Giulia Caminito, Un jour viendra

« Nicola se sentait l’habitant d’une maison en ruine, il regardait ses propres fragments s’éparpiller, il luttait contre sa chair trop tendre qui ferait le délice d’un premier ogre venu. C’était l’enfant des contes, facile à attraper, bon pour le pâté, incapable de s’enfuir, il engraisserait dans une cage avant d’être cuit à feu doux. »

Tout commence à la fin du XIXème siècle, à Serra de’ Conti, une bourgade des Marches, région côtière de l’Italie centrale. La famille du boulanger, Luigi Ceresa, accumule les malheurs, ses enfants meurent de maladies ou d’accidents les uns après les autres. Il ne reste que Lupo et Nicola, l’aîné aussi fier et costaud que son petit frère est fragile, un intellectuel au sein d’une famille dominée par la figure du grand-père anarchiste. On imagine bien les relations entre les deux frères, l’un protégeant l’autre, mais c’est en réalité plus compliqué que cela. Puis des événements remuent la région, rébellion contre les grands propriétaires, « semaine rouge » d’Ancône, première Guerre mondiale, et les deux frères arrivant à l’âge adulte vont devoir faire des choix.
Parallèlement, d’autres chapitres emmènent entre les murs du couvent qui domine Serra de’ Conti, auprès de l’abbesse Clara, originaire des monts Nouba, en Afrique, qui est intriguée par une novice à fort caractère.

« Il était convaincu que les hommes devaient arrêter de s’imaginer debout, verticaux et tournés vers le ciel comme des arbres, de faire la course à qui a la cime la plus haute, ils devaient plutôt se penser couchés, les uns à côté des autres, des hommes et des femmes horizontaux, qui regardent vers le haut de la même manière et remplissent l’espace avec un seul corps, qui fraternisent et s’ils le veulent, se lèvent ensemble. »

C’est la première fois que je me risque parmi les nouveautés Gallmeister hors États-Unis… Cela sera-t-il une bonne idée ?
Roman noir rural, roman historique et social, histoire (de secret) de famille, Un jour viendra est un peu tout à la fois, mais sans les travers des premiers romans où les thèmes abondent, et où les genres mélangés engendrent une certaine confusion. Non, ici, les coutures ne laissent pas apparaître de surfilages grossiers et l’écriture harmonise le tout : elle est particulièrement ample, forte, et ne saurait être mieux adaptée au sujet. En outre, l’autrice laisse habilement de la place au lecteur pour imaginer et échafauder avant que certains pans de l’histoire ne soient révélés.
Plus que le récit qui m’a permis d’approfondir le peu que je connaissais de l’histoire de l’Italie, plus que les personnages denses et bien présents, c’est le style de Giulia Caminito que je retiendrai, en attendant d’avoir l’occasion de lire son deuxième roman, traduit et paru également chez Gallmeister.

Un jour viendra (Un giorno verrà, 2019) de Giulia Caminito, éditions Gallmeister, 2021, paru en poche, traduction de Laura Brignon, 284 pages.

Lire aussi la chronique de Krol.

30 commentaires sur « Giulia Caminito, Un jour viendra »

  1. Celui-ci ne me tente pas spécialement mais je vais suivre de près les incursions de Gallmeister hors États-Unis. J’espère de belles pépites !

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  2. Pour moi Gallmeister c’est l’Amérique, il va me falloir un petit temps d’adaptation pour passer au reste … D’autant plus qu’il y en a encore plein chez eux que je voudrais lire avant.

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  3. Dans quinze jours, le festival Etonnants voyageurs a kieu à Saint Malo et ces éditions y sont toujours largement représentées, et c’est souvent un des stands les plus animés de bons conseils. Je verrai si je tente, mais je suis déjà largement convaincue par ta note !

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        1. En désordre, parmi les auteurs que j’ai déjà lus : le Canadien Christian Guay-Poliquin (La Peuplade), Chris Offutt (Gallmeister), Sorj Chalandon, Andrei Kourkov.
          D’autres que j’aimerais découvrir 
: Gouzel Iakhina (Phébus) 
Katharena Vermette (Albin Michel) Yahia Belaskri (Zulma
) Elena Piacentini (Actes Sud) Pablo Martin-Sanchez (Zulma
) 
Alice Kaplan (Le bruit du monde) Jake Lamar (Rivages) 
Yamen Manai (Elizad
) James Meek (Métailié) 
Doan Bui (Grasset
)… cette dernière avec La tour irait bien dans ton thème sur la ville, non ? 😉

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          1. Merci de tes indications, je vais avoir le temps ce Week end de me pencher sur ces noms et les titres présentés. Il y en a certains que je connais un peu, dont Yamen Marai, que j’avais trouvé passionnant il y a trois ans. Je note aussi Doan Bui …
            On se régaler !

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  4. Une belle découverte pour moi aussi. Gallmeister a eu du flair de sortir des sentiers battus américains. Je vais aussi lire (quand, ça c’est une autre histoire…), le second roman qui vient de paraitre.

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    1. Je pense lire aussi le deuxième roman de Giulia Caminito. Celui-ci m’a bien plu et a continué à faire son chemin après lecture, c’est toujours bon signe…

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