Bernardine Evaristo, Mr Loverman

« Comment prendre la décision de tout chambouler en disant à Carmel que je veux divorcer ?
La réalité, c’est que je suis trop habitué à la prison que je me suis fabriquée : juge, maton et crétin de codétenu. »

J’ai découvert Bernardine Evaristo l’année dernière grâce à la traduction de son roman primé Fille, femme, autre par les éditions Globe. Plus qu’une trouvaille, ça a été un véritable emballement pour ce roman choral très contemporain à la fois dans la forme et le fond, et pour ses personnages. J’étais donc pressée de poursuivre l’aventure avec Mr. Loverman, tout en sachant qu’il avait été écrit plusieurs années auparavant, en 2013, par l’autrice britannique.
Le personnage principal en est Barrington Walker, dit Barry, soixante-quatorze ans, et plus de cinquante ans de mensonges envers son épouse Carmel et sa famille. Barry, charmant dandy septuagénaire à la réputation de coureur de jupons, entretient en effet une relation avec Morris, son alter ego, l’amour de sa vie, depuis qu’ils vivaient tous deux à Antigua, bien avant que l’un comme l’autre émigrent à Londres.
Enfin, Barry l’annonce à Morris, il va tout dire à Carmel, faire enfin son coming-out, et ils vont pouvoir vivre tous les deux comme ils l’entendent. Mais le moment ne semble jamais propice, Barry tergiverse, ressasse ses scrupules…

« Je me vois, cinquante ans que je me comporte dans ma propre maison comme une souris d’hôtel, qui grimpe vers sa tanière, tenaillée par l’angoisse. »

De judicieux retours en arrière permettent de mieux connaître les trois personnages principaux, ainsi que les deux filles de Barry, intéressantes par bien des aspects également. Tous ces personnages expressifs, spirituels et spontanés, habiles à parler sans fin de tous les sujets de société, font le charme de ce roman, qui aborde des thèmes aussi passionnants et variés que l’identité, les préjugés, l’immigration, la paternité. Il se révèle toutefois moins bluffant que Fille, femme, autre, pas tout à fait aussi original sur la forme, et comportant quelques petites longueurs, mais si l’on a en tête qu’il a été écrit avant, ce n’est que logique…
Je dirais que si vous devez n’en lire qu’un de cette autrice, lisez Fille, femme, autre et si vous choisissez de lire les deux, mieux vaut commencer par Mr. Loverman. Que vous l’ayez lu ou non, qu’en pensez-vous ?

Mr. Loverman de Bernardine Evaristo, 2013, éditions Globe, février 2022, traduction de Françoise Adelstain, 302 pages.
Lu pour le mois anglais.

24 commentaires sur « Bernardine Evaristo, Mr Loverman »

  1. Fille, femme, autre avait tellement fait parler de lui, que, comme souvent dans ces cas là, je m’étais désintéressée de ce titre … Mais maintenant ce serait peut-être le moment d’y revenir, surtout si tu as été bluffée !

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  2. Bien sûr, très différent de Fille, Femme, Autre qui est tellement bluffant… mais la balade avec Barry est fort sympathique et ce n’était pas une mauvaise idée que de le faire découvrir. On voit les prémisses de ce que sera la construction de Fille, Femme…

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  3. Comme Athalie, j’ai assisté de loin à la vague « Fille, femme, autre » que j’ai volontiers laissé passer. Maintenant que le calme est revenu, et vu ce que tu dis de ces deux romans, il faudrait sans doute que j’y revienne.

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  4. J’avais déjà noté Fille, femme, autre, que j’espérais pouvoir caser un jour pas trop lointain mais ton billet me rend encore plus curieuse de ce roman.

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  5. J’ignorais qu’il avait été écrit avant le très beau Fille, Femme, Autre. Je l’ai lu il y a peu et j’en parlerai vendredi. Dans l’ensemble j’ai beaucoup aimé mais comme toi, j’y ai trouvé quelques longueurs.

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Et vous, qu'en pensez-vous ?