera jamais aussi bien et il prouve le contraire, je l’ai lu cet été mais je n’ai pas encore fait de bille, je suis une grande procastineuse

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  2. Dominique a tout à fait raison : Weller est injustement méconnu (chez nous tout autant que chez lui d’ailleurs). Dans des univers aussi violents et désespérants que les conflits armés, il parvient à insuffler sensibilité et humanité qui, à chaque fois, me serrent le cœur.

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    1. Il est même encore plus méconnu aux États-Unis, je n’ai pas trouvé ce roman en VO sur Goodreads, et d’après le site de l’auteur, il a été publié directement en version traduite chez Gallmeister.
      Tu as tout à fait raison de souligner l’humanité de ses personnages, point que j’ai oublié dans mon billet.

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  3. Je n’ai toujours pas lu cet auteur mais ce que tu dis sur son traitement de la guerre de sécession m’intrigue fort ! Peut-être vais-je enfin découvrir sa plume grâce à ce roman.:)

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  4. J’ai découvert Weller l’année dernière avec ce titre, et quelle découverte! Il a une plume d’une très grande puissance évocatrice et je me réjouis de poursuivre ma découverte de son univers avec Les marches de l’Amérique.

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