Fiona Kidman, Albert Black

« Tandis que les incendies éclataient chaque année à Belfast, on mettait des livres au feu du haut en bas de la Nouvelle-Zélande. La police courait d’une librairie à une autre, envahissait les bibliothèques de prêt et s’abattait sur les petites crèmeries de quartier qui avaient en stock quelques éditions de poche, raflant au passage des livres et des bandes dessinées. »

Nouvelle-Zélande, 1954 : le gouvernement fait brûler les livres subversifs qui incitent les jeunes (surtout les filles, bien sûr) à la débauche, et rétablit la peine de mort. A cette même époque, la méfiance est grande envers les immigrés, écossais ou irlandais venus avec un billet de bateau à 10 livres chercher du travail dans ce pays neuf. Des emplois, ils en trouvent, mais pour ceux qui tôt ou tard finissent par avoir le mal du pays, le retour n’est pas au même tarif !
En attendant, garçons et filles fréquentent les bars, s’amusent au son du juke-box et des musiques à la mode. C’est ainsi que vit Albert Black, surnommé Paddy, jeune irlandais de vingt ans débarqué quelques mois auparavant. Après avoir été hébergé par une veuve sympathique dans la région de Wellington, il décide de trouver un emploi mieux rémunéré à Auckland, mais fait aussi des rencontres qui vont peser sur sa destinée.

« Les lumières sont toujours allumées dans les couloirs de la prison , une lueur glauque fluorescente qui se faufile par le judas des portes, si bien qu’au plus profond de la nuit, il est impossible d’être soulagé par l’obscurité clémente. »

Voici un livre, je ne dis pas un roman puisqu’il s’agit de personnages réels et de faits survenus dans les années cinquante en Nouvelle-Zélande, voici un livre donc qui m’a complètement accaparée, ce qui est difficile ces derniers temps. Il se montre aussi prenant qu’un roman policier, tout en brassant bon nombre de thèmes forts. Que ce soit le mal du pays ressenti par Paddy, la panique morale du gouvernement néo-zélandais dans ces années-là, la justice et les médias qui condamnent avant de juger, la peine de mort, chaque sujet est étudié avec toutes ses facettes, et jamais plaqué sur le texte.
Je ne connaissais pas l’autrice, mais j’ai le sentiment qu’elle s’est investie à fond dans l’écriture de ce livre. Tout en respectant l’exactitude des faits, elle a réalisé un très beau travail d’écriture, que la traduction a bien rendu, et tout au long du livre, j’ai apprécié la manière de raconter, en passant d’un personnage à un autre, en retournant parfois en Irlande, en mettant en scène chaque témoin, chaque intervenant du procès.
J’ai pensé à d’autres livres, De sang froid de Truman Capote ou L’inconnu de la poste de Florence Aubenas, mais la comparaison n’était pas en faveur de ce dernier. Albert Black, peut-être parce qu’il se réfère à un fait-divers plus ancien, tient beaucoup mieux la route, c’est une très belle convergence entre des thèmes forts, une écriture engagée et une structure intéressante.

Albert Black de Fiona Kidman, (This mortal boy, 2018), éditions Sabine Wespieser, avril 2021, traduction de Dominique Goy-Blanquet, 347 pages.

30 commentaires sur « Fiona Kidman, Albert Black »

  1. J’avais beaucoup aimé son recueil de nouvelles « gare au feu », je n’hésiterai pas si je vois ce titre à la bibliothèque.

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  2. Ça a l’air intéressant. L’histoire de la Nouvelle Zélande est aussi un sujet exotique pour moi. Je vois en plus qu’il est disponible à ma bibliothèque.

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  3. J’aime la façon dont tu décris ce livre et ça donne une envie folle de découvrir cet auteure et ce qui s’est passé en Nouvelle Zélande à cette époque .

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