« Quand le moment du départ arriva, tout parut irréel à Yusuf. Il dit adieu à sa mère sur le seuil de la maison et suivit son père et son oncle jusqu’à la gare. Il portait son petit ballot contenant deux shorts, une chemise, un Coran et un vieux chapelet de grès. Il ne lui vint pas à l’esprit, ne fût-ce qu’un instant, qu’il serait peut-être séparé de ses parents pour longtemps ou même qu’il ne les reverrait jamais. »
Le jeune Yusuf a douze ans, et admire son oncle Aziz, riche commerçant qui ne manque jamais de donner une petite pièce au garçon lors de ses passages. Lorsque ses parents lui annoncent qu’il va partir en voyage avec cet oncle, il en est donc ravi, et mettra un certain temps à se rendre compte qu’Aziz n’est pas réellement son oncle, mais que ses parents avaient une dette envers lui, et qu’il devient ainsi l’un de ses esclaves. Yusuf s’habitue peu à peu à une nouvelle vie sans ses parents, où il aide à tenir une boutique. Il est très curieux de la grande maison avec jardin de son « oncle », où il n’a pas le droit d’entrer… mais Yusuf va devoir encore repartir sur les routes de Tanzanie.
« Les Européens sont très déterminés, ils se battent pour nous arracher les richesses de notre terre, et ils nous écraseront tous. Tu serais un imbécile si tu croyais qu’ils sont venus pour notre bien ; ce n’est pas le commerce qui les intéresse, mais notre terre, tout ce qu’elle contient, et nous avec. »
C’est une découverte que ce roman du tout récent prix Nobel Abdulrazak Gurnah, écrit en 1994 et réédité tout récemment. Je ne me serais pas forcément précipitée dessus sans un certain père Noël qui se reconnaîtra.
J’ai aimé découvrir la Tanzanie au travers du regard d’un jeune garçon déraciné. Il est un peu difficile de s’attacher à ce jeune personnage, sa naïveté m’en a empêché dans une certaine mesure. Sa personnalité demeure assez longtemps malléable et presque inconsistante, contrairement aux personnages secondaires, qui ont plus d’épaisseur. Certains sont d’infatigables conteurs et grâce à leur volubilité, ouvrent les yeux de Yusuf sur le monde qui l’entoure. Et quel monde ! La société tanzanienne est en effet très cosmopolite, les indigènes swahilis y croisent de riches Omanais, des Hindous, et enfin des colonisateurs allemands, chacun essayant de s’approprier richesses, productions locales et main-d’œuvre à bon marché. Il va sans dire que la paix n’y règne pas.
Ce roman vaut surtout pour l’atmosphère qu’il recrée, la vie des petits commerçants en Tanzanie, les conversations entre amis et voisins, les rapports de force entre maîtres et esclaves, entre colons et colonisés, le tout observé sans analyse par le jeune garçon. Un peu gênée au début par l’absence de repères temporels précis, un petit survol de l’histoire de la région m’a permis de préciser : l’arrivée des colons allemands correspond au début du XXème siècle, peu avant la Première Guerre mondiale.
L’écriture de Abdulrazak Gurnah fait merveille pour décrire les paysages de la Tanzanie, du désert à la forêt tropicale ou à l’atmosphère urbaine de Zanzibar, pour évoquer les différentes langues qui permettent de commercer et d’échanger, pour représenter les différentes communautés et leurs conflits, pour montrer les petites choses de la vie quotidienne du jeune Yusuf.
Un voyage, à la fois dans le temps et dans l’espace, très intéressant.
Paradis d’Abdulrazak Gurnah, (Paradise, 1994), éditions Denoël, 1995 et 2021, traduit de l’anglais par Anne-Cécile Padoux, 280 pages.
Je ne suis pas très attirée par le thème, mais sait-on jamais ..
J’aimeJ’aime
Pour le dépaysement et la découverte, il vaut le coup de tenter !
J’aimeJ’aime
Rien que par curiosité, je chercherai à le lire!
J’aimeJ’aime
Tu devrais le trouver très vite dans tes bibliothèques…
J’aimeJ’aime
J’ai vérifié, deux titres, et en anglais pour l’un (ce qui élimine des emprunteurs!)
J’aimeAimé par 1 personne
un voyage certainement plus proche de la réalité que les images de Safari vantées par la publicité vantant le tourisme en Afrique
J’aimeJ’aime
C’est sûr, c’est très instructif de ce point de vue.
J’aimeJ’aime
De l’auteur, je viens de lire Près de la mer, qui a un peu les mêmes thèmes. Mon billet bientôt.
J’aimeJ’aime
J’ai aussi Près de la mer sous le coude, et il m’intrigue.
J’aimeAimé par 1 personne
Un prix Nobel de littérature mérité alors… J’aimerais vraiment le découvrir.
J’aimeJ’aime
L’écriture à elle seule mérite que le jury Nobel s’y intéresse (je n’ai pas beaucoup parlé de cet aspect)
J’aimeAimé par 1 personne
je serais tentée mais rien à la bibli … à voir donc je crois l’avoir vu en bouquinerie (oui sans doute un cadeau de Noël revendu)
J’aimeAimé par 1 personne
Un roman qui sort des sentiers battus…
J’aimeJ’aime
Un roman qui pourrait m’intéresser et me plaire, puisque j’ai en projet pour Avril un voyage dans un pays voisin, le Kenya. j’imagine que les us et coutumes de l’époque ainsi que les conséquences de la colonisation, doivent être assez similaire entre la Tanzanie et le Kenya.
J’aimeJ’aime
Je croise les doigts pour ton projet de voyage et… oui, ce roman me semble tout indiqué, pour connaître en partie l’histoire de cette région.
J’aimeJ’aime
C’est vrai que sans le Nobel, je n’aurai pas regardé spécialement les publications de cet auteur.
J’aimeJ’aime
J’avoue que je ne connaissais même pas son nom avant le Nobel.
J’aimeJ’aime
Lu (en anglais) et adoré. Que l’enfant soit naïf ne m’a pas gênée, c’est un enfant! qu’il aime les contes, cela ajoute au merveilleux.
J’aimeJ’aime
Je trouve que ça sent toujours un peu le procédé, le naïf à qui les autres expliquent les choses (que l’auteur veut en fait expliquer au lecteur) mais bon, dans ce cas, ça passe plutôt bien.
J’aimeJ’aime
Une escapade littéraire qui a l’air bien dépaysante, et prix Nobel de littérature pour couronner le tout, ça semble valoir le détour.
J’aimeJ’aime
Ne serait-ce que par curiosité…
J’aimeJ’aime
Je viens de recevoir son dernier roman pour Noël, l’occasion de le découvrir à mon tour 🙂
J’aimeJ’aime
Son dernier ? Près de la mer ? Je vais le lire aussi.
J’aimeJ’aime
Bien tentant ! Mais aucun livre de cet auteur à la médiathèque. Je vais l’inscrire dans les suggestions d’achat.
J’aimeJ’aime
Avec le Prix Nobel, les bibliothèques vont sûrement s’y intéresser.
J’aimeJ’aime
Beaucoup aimé aussi.
J’aimeJ’aime
Un voyage à Zanzibar, c’est suffisamment original pour s’y laisser embarquer.
J’aimeJ’aime
J’ai récemment feuilleté un autre de ses livres en librairie, et ça m’avait déjà semblé intéressant. Tu enfonces le clou 😉
J’aimeJ’aime
L’autre que Denoël a ressorti récemment, Près de la mer, semble très bien aussi.
J’aimeAimé par 1 personne
A découvrir pour moi… Il n’y en a même pas un seul à la médiathèque…
BONHEUR DU JOUR (http://bonheurdujour.blogspirit.com)
J’aimeJ’aime
Le prix Nobel a pris les médiathèques de cours, on dirait… mais pas les éditeurs ni les libraires.
J’aimeJ’aime
Excellente idée du père Noël que ce livre que je ne connaissais absolument pas ! Merci !
J’aimeJ’aime
Je ne connaissais pas non plus il y a quelques mois…
J’aimeJ’aime